Nous devons à la triste déclinaison lyonnaise de Rue89 l’interview fleuve du grand Usul, l’extrême gauchiste devenu gauchiste chez les bourges de Mediapart. C’est lui qui le dit. Usul parle à cœur ouvert, et révèle avec courage quelques failles (la peur des fachos), mais l’intérêt de cette confession n’est pas là : il est dans la démonstration involontaire que quelque chose cloche dans le logiciel gauchiste. Normalement, si on a un esprit un tant soit peu logique, on devrait se dire, et ça inclut Usul, qu’on en arrive à des impasses avec le dogme dominant. Et pourtant, ça tourne !
La première chose qu’on apprend chez Usul, c’est son complexe du diplôme.
J’ai un profil d’étudiant littéraire qui a abandonné ses études en cours de route. Avant YouTube, j’ai passé huit ans de ma vie a faire tous les petits boulots du précariat. McDonald’s, télémarketing, intérim, manutention : quand les autres faisaient des études, moi je travaillais la nuit dans des usines.
Maintenant que je suis à Mediapart et que je vis dans le centre-ville de Lyon, je suis un peu plus déconnecté de cette réalité. Mais se lever à 5 heures du matin pour aller travailler, je sais ce que c’est. J’en ai gardé une certaine colère, une certaine méfiance vis-à-vis de la bourgeoisie progressiste de gauche. Car même à gauche je ressens le mépris de classe, notamment envers ceux qui n’ont pas de diplôme.
Franchement, on peut le rassurer : chez E&R, tout le monde n’est pas diplômé, ça nous empêche pas d’être à la pointe de l’évolution politique, de faire bouger les lignes, pour parler comme Chevènement, quand il avait encore toute sa tête de gaucho souverainiste. On insiste sur le souverainiste car c’est ce qui manque objectivement à la gauche d’aujourd’hui, et qui la condamne à jouer les auxiliaires de la Banque. C’est le cas du PS, passé en 10 ans de premier parti de France à croupion électoral :
"Les nouvelles échéances électorales vont être l’occasion d’un sursaut, ou d’un suicide collectif", s'inquiètent les signataires de cette tribune, membres du PS, avant le début des universités d'été du parti. https://t.co/aF9z0YQseW
— Le HuffPost (@LeHuffPost) August 24, 2021
Usul raconte ses débuts avec ses montages pour le site jeuxvideos.com :
J’essayais déjà de faire passer des messages politiques dans certaines de mes vidéos : j’ai pu évoquer le taux de syndicalisation dans la sphère du jeu vidéo, le sexisme envers les joueuses….
Syndiquer des joueurs qui s’en foutent, défendre le féminisme dans le game... On le voit, Usul n’a pas peur des défis à la fois nobles, inutiles et voués à l’échec. On saute les passages sur la formation, et on en arrive à la doctrine.
Chaque semaine, vous réalisez une vidéo sur l’actualité pour la série « Ouvrez les guillemets » de Médiapart diffusée sur YouTube. Qu’est-ce que vous avez envie d’apporter au débat public avec cette chronique ?
Je me base sur l’actualité et la volonté d’ajouter quelque chose qui n’est pas encore dans le débat public. Quitte à prendre le contre-pied de la pensée des gens de gauche.
Si c’est des sujets qui peuvent particulièrement diviser la gauche, alors c’est encore plus intéressant.
La critique que je propose part du principe que nous ne sommes pas impuissants. L’espace médiatique et l’espace électoral sont les espaces liés à la bourgeoisie, mais ce ne sont pas les seuls dans lesquels nous pouvons agir.
J’essaye de mobiliser et de dire que la gauche n’a pas perdu d’avance. Le mouvement pour le climat et les luttes féministes : il y a plein de combats portés par les jeunes générations. C’est à nous, la gauche, de les soutenir et de les intégrer.
C’est pour ça que la gauche réactionnaire, qui se prétend de gauche, mais qui combat les féministes ou les antiracistes est un contre-sens. La gauche doit être capable d’autocritique. En interne, elle doit aussi faire face aux éléments et aux discours qui justifient l’ordre patriarcal et raciste. Elle doit être capable de les virer.
On ne voit pas trop où et quand Usul a pris le contre-pied de la pensée des gens de gauche. Quant au mouvement pour le climat et les luttes féministes, on ne comprend pas : le climat ne dépend pas de l’Homme, mais de la Nature, ou de Dieu, et les féministes ont déjà gagné, du moins en Occident, pas en Afghanistan. Alors, où est le problème ? Où est la gauche réactionnaire ? C’est Onfray ? Dernière chose, où est l’ordre patriarcal et raciste dans un pays où la femme est protégée par la loi et soutenue économiquement par la Sécu, et où l’on compte pas moins de 12 millions d’immigrés plus ou moins récents ?
Nous sommes le pays, proportionnellement, le moins raciste de la Terre (on met de côté les dictatures du Golfe qui importent 70 % d’immigrés pour faire le boulot). Alors où Usul va-t-il chercher tout ça ? Dans le grand livre des Légendes de la Gauche ? Apparemment, pas dans le Réel... Pourtant, il a connu l’usine. Mais vous savez, on connaît des gens qui voyagent tout le temps, qui visitent tous les pays possibles, et qui sont toujours aussi cons. Donc les expériences ne forment pas toujours l’esprit, surtout quand l’esprit est figé dans un dogme, et c’est le cas des gauchistes.
Il est alors amusant de lire qu’Usul a trouvé la liberté chez Plenel, l’agent trotskiste américain (mais ça, ça ne gêne pas le youtubeur) :
Mais à Mediapart, ils ne m’ont jamais supprimé un sujet. J’ai toujours eu une liberté importante.
