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Université E&R : Comprendre Nietzsche, le cours offert de Pierre de Brague

« On va parler d’un moustachu allemand », commence le prof de philo. Si la première phrase de ce cours magistral de philo prête à sourire, le reste est sérieux, tout en restant décontracté. Ce n’est pas par hasard.

 

La décontraction et la proximité dans ce cours jouent le rôle des émissions grand public sur TF1 : elles préparent le cerveau de l’auditeur à mieux ingérer la pub. Ici, le concept. C’est ce que fait notre prof en amenant la philo au niveau de ceux qui ne s’y sont pas intéressés à l’école, ou après. Mais qui s’intéressent à l’évolution des idées, qui sont à l’origine de la politique et de l’histoire.

C’est donc par paliers successifs qu’on accède, partant d’en bas, à la complexité. Ce cours est offert pour vous donner une idée de l’université du savoir qu’est l’autre partie de notre site de résistance et de réinformation. Il y en a d’autres, tout aussi intéressants. Et n’ayez pas peur de la philo, elle ne mord pas. Elle peut même être très douce...

Pour le commun des mortels, wikipédiatisé, Nietzsche est ce philosophe allemand qui un jour est devenu fou devant un cheval en Italie, et qui a écrit des choses dangereuses qui seront reprises par les nationalistes allemands au début du XXe siècle. C’est pas faux, mais c’est quand même plus que ça, et aussi plus que l’analyse que Rochedy – qui s’est récemment perdu dans les steppes d’Ukraine – en fait, c’est-à-dire un droitard identitaire schleu. Quand même, merde !

Pour son analyse originale du penseur allemand qui a marqué le XXe siècle, Pierre de Brague s’appuie notamment sur les ouvrages d’Henri Lefebvre, un philosophe marxiste oublié (1901-1991).

« Je prétends vous livrer aujourd’hui une analyse, une interprétation, que vous n’entendrez nulle part ailleurs. »

« Les néodroitards voient en lui un sauveur de la civilisation européenne. »

« Ça va être très difficile de faire de Nietzsche un conservateur identitaire. »

« Il y a tout un courant déconstructeur qui a pu se revendiquer de Nietzsche. »

« Ma grille de lecture, mon audace, c’est de faire de Nietzsche un révolutionnaire (...), pas au sens bolchevique, mais je crois que Nietzsche a porté un coup fatal à l’ancienne métaphysique (...), il a donné lui aussi, en ratiboisant autour de lui à la tronçonneuse, les armes et les clés de la nouvelle métaphysique. »

 

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23 Commentaires

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  • #3315923

    Pierre de Brague parle de Nietzsche de manière respectueuse, sans a-priori, sans idéaliser, autant dire sans sous-estimer ni sur-estimer, en cherchant le juste équilibre, de quoi ? De la vérité.
    Merci.
    Toutefois, j’ai du mal à comprendre pourquoi tous ces penseurs, ces prétendus grands penseurs post-Jésus (nés après Jésus) n’ont jamais mis en évidence le discours selon lequel vivre l’amour est la plus belle et plus grandiose des aventures humaines qui nous soient donné de vivre, en cela, il n’y a rien de plus radical et vivifiant que l’amour, lequel, propose à chacun de devenir ce qu’il est en potentiel dans le plus pure discours nietzschéen proposant à chacun : « deviens ce que tu es ».

    Après le « connais-toi toi-même » de Socrate invitant l’être humain à conduire une introspection salvatrice aboule le « deviens ce que tu es » en guise d’action salutaire.

    Jésus nous invite à agir, à faire, à acter, à devenir, à travers la seule valeur qui soit universelle, partagée et compréhensive par quelque soit l’individu issu de telle ou telle culture, à savoir l’amour.

    L’amour nous apprend un langage qui va au-delà du langage, puisque incitant à découvrir, à comprendre, à respecter, à prendre soin, à honorer, à mettre en avant une justice équitable, à lutter contre l’indifférence…

    Le drôle dans cette affaire (d’humanité) qui implique chacun de nous est : pour se connaître faut-il aimer et être aimé ; et pour devenir ce que l’on est faut-il aimer et être aimé.
    Seul l’amour nous propose un être épanoui, un faire épanoui, un devenir épanoui.

