C’est grâce à de courageux délateurs antifas lyonnais qu’une dangereuse dentiste nazie a été découverte dans la banlieue de Lyon (à Sathonay-Camp), là où 77 ans auparavant officiait Klaus Barbie, le bourreau de la Gestapo. La filière nazie constituée par une jeune dentiste a donc été démantelée grâce à des citoyens vigilants et au parquet de Lyon – une sorte de Kommandantur locale – qui a immédiatement diligenté une enquête, tant le nazisme est contagieux.
Le nazisme, c’est un peu comme la peste : il suffit qu’un seul l’ait pour que tout le monde ou presque l’attrape. La maladie doit donc être prise à la fois très au sérieux et très au départ.
Les tatouages sur le bras de la demoiselle, qui se surnommait « 88 Girl » sur Instagram (son compte a heureusement été fermé, sinon des jeunes auraient pu aller dessus et attraper la maladie) ne laissent aucune place au doute : sur sa nuque on peut voir l’horrible signe Totenkopf, du nom des la 3e division SS qui faisait régner la loi et l’ordre dans les camps de concentration de sinistre mémoire, et sur son bras elle reproduit une bouteille de Zyklon B, un produit chimique.
Cela a suffi pour la jeter à la vindicte populaire, grâce aux courageux antifas qui ont placardé sur les murs du centre dentaire les photos agrandies de l’horreur, d’après Le Figaro. L’enquête est partie dans deux sens puisque le groupe pour lequel travaillait la dentiste a porté plainte « pour identifier les auteurs de cette campagne de dénigrement » et ensuite, évidemment, une enquête a été lancée pour « provocation à la haine raciale » contre la dentiste.
Il faut savoir qu’en 2020, 75 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale (Dieu fasse que ce soit la dernière !), la réputation de « nazi » peut gêner l’ascension sociale. Parfois, cela peut même faire rétrograder, ou aller en prison, même si on n’a tué personne, et surtout pas les ennemis du régime nazi : les juifs (après 1933), les Français (après 1918), les Tziganes, les communistes (après 1934) , les Slaves (après juin 1941) et les Anglo-Américains (après décembre 1941).
Le Figaro a interrogé le Conseil de l’Ordre des chirurgiens-dentistes du Rhône, qui a convoqué la jeune femme :
L’instance n’a pas à connaître des opinions politiques de ses membres, « à moins que cela nuise à l’éthique ou à l’honneur de la profession », explique son président, Alain Chantreau.
« Ce qui est préjudiciable, c’est de s’afficher avec des tatouages comme ça sur un réseau social ouvert à tout le monde, en se montrant dans sa salle de soins et en tenue professionnelle », considère le responsable. « On a un rappel à l’ordre à lui faire et en fonction de ses réponses, on décidera d’éventuelles poursuites disciplinaires », précise Alain Chantreau.
Pour ceux qui ne connaissent pas la région, Sathonay-Camp est une petite ville située au nord de Lyon, près de Caluire, là où Jean Moulin a été balancé lors de la fameuse réunion de Caluire. Théoriquement par René Hardy, mais rien n’est moins sûr : à l’époque, en 1943 (le 21 juin), les communistes (dont Moulin était membre) et les gaullistes se livraient déjà une vraie guerre pour l’après, l’Allemagne étant battue depuis la catastrophe de Stalingrad (hiver 1942-1943). Le contexte est important.
Cette affaire est donc chargée symboliquement car si arborer des insignes nazis est aujourd’hui quelque peu déplacé, cela ne fait pas de soi un nazi, et donc un assassin. Il y a amalgame, et surtout, il peut s’agir de provocation, comme les jeunes savent le faire. On l’a vu, beaucoup d’ados qui vont visiter le camp de prisonniers d’Auschwitz situé en Pologne (Silésie) font les andouilles dans le lieu de sinistre mémoire, alors que beaucoup de gens sont morts là-bas entre 1942 et 1945. Ce n’est pas très malin, mais les jeunes sont comme ça, insouciants, fous fous. Ils ne pensent pas aux vieux et aux souffrances passées.
