On sent que tout est fait, dans cet article de France Info, pour enterrer définitivement le mouvement des Gilets jaunes et tout espoir de justice sociale. Mais les mouvement sociaux sont comme des volcans : ils s’éteignent ici, et se rallument là. Là où on ne les attend pas.
Manifestation pour le 18eme samedi consécutif à Paris contre le pass sanitaire et Emmanuel Macron à quelques jours du troisième anniversaire du mouvement des #GiletsJaunes. (@maroc_online) #manifs13novembre #PassSanitaire pic.twitter.com/5KMSIlo9EI
— Anonyme Citoyen (@AnonymeCitoyen) November 13, 2021
Et maintenant, des images des Gilets jaunes de la région Grand-Est en 2018 :
#17novembre Grosse tension à Reims. Un automobiliste est poursuivi par des gendarmes puis encerclé par les #giletsjaunes. Il aurait "renversé une femme" en amont du barrage. pic.twitter.com/iT9hzb1k9J
— Yann Thompson (@yannthompson) November 17, 2018
« Nous avons un président qui ne nous entend pas »
À Chaumont, comme partout en France, le mouvement des Gilets jaunes a décliné en 2019, puis disparu avec la crise sanitaire. Depuis quelques semaines, un regain de mobilisation se fait sentir, même si la lassitude et la résignation ont gagné de nombreux anciens militants.
Un break gris s’élance sur le rond-point et s’arrête aux pieds d’une poignée de Gilets jaunes. Le conducteur baisse la vitre, côté passager. Léger flottement à l’extérieur de l’habitacle : s’agit-il d’un sympathisant ou d’un voisin excédé ? « Je ne savais pas que vous seriez là aujourd’hui ! » s’exclame l’homme au volant, guilleret. Ouf. Quelques minutes plus tard, après un aller-retour au supermarché, il dépose sur le rond-point un pack de bières et de quoi grignoter. Le geste est apprécié, mais l’alcool est rapidement dissimulé dans un coffre de voiture, pour ne pas donner aux forces de l’ordre une raison de faire déguerpir les manifestants.
Depuis le 9 octobre 2021, et à quelques semaines du troisième anniversaire de l’acte 1 du mouvement, le rond-point d’Ashton, à Chaumont (Haute-Marne), est de nouveau investi chaque samedi par une poignée de Gilets jaunes. Une mobilisation sans commune mesure avec la conquête de l’hiver 2018-2019. À l’époque, plusieurs centaines de manifestants s’étaient parés de fluo dans cette ville de 22 000 habitants, marquée par un exode depuis les années 1950, faute d’emplois. C’est sur cette petite parcelle d’herbe, donnant sur le rond-point, que les Gilets jaunes se relayaient toute la semaine. Un passage obligé pour de nombreux véhicules, puisqu’il est la dernière étape chaumontaise sur la route menant plus au sud, vers Dijon (Côte-d’Or), Vesoul (Haute-Saône) ou Besançon (Doubs).
« Il n’y avait pas de politique sur les ronds-points »
Entre le Lidl, le Burger King et les barres d’immeubles roses, on alpaguait ici les automobilistes. C’est aussi là qu’on buvait un café, qu’on se restaurait de vivres déposés par les uns et les autres. Ou qu’on échangeait simplement sous le barnum rouge prêté par la CGT-Retraités. À l’époque, il fallait chaque soir démonter la tente, la ranger dans un local, pour éviter sa destruction pendant la nuit par les forces de l’ordre, se souvient en souriant Marie-France, aide-soignante retraitée de 69 ans qui ne compte plus les journées passées ici.
- Marie-France parcourt des photos d’anciennes manifestations des "gilets jaunes" en Haute-Marne, le 11 novembre 2021 au domicile d’un manifestant chaumontais
« Il n’y avait pas de politique sur les ronds-points : on dansait la country et le madison. J’ai vu des gens du Rassemblement national (RN) et de La France insoumise prendre un café ensemble », embraye, nostalgique, Francine, ancienne ouvrière de 64 ans, elle-même encartée au RN, puis aux Patriotes.
Outre « Ashton », la mobilisation s’était installée en 2018 sur les ronds-points des communes environnantes : Saint-Dizier, Nogent, Montigny-le-Roi... Mais, surtout, au péage de Semoutiers. Depuis la cabane ouverte même la nuit, les Gilets jaunes organisaient alors des opérations « barrières levées », des blocages et des barrages filtrants. Les premiers mois, ils ralliaient même Paris certains samedis. De ces journées entamées au petit matin, on revenait avec le sentiment du devoir accompli, mais aussi « la peur de sa vie » après s’être confronté aux gaz lacrymogènes des forces de l’ordre.
« On passait pour des guignols »
Ici comme ailleurs, pourtant, les mois ont passé et le mouvement s’est épuisé. Le rond-point d’Ashton n’a plus été tenu qu’un jour sur deux, puis les week-ends ; la cabane du péage de Semoutiers a disparu et, dans les cortèges, les gilets jaunes se sont raréfiés. « Un jour, je me suis pointée à une manif à Chaumont, il y avait quatre clampins et un pelé », se rappelle Valérie, 48 ans, dont vingt-cinq d’usine aux « trois-huit ». « On passait pour des guignols, j’ai capitulé. »
- Valérie, le 10 novembre 2021 chez elle, à Briancourt (Haute-Marne)
Vincent, jeune aide à domicile de 25 ans et Gilet jaune de la première heure, note de son côté des « dysfonctionnements » :
« L’alcoolisation permanente de certains manifestants » qui donne une mauvaise image du mouvement, mais surtout, selon lui, les violences en manifestation. « J’ai vu des Gilets jaunes jeter des boules de neige avec des pavés à l’intérieur sur les forces de l’ordre », regrette ce pompier volontaire. Courant 2019, il a fini par « jeter [son] gilet à la poubelle ».
« L’épisode de la manifestation à l’Arc de triomphe à Paris a marqué un avant et un après », estime aussi Yannick, 33 ans, l’une des principales figures de la contestation chaumontaise. « Ça a donné de nous une image violente qui a prédominé sur tout le reste dans les médias. On a perdu le soutien de la population », estime cet aide-soignant, suspendu depuis la mi-septembre pour non-présentation du pass sanitaire. Petit à petit, la vie de famille et les nécessités financières ont aussi rappelé nombre de Gilets jaunes à domicile.
« Quand vous vous prenez 135 euros d’amende tous les samedis alors que vous luttez contre la vie chère, vous finissez par ne plus venir. » (Yannick, Gilet jaune)
Des tensions sont également apparues, au fil des actes, entre des manifestants de plus en plus politisés, et partagés sur l’étape suivante. Fallait-il créer un mouvement politique, se présenter aux élections ? Devait-on rejoindre un parti existant, et si oui, lequel ? Fallait-il élargir les revendications initiales ? La violence était-elle un moyen d’action légitime ?
« On a voulu élire des représentants pour mettre en place la démocratie directe, mais c’était compliqué, il y a eu un repli très local de chaque groupe de Gilets jaunes, relate Yannick. C’est difficile de parler avec le rond-point d’à côté quand on n’a pas la même vision. »
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