    Quand bien même Jésus n’aurait pas été engendré dans le sein de Dieu, qu’il ne serait pas la deuxième personne de Dieu, qu’il ne serait pas avant qu’Abraham fut, qu’il ne serait ni le chemin, ni la vérité, ni la vie, qu’il n’aurait pas transformé l’eau en vin, qu’il n’aurait pas été crucifié et donc n’aurait pas ressuscité... par ses paroles, Jésus nous libère malgré tout de l’antéchrist qui n’est autre que le diable, le Malin, père du mensonge s’employant à séquestrer notre esprit, avide qu’il est de posséder notre âme.
    Il est fort possible que l’esprit et l’âme soient une seule et même chose, mais qu’importe, ce que veut le diable : nous claquemurer dans la mort ; ce que veut Jésus : nous en libérer.

    Dieu a créé l’homme pour l’immortalité
    La mort est entrée sur terre par le désir du diable
    ceux qui le suivent sont ses imitateurs

    Livre de la Sagesse, chapitre 2, versets 23-24

     

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    • @La nuque roide
      On dirait que quelque chose vous échappe complètement à propos de l’Amour....
      Chaque déclaration d’amour contient une potentielle déclaration de guerre, faisant savoir à l’ennemi : si vous touchez à ses personnes que j’aime, la Guerre sera déclarée.

      Heureusement que Vladimir Poutine et Xi Jinping ne sont pas des hippies à chemise à fleurs.

       
  • #3315936
    Le 30 janvier à 14:46 par Humain, trop humain
    Université E&R : Comprendre Nietzsche, le cours offert de Pierre de (...)

    Il est temps de faire mon coming-out nietzschéen : je me suis fortement intéressé à Nietzsche dans mon adolescence, j’ai quasiment tout lu, dont son célèbre : "Ainsi parlait Zarathoustra", je m’y suis surtout interressé pour son côté sulfureux, il y a des auteurs comme ça, désignés comme "sulfureux", ou par le terme "controversé", les Machiavel, Marquis de Sade ou Adolf Hitler. L’adolescence est une période de rébellion où le garçon aime à jouer le marginal, le solitaire a l’âme torturée, qui ne comprend pas le monde, ou alors qu’il a trop bien compris. C’est moi seul contre le reste du monde, une colère diffuse contre toute l’humanité. Un état d’esprit propre à chercher une philosophie de vie qui correspond à mes pensées pessimistes à la limite du désespoir, et en cherchant un peu on tombe immanquablement sur Nietzsche. Et puis on le lit, on le digère, le temps et la vieillesse aidant on se rend compte que c’était une tempête dans un verre d’eau, l’impact de sa pensée sur le monde était trop exagéré, la révélation que je pensait avoir atteint n’a pas changé ma vie, toujours ce pauvre mortel qui traine sa peine. Attention ! je ne dit pas que Nietzsche est médiocre, c’est du très haut niveau, sauf que sur le volet de la pensée radicale, guerrière, celle qui m’a attirée au début, dans la fougue de ma jeunesse qui veut passer à l’action et qui avait besoin d’une justification philosophique, ce n’est pas ce que je croyais. Il faut avouer que beaucoup de droitards et je pense en particulier à Julien Rochedy se proclame proche du penseur allemand parce qu’il traine une réputation de pensée radicale. La "volonté de puissance" est interprétée comme étant un concept qui inspira le national-socialisme : l’accomplissement de l’homme aryen qui dispose par la nature de caractères génétiques supérieurs et qu’il doit réaliser sa destinée naturelle de vaincre et dominer les races d’hommes inférieurs. L’acte ultime de cette volonté étant la guerre. D’ailleurs le film de propagande "Le Triomphe de la volonté" réalisé par Leni Riefenstahl en 1935, baigne dans cette idée. Rochedy n’a pas le courage de dire que c’est pour cette raison qu’il se proclame de Nietzsche. Il se planque derrière la philosophie pour cacher son penchant politique pour ce philosophe qui est réputé avoir donné un socle philosophique au parti NSDAP.

     

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  • Incroyable démonstration. Très ému, après 12 années de réflexion et de labeur, de ne pas avoir l’impression d’avoir fait fausse route. Et que tout devienne plus clair, et de plus en plus. Heureux de t’avoir rencontré également.

     

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  • #3316033

    Cet article sur Nietzsche me fait penser que je dois faire lire à mes gamins l’Iliade et l’Odysée, Tristant et Iseult, quelques passages de l’enfer de Dante ; 20 000 lieues sous les mers, de la Terre à la lune et Voyage au centre de la Terre.

    Ca suffira largement à leur éducation.

     

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  • Je suis en train de regarder. Il est bon Pierre de Brague. +1 en crédibilité. :)

     

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  • Merci du cadeau, ça donne envie de décrouvrir ses cours en complément du livre que j’ai déjà.