Il est évidemment plus grave de se faire tatouer des insignes nazis, car cela reste sur la peau ; il aurait été plus judicieux, dans les temps que nous vivons – qui ont pas mal changé depuis les années 40 – de se tatouer un numéro, mais là, on tombe dans l’escroquerie à la Shoah, et ce n’est pas super malin non plus. Bref, mieux vaut ne pas se faire tatouer des trucs insolents, plutôt des Mickeys ou des smileys, ou alors privilégier les décalcomanies, ça peut se retirer très vite.
Par exemple, nous, quand on marche dans la ville, on ne met pas de masque mais si jamais un flic montre le bout de son képi, alors on sort une clope pour faire semblant de fumer ou alors on fait semblant de téléphoner (à personne). Voilà, ce sont des petits trucs qui peuvent éviter des emmerdements ou des licenciements, comme celui de la dentiste.
Dernière chose : « 88 Girl » était peut-être nostalgique du régime nazi (et encore, ce n’est pas prouvé), mais elle n’a sûrement pas torturé ses clients comme le faisait le méchant dans Marathon Man, avec Dustin Hoffmann qui joue un jeune juif qui tombe dans les mains d’un Mengele dentaire. La preuve, ses employeurs ne trouvaient rien à redire à son travail. Ce qui n’est pas le cas du « Weisse Engel », l’ange blanc, qui arrachait des dents en or :
Notre question est la suivante : peut-on confondre un simple tatouage avec les crimes des dignitaires nazis ? Dans le même ordre d’idée, arborer un tee-shirt à la gloire de l’armée israélienne qui tue des femmes et des enfants palestiniens (on ne parle même pas des hommes), est-ce condamnable ?
C’est un point de droit délicat et nous laisserons les spécialistes de la question en débattre, nous nous bornons à poser le problème. Et puis il y a évidemment la jurisprudence Charlie et le droit au blasphème, mais apparemment, il y a des exceptions.
Bonus pour les amateurs de mystères et de coïncidences
C’est la photo que nous avons prise à l’entrée de cette petite ville. Nous voyons que Sathonay, d’abord s’appelle Camp, ce qui rappelle camp de concentration de sinistre mémoire, mais ce n’est pas tout ! La ville du Rhône est jumelée avec une ville polonaise et, tenez-vous bien parce que ça va tanguer, la ville de Lubin !
Hélas, ce n’est pas Lublin, ville de sinistre mémoire parce que c’était là que des juifs étaient emprisonnés au début de l’invasion allemande et triés entre travailleurs et non travailleurs. Le camp de Lublin était aussi appelé Maïdanek, et beaucoup de gens y ont été tués, soit par la faim, soit par les coups. C’est d’ailleurs en octobre 1941 que le chef de la SS Heinrich Himmler y a fait une visite ; des images existent.
Mais bon, c’est Lublin c’est pas Lubin, avouez que c’est passé par loin de la super coïncidence ! En fait les deux villes sont distantes de 497 km...
Voici maintenant une photo de la visite du chef de l’Ordre noir (rien à voir avec le Conseil de l’Ordre des arracheurs de dents ou la Ligue de défense noire africaine) au camp de Lublin :
Après vérifications, il s’avère qu’il s’agit de Heini en visite au camp de prisonniers soviétiques de Minsk, en Biélorussie, pas de Lublin en Pologne. Toujours vérifier ses sources historiques, beaucoup de gens se trompent sur la WW2 !
On sent sur ces images que les officiers et soldats nazis ont autant les pétoches de Heini que les prisonniers, voire même plus. La terreur, à l’époque, n’était pas un vain mot. Heureusement, aujourd’hui, les choses vont mieux, mais il y a le Covid, qui fait peur à beaucoup de gens.