Comme le titrait le journal Le Monde sous la plume de Jean-Baptiste Jacquin : « Paris pousse le Conseil d’État à défier la justice européenne sur les données de connexion ». En effet, le Conseil d’État doit se prononcer courant avril sur la conservation généralisée des traces des communications numériques laissées par l’ensemble de la population française. Ni plus ni moins.
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Pour rappel à ceux et celles qui sont à l’initiative de cette audacieuse démarche : selon la Cour de justice de l’UE, les États européens ne peuvent pas réclamer aux opérateurs une collecte massive des données de connexion à des fins judiciaires et de renseignement. L’exécutif français peut relire le texte de la cour de justice dans un sens comme dans l’autre, sa requête ne fait pas sens et ne peut juridiquement cohabiter.
Sous couvert de l’exercice d’un « pouvoir absolu » – qui ne dit pas son nom – conféré à l’exécutif par l’état d’urgence sanitaire, ce dernier ne cesse de multiplier des initiatives plus liberticides les unes que les autres.
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Une demande de la France, vouée à l’échec ?
Est-il utile de rappeler que dans cette dynamique de desiderata de l’exécutif français soumis au Conseil d’État, les personnes en EHPAD ont échappé in extremis à l’emprisonnement, le Conseil d’État s’y étant formellement opposé ?
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Cette nouvelle initiative sur nos données personnelles est a priori vouée à l’échec, si tant est que le Conseil d’État recadre une nouvelle fois les choses. Toutefois, cette énième initiative attentatoire à des libertés fondamentales ne peut être passée sous silence.
Au regard de l’arrêt rendu le 6 octobre 2020 par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qu’une telle demande puisse être émise et défier ainsi le Conseil d’État ne laisse malheureusement que deux options à l’honnête homme : soit cette demande est le reflet d’une méconnaissance des plus absolues de décisions prises par la Cour de justice européenne, décisions qui s’appliquent à tous les États membres, soit, et ce serait là le plus inquiétant, cette initiative fait montre d’un mépris absolu de ces décisions, pour tenter de les contourner et aboutir à un toujours plus de surveillance de la population française.
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Surveiller, avec les meilleures intentions ?
Certes, l’enveloppe de vente de cette tentative – nouvelle atteinte à des droits fondamentaux – se veut louable, tout comme l’enfer est pavé de bonnes intentions, la rengaine est désormais connue :
Permettre aux services de renseignement, à la justice et à la police de puiser, sous conditions, dans cette masse d’informations au gré de leurs besoins préventifs ou probatoires. Il s’agit aussi bien de pouvoir surveiller une personne soupçonnée d’amitiés terroristes que de vérifier a posteriori la présence d’une autre sur le lieu d’un cambriolage.
À moins qu’il ne s’agisse de surveiller des personnes qui ne partageraient pas l’autosatisfecit récurrent de l’exécutif dans sa gestion très critiquée de la crise sanitaire – un manque d’humilité constaté par de nombreux observateurs.
À moins qu’il ne s’agisse de se doter des moyens de surveiller des personnes qui, aujourd’hui réduites au silence, n’adhéraient pas hier au Nouveau Monde que l’exécutif souhaite façonner.
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Pour rappel, un ancien membre de l’exécutif actuel avait pointé en novembre 2018 des séditieux parmi les Gilets jaunes. Une fois de tels mots prononcés contre des contestataires, alors… tout est permis à un pouvoir élu légitimement pour sanctionner quiconque au motif d’« atteinte à la sûreté nationale ».
Si vous avez la force, il nous reste le droit.
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