C’est normal : quand on fait des sujets gauchistes chez des gauchistes, c’est pas eux qui vont te taper sur les doigts, réfléchis deux secondes. En revanche, si tu écris des trucs rentre-dedans comme Mucchielli, qui est pourtant théoriquement de gauche, très vite, tu te fais lourder. La fausse gauche ne fait pas peur à la Gauche, Usul ; c’est la vraie qui n’a plus le droit de cité, ni chez EELV ni au NPA, ces deux partis dont tu te sens proche.
Après le complexe du diplôme, Usul avoue une autre souffrance.
Lorsqu’on me traite de « journalope », je trouve ça injuste. Quand je vois une manifestation qui prend à parti un pauvre journaliste avec sa propre caméra, je n’apprécie pas qu’on s’en prenne à lui de cette façon là. Oui, il y a des gens très biens qui travaillent chez BFMTV !
(Ne criez pas : on a laissé les fautes estampillées Rue89, qui n’a pas encore compris que la forme est toujours au niveau du fond).
Mais la grande terreur, pour Usul en particulier et les gauchistes en général, c’est le facho. Le facho, c’est le méchant en pays démocratique.
Le seul sujet à Lyon que je suis avec une grande attention, c’est les fachos. On a une réputation nationale sur ce sujet. Dans les milieux de gauche, tout le monde sait qu’à Lyon c’est relativement préoccupant.
C’est pour ça que je me suis rapproché de la Jeune Garde Lyon et des antifascistes lyonnais, pour être au courant de ce qui se passe.
Dans certains quartiers, comme le Vieux-Vieux (5e), je ne me sens pas tranquille. Un jour un inconnu s’est approché de moi en me traitant de « grosse merde ». Une autre fois, un autre homme a fait un salut nazi devant moi en déclarant « le fascisme vaincra ».
Après ces moments difficiles qui rappellent les heures sombres (la nuit, quoi), vient le temps de l’analyse. Profonde.
La dissolution de Génération identitaire a fait que ses anciens membres n’ont plus de vitrine médiatique et d’image publique à maintenir.
Donc ils sont revenus aux fondamentaux sur le terrain : bagarre, ratonnade et occupation physique de certains quartiers. Leur objectif est d’aller défoncer des militants de gauche, des noirs et des arabes.
Ces groupes d’extrême droite ont toujours un important pouvoir d’attraction. Ce ne sont pas des petites brutes débiles qui les composent : ce sont des jeunes hommes issus la bourgeoisie lyonnaise radicalisée.
Ils veulent défendre et justifier un société d’ordre hiérarchisée et un système inégalitaire. Ces groupes étant en grande majorité masculin, ils sont confrontés au virilisme des jeunes années et à une certaine volonté de prouver qu’il sont des « bonshommes ».
Les fachos, si l’on suit le raisonnement d’Usul, ce sont à la fois des brutes et pas des brutes. Ils ratonnent les Arabes et les Noirs (où ça ? Quand ça ?) et désirent un « système inégalitaire ». Parce que le Système actuel ne l’est pas ? Avec son oligarchie et son peuple persécuté ? Son apartheid fondé sur le pass sanitaire ? Merde, l’interview date du mois d’août, et pas un mot sur le vrai fascisme, qui est celui de la Banque et ses réseaux occultes, qu’elle finance, et qui commandent le politique, qui plonge un pays entier dans le chaos !
Justement, parlons pognon. Usul a réussi à gratter 75 000 euros de financement participatif à des pauvres qui croient encore dans la justice gauchiste – alors qu’elle soutient in fine toujours la Banque contre les patriotes (voir la soumission de Mélenchon au 2e tour de mai 2017) – pour une émission politique sur Twitch, la grande mode. Et savez-vous qui sera le premier invité ?
Pour la première émission, nous avons accueilli Clémentine Autain. La semaine dernière c’était Mathilde Imer, de la Primaire Populaire. Nous aimerions aussi recevoir les futurs candidats et candidates à la présidentielle.
Putain, Autain... Ça nous a achevés. Tout ce pognon pour inviter Clémentine, la coco bourge sociale-traître de la mairie de Paris... Autant découper un œuf à la coque avec une tronçonneuse.
On terminera cette analyse sur un message d’Usul qui n’a l’air de rien, mais qui dit beaucoup :
Je suis fait pour vivre en ville, j’aime sortir, aller boire des verres dehors.
Oh oh, ça veut dire que t’as le pass, donc que t’es vacciné, petit malin !
C’est peut-être pour ça qu’il n’a pas voulu aborder le thème central, crucial, fondamental de notre époque, la dictature. C’est quand même un comble, non ? Pour ceux qui hurlent chaque jour depuis 50 ans à la dictature (de la droite), voilà qu’elle descend du ciel, sur un plateau d’argent, et ils refusent de la voir. Allez comprendre...
Bobonus : Usul et la pandémie
Notez l’attaque anti-Raoult à 3’23.
Usul : On a fait un épisode sur Raoult le 30 mars parce que en fait c’était n’importe quoi dès le début cette histoire.
Larbin : Oui parce que aujourd’hui tout le monde voit bien que c’est un charlatan, hein, il est poursuivi en justice par l’Ordre des médecins, même ses fanzouzes veulent plus se traiter à la chloroquine, y a plus que Philippot pour s’afficher avec lui, alors qu’au début y avait un débat, c’est sûr.
Usul ajoute, à 3’54 :
Et nous ce qu’on s’est contentés de dire c’était qu’il était pote avec tous les mecs de droite de la région PACA, là, et que il était pas si rebelle que ça.
Parole de rebelle de gauche !
Conclusion : l’usulisme est un humanisme, mais pas de droite.