Une fois de plus, « le camp des attaquants » a échoué à faire adopter une résolution qui aboutirait à la « mise sous tutelle internationale » de la Syrie, dans le but de saper sa souveraineté et d’apporter une certaine crédibilité aux déclarations hostiles à son gouvernement.
La tentative a donc avorté et les États-Unis avec leurs alliés se sont trouvés contraints d’accepter ce que la Syrie avait mis en avant en ce qui concerne la mission des observateurs internationaux sous son autorité.
Mais, il n’a échappé à personne que dès l’adoption de la résolution 2043 [1] (qui stipule le déploiement de 300 observateurs non armés travaillant en coordination avec le gouvernement syrien chargé de leur sécurité et de leur déplacement, sans aucune possibilité d’aller au delà de leur mission de surveillance), les US ainsi que les occidentaux et les ourbans (arabes alliés de l’OTAN) du Golfe ont laissé éclater leur colère. Ils jurent de ne pas renouveler la mission des observateurs prévue pour 3 mois.
Ils mettent en doute le sérieux du gouvernement syrien qu’ils recommencent à désigner par « régime », contrairement au texte de la résolution qui parle de « gouvernement ». Ils redemandent à armer ce qu’ils appellent « l’opposition syrienne » avec cependant une différence dans les prises de position et le plafond des exigences, qui rappelle la distribution des rôles qu’ils s’étaient répartis avant l’adoption de la résolution, et qui donc perdure.
En effet, nous constatons trois tendances au sein de ce camp, lesquelles paraissent contradictoires ou dispersées. Est-ce le cas ?
Ou bien s’agit-il d’une manœuvre mue par des motifs et des objectifs précis ?
Concernant les prises de position et le plafond des exigences, nous remarquons :
- Une première catégorie représentée par les États-Unis qui prétendent soutenir la solution pacifique, que l’émissaire international Kofi Annan est chargé de mettre en application, mais qui persistent dans leur tentative de sape de la légitimité de l’État syrien usant d’un langage chargé de menaces, d’intimidations et d’impatience ; tout en sachant que la mission Annan s’est fondée sur le respect de sa souveraineté, la coopération avec ceux qui l’exercent au nom du peuple syrien (le gouvernement et le Président), la cessation des violences qui ne doivent pas être mises à profit pour créer un fait accompli, et l’adoption du dialogue national pour mettre fin à la crise.
- Une deuxième catégorie représentée par le Qatar, l’Arabie saoudite et la Turquie qui, contrairement à la précédente, déclare ouvertement qu’elle n’a absolument pas confiance dans la mission Annan dont l’échec serait inéluctable et que la seule solution contre ce qu’elle appelle le « régime syrien » passe par une action militaire ; tout en sachant que les conditions d’une intervention militaire sous drapeau onusien ne sont toujours pas réunies et qu’il lui sera impossible de les réunir dans le délai escompté. Cette deuxième catégorie parie donc sur une action militaire qui serait menée, en dehors de l’ONU, par une intervention étrangère dirigée par l’OTAN et une coalition internationale organisée à cet effet (comme cela s’est passé pour l’Irak) ; ou parie tout au moins sur la guérilla menée par les groupes armés présents en Syrie ou amenés de l’étranger.
- Une troisième catégorie représentée par l’Europe et surtout la France, reste dans le gris adoptant une position intermédiaire par son soutien limité à la mission Annan, son manque de confiance déclarée quant à son succès ; en plus d’encourager « l’opposition syrienne » au refus du dialogue et au recours aux armes, pour empêcher le « régime » de profiter de l’opportunité qui lui est offerte par cette mission de paix !
Quant à la résolution 2043 elle paraît proche des positions de la première catégorie et tout à fait éloignée de celles qui appellent à la militarisation et aux combats. Elle va donc radicalement à l’encontre des déclarations des ourbans du Golfe et de la Turquie ; ce qui pousserait à croire qu’il y a contradictions et dispersion au sein même de ce camp.
Cependant, une analyse plus poussée des prises de position des uns et des autres conduit à une autre conclusion, laquelle se résume à dire que les attaquants sous leadership des USA n’ont pas abandonné l’idée d’une agression contre la Syrie ; une agression en cours de planification par un centre de commandement unique qui distribue les rôles aux exécutants qui lui sont inféodés.
Un commandement qui a considéré que cesser la focalisation sur l’option militaire ferait échouer la manœuvre et exagérerait ses pertes ; c’est pourquoi il a opté pour une double stratégie : l’une, essentiellement politique en adoptant à contrecœur une résolution censée faciliter une solution pacifique dont il serait partenaire au cas où elle réussirait ; l’autre, militaire et civile (armement du peuple syrien et intervention militaire étrangère sous quelque forme que ce soit) pour compenser les pertes en dépit des obstacles et des difficultés qu’il pourrait rencontrer. En effet :
L’évolution du contexte international est arrivée à un point qui rend impossible l’adoption par le Conseil de sécurité d’une résolution qui permettrait d’intervenir en Syrie en vertu du Chapitre VII.
