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Stratégie de la tension, les révélations du juge Rosario Priore

Les années de plomb italiennes se sont effacées de nos mémoires. Et pourtant, de décembre 1969 à la fin des années 1980, ce qu’on nomma la « stratégie de la tension » fut la cause, chez nos voisin transalpins, de 600 attentats terroristes qui firent au total 172 blessés et 362 morts. La plus célèbre de ces victimes fut le leader démocrate-chrétien, plusieurs fois premier ministre, Aldo Moro, assassiné par les Brigades rouges le 9 mai 1978.

L’explication qui est habituellement donnée de ces évènements est que cette « stratégie de la tension » fut mise en place par la CIA afin d’empêcher le Parti communiste et, dans une moindre mesure, le Parti socialiste, d’accéder au pouvoir. Ainsi, la majeure partie des actions terroristes attribuées à l’extrême gauche auraient été effectuées, sous faux drapeaux, par des néo-fascistes en lien avec les réseaux Gladio et la loge maçonnique P2.

Dans Quel Domani che ci appartenne, le théoricien de la droite nationale italienne, Gabriele Adinolfi a dénoncé cette vulgate et expliqué que « la stratégie de la tension poursuivait consciemment plusieurs objectifs en même temps [dont] la transformation radicale de l’Italie, premier cobaye de la nouvelle stratégie de la Trilatérale. (…) [Ainsi que] bouleverser la politique étrangère et énergétique italienne, fondée sur des relations préférentielles avec les différents pays arabes, en parachutant des créatures pro-israéliennes dans tous les secteurs vitaux de la nation. Les charges explosives ne firent pas que servir à des attentats, elles firent aussi voler en éclats certains des plans subtils et obscurs du niveau du pouvoir qui est immédiatement au-dessus du niveau politique et institutionnel. Un long et graduel coup d’État fut réalisé avec succès. »

Ce qui n’était jusqu’alors que l’opinion d’un intellectuel qualifié d’« extrémiste » ou de « néo-fasciste » par les grand médias et donc exclu du droit de voir ses analyses considérées comme fiables, vient d’être confirmé par le juge Rosario Priore, une autorité de premier plan, dans le livre récemment paru Intrigo Internazionale.

Rosario Priore n’est pas n’importe quel magistrat. C’est lui qui a eu en charge à la fois l’instruction de l’assassinat d’Aldo Moro et celle de la tentative d’attentat commis, en 1981, par Ali Agça contre Jean Paul II. Il a été au cœur des évènements et il sait de quoi il parle. Ainsi ce qu’il révèle est fascinant. Sa thèse, qui confirme les dires d’Adinolfi, est simple : derrière une unité de façade contre l’URSS, les pays occidentaux se sont livrés, dans les années 1970, à de véritables affrontements armés.

Pour le juge Priore, la stratégie de la tension doit donc être comprise non pas en regard de la Guerre froide mais dans un contexte de conflits larvés entre les puissances occidentales autour de la Méditerranée et du Proche-Orient.

« Nous avons été en guerre sans que les simples citoyens le sachent », affirme Rosario Priore, qui souligne notamment que « l’hégémonie sur la Méditerranée et le contrôle des sources énergétiques ont placé l’Italie en collision avec l’axe américano-britannique qui n’a pas supporté son rapport privilégié avec la Libye ».

Alors que l’on n’a jamais retrouvé les commanditaires de l’attentat de la piazza Fontana, qui à Milan, le 12 décembre 1969, fit 16 morts et enclencha une escalade dans la répression policière et les violences des groupes armés, au point qu’il soit considéré comme le début des « années de plomb », le juge Priore affirme que ce fut une opération britannique. Pourquoi cela ? Pour punir les Italiens qui avaient soutenu, trois mois plus tôt, le coup d’État du colonel Kadhafi à Tripoli : « Les Libyens fermèrent immédiatement les bases britanniques et américaines et expulsèrent les militaires de ces deux pays. Nous devions payer ! » Et de continuer : « L’Italie devint tout de suite le principal partenaire économique de Kadhafi tandis que les Britanniques, en perdant la Libye, se retrouvèrent de facto boutés hors de la Méditerranée. Ils cherchèrent sans tarder à reprendre ce qu’ils avaient perdu. Sans succès, car l’Italie protégeait le régime de Kadhafi ». Ainsi, en 1971, révèle Rosario Priore, ce sont les services secrets italiens qui firent échouer une tentative de coup d’État anti-Kadhafi suscitée par les britanniques.

Intrigo Internazionale ouvre de nombreuses autres pistes dont une expliquant la fameuse « doctrine Mitterrand » qui permit à 300 membres des groupes terroristes d’extrême gauche de se réfugier en France avec l’assurance de ne pas en être extradés. Selon l’auteur du livre sa raison n’aurait pas été liée à une quelconque commisération, à un souci d’apaisement politique ou à des sympathies idéologiques dans l’entourage du président de la République, mais à une lutte discrète que se livraient l’Italie et la France pour le contrôle du Tchad.

Quant à l’assassinat d’Aldo Moro, pour Rosario Priore ses raisons sont simples. Située au carrefour des rapports Est-Ouest mais aussi Nord-Sud, l’Italie avait passé un accord avec les groupes palestiniens pour qu’ils puissent transiter dans la Péninsule et y passer des armes sans être inquiétés, en échange de l’engagement qu’ils ne commettent pas d’attentats sur le sol italien. Ce pacte qui avait été conçu par Aldo Moro lui-même, gênait au plus haut point les Israéliens. L’assassinat du président du Conseil par des gauchistes infiltrés par le Mossad mit fin a cette situation et permit que les choses rentrent dans l’ordre pour le plus grand bénéfice de l’État hébreux.

Intrigo Internazionale trouvera-t-il un éditeur français ? On peut raisonnablement en douter tant ce que le livre révèle remet en cause le politiquement correct qui règne dans notre pays. La meilleure preuve n’en est-elle pas que, hormis Flash et un quotidien suisse, aucun organe de presse francophone n’ait encore jugé bon de rendre compte de ce livre si dérangeant pour les bonnes consciences de l’Occident et de la gauche institutionnelle ?