    Mon point de vue de métaphysicien sur Nietzsche :

    Nietzsche est une petite chose souffrante et ses concepts de surhomme, amorfati, éternel retour etc. ne sont pas philosophiques parce qu’ils ne sont pas universels : ce sont juste des tentatives imaginaires pour sortir de sa souffrance à lui.

    Son problème fondamental qui est le même pour tous les petits penseurs qui viennent après Hegel, c’est que la messe est dite, ils ne leur reste que la petite discussion sans portée au bar.

    Un penseur se pose des questions sur la nature du réel, essentiellement du psychisme et Hegel a trouvé : le fond du réel c’est le contradictoire, la capacité à se détruire soi-même pour passer dans quelque chose de nouveau. Un penseur assez intelligent pour comprendre ça devient automatiquement marxiste, le marxisme n’étant rien de plus que l’idéalisme hégélien passant dans le matérialisme dialectique. Tellement évident que s’en est humiliant...

    Nietzsche s’énerve contre la "pensée de système" mais c’est juste du caca nerveux, il valide pleinement par ailleurs la métaphysique de Hegel. De même il critique le christianisme mais valide son créateur ! Le type est confus.

    Nietzsche -mais bon c’est le cas pour tout le monde- est à des années lumière de comprendre que Hegel a juste métaphysiqué le judaïsme : il prend le judaïsme c’est à dire la pensée contradictoire des femmes portées par des hommes (cf Weininger) dont l’expression la plus puissante est celle du messie -"les derniers sont les premiers et les premiers sont les derniers"- et montre qu’elle est bien divine dans le sens où elle est l’essence du réel : est réel ce qui est contradictoire et dépasse sa contradiction en passant dans autre chose de nouveau. CQFD : cette logique "métaphysique" c’est juste la mentalité ethnique invertie expliquée par Weininger qu’on retrouve partout par ex. dans l’invertion accusatoire qu’ils utilisent en permanence.

    Le truc que personne ne veut voir parce qu’effectivement c’est trop dur, sans solution, c’est que la Pensée, la pensée européenne, grecque, a perdu il y a 2000 ans. On a plus rien d’européen on a été monothéisé.

     

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    • Hegel a juste métaphysiqué le judaïsme



      Proposition absurde, inintelligible, et très probablement impossible à prouver. Tout l’effort de Hegel est d’arriver à penser le monde sans Dieu, et le judaïsme avait une métaphysique longtemps avant l’arrivée de Hegel. T’as qu’à lire Thomas d’Aquin et Maïmonide, un dialogue exemplaire d’Avital Wohlman, ça te fera perdre ton pucelage.



      la pensée européenne, grecque, a perdu il y a 2000 ans. On a plus rien d’européen on a été monothéisé



      Toutes les religions sont monothéistes, la religion grecque comme les autres : tous leurs dieux sont toujours le même dieu, répété ou dédoublé à l’infini. Et la religion païenne est précisément ce qu’il y a de plus universel chez les humains, de moins local ; Grecs et Papous ont les même rites, et ces rites les font penser de la même façon. Ce qui est local, c’est précisément ce qui échappe au religieux : les larves que les Papous bouffent sur les arbres, le pain de froment que mangent les Grecs.

       
  • Nietzsche est un parfait représentant de la culture bourgeoise dont de la culture allemande du XIXe fut la matrice et l’archétype. C’est très bien expliqué par Norbert Elias qui montre comment en Allemagne noblesse et bourgeoisie ne se mélangeaient pas alors qu’elles le faisaient France. En Allemagne, la culture fut le moyen pour la bourgeoisie de rivaliser avec la noblesse, d’affirmer son droit à l’existence, alors qu’en France, la culture de la bourgeoisie fut reçue de la noblesse, c’est-à-dire que la question du droit à l’existence ne s’est pas posée pour elle, c’est tout le contraire, la culture bourgeoise française a critiqué la noblesse décadente au nom de la culture et des valeurs aristocratiques dont elle avait hérité de cette même noblesse. Mais en Allemagne, il ne pouvait qu’apparaître un Nietzsche, un type soucieux de santé et de supériorité (son souci traduit le manque ou au moins le doute, mais le doute suffit), et qui monte facilement sur ses grand chevaux dès qu’il est question de sa place dans le monde (le bourgeois type plein d’incertitudes mondaines et de souvenirs humiliants). C’est pour ça que le romantisme eut autant de succès en Allemagne mais si peu en France, à cause de la généalogie aristocratique de la culture bourgeoise en France : on doute de plein de choses en France, mais pas de notre place dans le monde, et donc nul besoin de s’enfler, de se grandir et de se grossir à se faire péter le cerveau. Stendhal, Balzac, Flaubert, Maupassant, Proust, Céline, des bourgeois pourtant, sont des héritiers de la culture aristocratique. Et Nietzsche est bien l’archétype de la culture bourgeoise.

