Grande première de la Cinquième République : un ministre déclare publiquement la guerre à deux artistes : Alain Soral et Dieudonné.
Ainsi, au cours de son intervention universitaire de plage, Manuel Valls n’a pas hésité à nommer ces deux fauteurs de trouble par qui le malheur arrive ou devrait arriver d’une minute à l’autre. Que ces deux abominables aient disparu intégralement de tous les plateaux télé, studios radio et autres magazines ne lui suffit pas, il les veut bâillonnés, essorés, ruinés, embastillés et autres sévices à imaginer au cours de l’Université d’hiver que tiendra le PS dans une plaine de Sibérie à l’emplacement même de ces regrettés goulags qui nous manquent tant.
La cause de ce courroux à l’encontre d’Alain Soral, Manuel Valls la précise dans son discours, car l’affaire est grave : sur Internet, le polémiste a calomnié Frédéric Haziza, journaliste sur LCP. À ce stade du discours, chacun de s’interroger sur les liens qui unissent le ministre au journaliste… Est-ce son beau-frère ? Un ami d’enfance ? Son voisin de palier ? Quel incroyable mérite présente le personnage pour justifier cette montée au créneau d’un ministre de l’Intérieur confronté par ailleurs à une délinquance galopante ? La plupart des militants socialistes n’en savent trop rien mais applaudissent à tout hasard. Alain Soral, six procès en cours : Manuel Valls peut dormir tranquille.
Le cas Dieudonné est encore plus grave, docteur ! Phase terminale du pitoyable, un ministre monte à la tribune pour s’attaquer à un comique… Là encore, on s’interroge. Dieudonné s’est peut-être moqué de sa chemise, de son coiffeur, de ses enfants ? Peut-être s’est-il amusé publiquement du décès d’un proche de l’outragé ? En réécoutant une fois de plus le passage du discours vengeur, il est possible de déceler entre les mots que la plus grande faute de Dieudonné serait d’être copain avec le client précédent, Alain Soral. L’affaire semble donc plus simple. Il suffira à Dieudonné de cesser de fréquenter l’olibrius pour que tout s’arrange. Ouf ! On a eu peur.
Tentons d’imaginer sans rire, en nous transportant quelques années en arrière, un ministre de François Mitterrand s’évertuant à dénoncer publiquement la nocivité de Thierry Le Luron… Un ministre de Valéry Giscard d’Estaing s’attaquant à Guy Bedos… Au nom de la haine qu’ils seraient censés provoquer… On se tient les côtes… Et quand bien même les sketchs de Guy Bedos auraient attisé la fureur de la droite… La belle affaire ! Les pouvoirs précédents se contentaient d’écarter honteusement, mais discrètement, les trublions des plateaux télé. Celui-là les désigne à la vindicte publique et judiciaire ; bref, leur déclare la guerre. Indubitablement, un pas a été franchi.
Et l’universitaire décravaté de terminer son incroyable tirade en invoquant la démocratie et la liberté de la presse… Dieudonné peut dormir tranquille, la relève des comiques est assurée.
Jany Leroy