L’étude publiée par Atlantico ne souffre en soi aucun doute : les Français, dans leur grande majorité (aux deux tiers, voire aux trois quarts), ne veulent pas de l’immigration massive.
Pourtant, de la manière dont les réponses sont tournées – par Jérôme Fourquet de l’IFOP –, on découvre avec stupéfaction que nous sommes globalement « pour » l’immigration, même si elle doit être « maîtrisée » ou « choisie ».
On sent alors tout le poids de l’européisme sur le fond de cet article qui finit par transformer un besoin légitime de frontières en ouverture prudente.
Mais avec le choc migratoire décrété et organisé par les élites mondialistes, il n’y a pas de prudence : la prudence, à l’image de toute frontière, est balayée.
Selon le sondage exclusif Atlantico-Ifop, 58% des Français sont opposés à ce que les migrants qui rejoignent en nombre l’Italie et la Grèce arrivent en France. Car l’enjeu, pour 3 Français sur 4, demeure de passer d’une dynamique d’immigration subie à une immigration choisie.
Atlantico : Selon le dernier sondage IFOP pour Atlantico, 42% des Français sont favorables à ce que les migrants qui arrivent par dizaine de milliers sur les côtes grecques et italiennes soient répartis dans les différents pays d’Europe et à ce que la France en accueille une partie, alors qu’ils étaient 32% en avril 2015. Quels sont les moteurs de la variation ?
Jérôme Fourquet : On constate toujours qu’une large majorité de Français, dans un ratio d’à peu près 6 sur 10, se disent défavorables à l’accueil de migrants en France et à ce que la France prenne « toute sa part » selon la formule consacrée. Cela étant, on constate effectivement que par rapport aux premières mesures qui avaient été effectuées au printemps et à l’été 2015, la proportion de Français qui étaient favorables à l’accueil a augmenté de manière assez significative de l’ordre de 10 points. On peut sans doute l’expliquer par un effet de contexte très clair qui fait que à l’époque de ces premiers sondages, nous sommes au pic de la crise des migrants, et la situation apparaît alors totalement hors de contrôle.
Et cette notion de perte de contrôle est essentielle pour comprendre les dynamiques d’opinion en matière migratoire, on voit ce qui s’est passé en Allemagne avec la décision d’Angela Merkel d’ouvrir les frontières avec son slogan « Wir Schaffen das ! » (Nous y arriverons) qui fut ensuite battu en brèche. Quand les citoyens ont le sentiment qu’une situation est hors de contrôle, le réflexe premier est un réflexe de fermeture. On l’a vu aussi à une échelle plus modeste en France à Calais par exemple. En 2015, au moment de nos premières mesures, on voit que deux tiers des Français sont opposés à l’accueil parce que les flux sont très importants et les autorités publiques des différents pays européens apparaissent complètement dépassées. Aujourd’hui, même si les flux ne se sont pas taris, ils semblent davantage maîtrisés et concernent des effectifs qui sont quand même nettement moins nombreux, ce qui peut expliquer qu’une partie de l’opinion publique française ait basculé dans le sens d’une adhésion à un accueil contrôlé et maîtrisé. C’est un élément important qui explique cette attitude plus bienveillante aujourd’hui qu’hier, même si, en regardant les niveaux, on a toujours une large majorité qui y est opposée. Quand on regarde ce qui se passe depuis un an, depuis l’élection d’Emmanuel Macron, on est à quelques points près au même niveau. L’opinion apparaît assez stabilisée sur cette question depuis un an.
Grace à cette série historique assez fournie maintenant, on a pu mesurer qu’après les séquences d’attentats marquantes, on a là aussi automatiquement un réflexe de fermeture qui s’opère dans une partie de l’opinion publique autour de la notion de la maîtrise et du contrôle des frontières qui peuvent être soit franchie par des migrants en situation irrégulière soit par des terroristes infiltrés, par exemple au moment du Bataclan. Entre la mesure 5 et le mesure 6 de notre baromètre, nous sommes passés de 47% de Français qui étaient favorables à l’accueil de migrants en octobre 2015, à 38% seulement dans la vague d’enquête qui datait du 15 et 16 novembre 2015, avec une baisse de 10 points en un mois et cette enquête-là est faite deux jours après le Bataclan. De la même façon, entre avril 2016 avec 46%, et septembre 2016, 38%, une baisse de 8 points s’opère après les attaques de Nice et de Saint-Étienne du Rouvray. Malgré les attaques de Trèbes et dans les rues de Paris à côté de l’Opéra, la pression est aujourd’hui un peu moins intense qu’il y a un ou deux ans, ce qui peut expliquer que l’on ait une progression de la propension à l’accueil.