" J’ai un faible pour les bandes dessinées. Mais qu’est-ce que le judaïsme a avoir là-dedans ? À priori rien. Et je déteste ceux qui repèrent du judaïsme en toute chose. Il n’y a à mon sens ni musique juive, ni peinture juive, sauf si elles concernent des sujets juifs avec Chagall, quand il peint violons et légendes juives, ou avec Victor Ullmann qui compose à Terezin, ou encore avec Schönberg qui, passé de Vienne à Los Angeles, fait du judaïsme, en particulier de Moïse et Aaron, l’inspiration des dernières œuvres de sa vie.
Par contre, la bande dessinée est parfois nettement juive (même si c’est implicitement) : ainsi avec Spiegel et Superman, Goscinny et Astérix ; quand elle n’est pas, à l’inverse, explicitement raciste avec Hergé et Tintin ; ou suspecte de l’être avec l’étrange chat Azraël du méchant Gargamel, des Schtroumpfs, qui s’exprime dans un hébreu d’opérette et rêve de « schtroumpher » (manger) un schtroumpf.
J’aime aussi les bandes dessinées en ce qu’elles nous révèlent une vérité profonde, difficile à percevoir autrement : le judaïsme est comme l’enfance de l’humanité. On découvre cette vérité d’abord avec Superman. Si contraire, en apparence, à l’image du juif, ce superhéros capable de tout régler est, en fait, un héros d’inspiration biblique. Il sorten 1934 de l’imagination d’un jeune juif de Cleveland, Jerry Spiegel, qui écrit en une nuit l’histoire d’un personnage né sur une lointaine planète sur le point d’être détruite. Pour le faire échapper à la catastrophe imminente, ses parents l’envoient sur Terre. Là, doté d’une force et de dons surhumains, il se cache aux États-Unis dans une ville du Middle West nommée Smallville. Il y devient un journaliste timide et bien élevé sous le nom de Clark Kent. Animé d’une passion de la justice, comme elle existait sur sa planète natale, il passe son temps à régler des conflits entre Terriens. Quand il doit sauver des gens d’un accident ou d’une agression, il devient Superman, mais cesse de l’être sitôt après chacun de ses exploits, sans que personne ne fasse jamais le lien entre
le héros masqué et le journaliste timide."
Jacques Attali, extrait de son "Dictionnaire amoureux du judaïsme"
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