Une intervention militaire en Syrie par la seule initiative de l’OTAN est quasi impossible. D’une part, en raison de son affaiblissement militaire ; d’autre part, en raison des capacités de la Syrie et de son camp qui sont à même de l’empêcher d’atteindre ses objectifs s’il commet la folie de se lancer dans une telle guerre. C’est d’ailleurs les conclusions de certains centres d’études et de nombre de dirigeants politiques européens qui rejettent cette option, (le candidat à l’Elysée François Hollande a déclaré que s’il était élu et si une intervention militaire en Syrie était décidée par l’ONU, la France y participerait ; sachant qu’une telle résolution ne sera pas adoptée.
Une coalition dirigée par les États-Unis pour mener une guerre contre la Syrie parait obsolète du fait de l’évolution du contexte international, mais aussi du fait que l’économie des États-Unis et de l’Europe ne permet pas une telle agression excessivement coûteuse, car il n’y a pas en Syrie les ressources naturelles qui compenseraient les dépenses qu’elle engendrerait, si elle avait lieu. Et enfin, l’Occident sait qu’une guerre contre la Syrie ne sera pas une promenade et qu’il n’est pas en mesure de contrôler ses frontières, son espace, et ses conséquences. C’est pourquoi cette option est du domaine de l’impossible.
Les prises de position les plus virulentes contre la Syrie, son peuple et son armée sont celles qui appellent à l’armement des citoyens syriens ; déclarées publiquement par les ourbans du Golfe, mais dictées par les États-Unis. Cette décision a été prise par ces derniers après que leur ministre de la Défense ait assuré que les forces armées et la majorité du peuple syrien approuvent leur Président et sont restés loyaux à son égard. Par conséquent, seule une minorité sera armée contre une majorité sans armes ; ce qui signifie que des mercenaires seront appelés à la rescousse pour déclencher l’incendie d’une guerre civile, maintenant que les agresseurs se sont révélés incapables d’occuper ou de contrôler le pays. Cette option est un défi qui ne peut être ignoré, mais certains facteurs peuvent réduire ses effets pervers, notamment :
La conscience nationale et le patriotisme du peuple syrien sont à même d’éviter le glissement vers une guerre civile souhaitée par leurs ennemis, et nous ne pensons pas que les citoyens syriens puissent se précipiter vers les tranchées de la guerre pour répondre aux manœuvres malveillantes des ourbans.
La vigilance et la puissance des forces armées syriennes dont l’efficacité et les compétences peuvent empêcher l’installation de lignes de front intérieures ou de tranchées qui diviseraient le terrain en zones isolées ou inaccessibles ; d’où l’importance de la résolution 2043 qui affirme le droit légitime de l’État syrien à assurer la sécurité de son territoire, élargissant ainsi le champ de surveillance des militaires pour faire face à la violence armée de civils qui s’en prendraient à eux.
L’anxiété et la peur qui ont désormais envahi les États voisins de la Syrie et qui les poussent à prendre de nouvelles mesures pour empêcher le passage des armes et des terroristes à travers leurs frontières communes avec la Syrie, lesquels sont destinés à nourrir la guerre civile voulue par les États-Unis et ses ourbans. Ici, nous parlons du renforcement des mesures prises par la Jordanie et le Liban récemment, ainsi que des mesures antérieures de l’Irak à cet égard ; abstraction faite de la Turquie embourbée dans la question syrienne jusqu’à en perdre tout son poids.
Tout ce qui précède nous indique que les intimidations, l’évocation répétée de l’option militaire et l’escalade de la rhétorique qui l’entoure malgré la résolution 2043, ne sont pas à prendre au sérieux et ne méritent pas grand intérêt. Ce ne sont que des menaces destinées à accroître la pression pour atteindre les objectifs de l’OTAN et de ses alliés à cette étape de l’agression, et qui se résument à :
Rétablir l’équilibre sur la scène internationale maintenant que la Syrie a fait pencher la balance, en particulier depuis la résolution 2043 qui a décidé de l’envoi des observateurs pour faciliter la politique syrienne orientée vers la recherche d’une solution pacifique.
Déstabiliser la Syrie et empêcher son gouvernement et le camp de ses alliés du front régional et international (l’Iran, la Russie et la Chine en particulier. NdT) de profiter de leur succès actuel dans la lutte contre l’agression, et semer la confusion d’ici les prochaines élections parlementaires (fixées au 7 Mai. NdT).
Trouver une présentation des faits qui puisse permettre au camp des attaquants d’échapper à leur défaite au bout d’une année et plus de confrontation. Une défaite qui a pratiquement consacré leur impuissance à atteindre leur objectif de renverser le gouvernement et qui les a obligés à le reconnaître et à admettre que la majorité du peuple syrien le soutient.
Consolider les groupes armés et les « conseils des oppositions en résidences hôtelières » pour parer à leur désintégration voire leur disparition, une fois convaincus que le peuple syrien ne les suivra pas quel que soit le processus politique démocratique.
Finalement, nous voyons que la Syrie, soutenue par un front régional et international, avance en augmentant ses chances de succès contre ses agresseurs qui fulminent de rage et de colère suite à leur échec et ne profèrent que des menaces et des intimidations couplées avec des actes terroristes ; insultes et terrorisme étant les seules armes qui leur restent depuis qu’ils ont constaté leur défaite.
[1] Le samedi 21 avril, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté à l’unanimité la résolution 2043 autorisant l’envoi de 300 observateurs en Syrie, missionnés pour surveiller un cessez-le-feu entré en vigueur le jeudi 12 avril [NdT].