     

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  • Ce serait sympa que Pierre fasse un cours sur la "Phénoménologie de l’Esprit" qui reste quand même la grande oeuvre de Hegel et peut-être du XIXe tout entier. Un brin de phénoménologie ne peut pas faire de mal...

     

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  • #3316816

    Cet alliage de la politique et de la philosophie est un baume au cœur et de bel augure, bravo à de Brague, ER.

    Voilà l’avenir de ce coin, enfin, du Monde puisqu’içi il est question d’Humanité et davantage encore considérant le saut évolutif saisi, à saisir.

    À ce sujet il est probable que le passage de l’Intuition depuis le mental soit aussi disruptif que l’avènement du mental chez l’animal. Quand on y réfléchit il parait évident que la personne esclave de ses désirs et sa passion est moins entrainé/apte que celle qui peux choisir librement de laisser s’exprimer ou non et aussi tous ce qui va être lié à la sphère du contrôle de soi que l’intelligence permet.

    Donc oui, un animal intelligent doué d’une créativité "sans bornes" c’est déjà une antenne à conscience. Alors avec un 6eme sens qui serait abouti comme l’est aujourd’hui l’intellect, pas besoin du cloud de l’IA en vrai ; aussi avouons que ça pose la question Divine.. là où les religions s’opposent, les spiritualités se comprennent.

    Yamabushido

     

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  • Je trouve que De Brague s’en sort pas trop mal (en seulement 1h).
    Le dernier quart d’heure vaut le détour même pour les vétérans de cette philosophie.

    Je voudrais proposer quelques ajouts.
    1) L’épisode du cheval de Turin est effectivement une légende.
    Il n’y a jamais eu aucun témoin de cet évènement dans les faits. Nietzsche admirant Dostoievski, le mythe a remplacé la réalité.
    2) Nietzsche attaque Wagner sur le fait qu’il surjoue l’Allemand.
    Nietzsche laisse entendre (Le Cas Wagner) que le véritable géniteur de Wagner était un comédien juif qui s’appelait Geyer. Nietzsche, activiste Européen en avance sur son temps, déplorait le cirque-nationaliste autour de Wagner.
    3) Lou Andréas-Salomé
    Il est dommage d’avoir présenté Lou Andréas-Salomé comme une simple allumeuse mondaine. Il me semble que vous passez à côté de quelque chose qui aurait nourri votre propos par la suite dans la tentative de rapprocher Vitalisme Bergsonien et Dépassement Nietzschéen.
    Si Salomé, elle qui était aussi malade et crachait du sang, allait devenir si importante pour Nietzsche ce fut grâce au poème Hymne à la Vie (lisez une traduction) qui résumera avec une élégante puissance et de troublante manière ce que sera le coeur de la philosophie nietzschéenne avant la publication du Gai Savoir en 1882, le premier véritable "livre nietzschéen" posant comme fondamentale la figure conceptuelle du Jasager (celui qui compose avec tout ce qui est Bas, Laid et Cruel dans la vie en affirmant les conditions tragiques du vivant "entièrement", celui qui dit le Grand Oui à la vie : Amen).
    4) Sur l’Eternel Retour (ou éternelle réccurence)
    Ce concept est également le "centre de gravité moral" qui permet de poser cette question : "Es-tu prêt à vivre cette action une éternité de fois ?".
    5) Entre Vitalisme et Dépassement
    Il y a un voisinage entre élan vital et amor fati, mais Nietzsche n’est pas au sens strict un Vitaliste (L’Ecole de Montpellier et Paul-Joseph Barthez). Ainsi, pour Nietzsche, le sacrifice des "éléments" malades du Nihilisme (L’Antichrist) n’est pas à exclure, ce qui serait impensable pour des "vrais" Vitalistes).

    Et pour faire écho aux propos du sieur De Brague, je suggère un certain Fabrice Hadjadj se revendiquant catholique nietzchéen (3 causeries sur Nietzsche sur YouTube), cela vaut également le détour.
    Merci à ER pour cette présentation.

     

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