Dans la longue lignée des sites débiles imaginés par nos dirigeants en manque d’imagination et surtout en décalage complet avec le réel, c’est-à-dire l’esprit français, voici la dernière invention en matière de tentative de formatage politico-culturel. Il s’agit de seriously.ong, un logiciel qui permet de trouver automatiquement une réplique à ceux qui professent un discours de haine sur les réseaux sociaux.
Grâce à seriously, plus besoin de réfléchir, on entre les mots clés du méchant raciste-antisémite-homophobe et bom, abracadabra, le site vous pond une super réplique qui va casser le raciste-xénophobe-antiparlementariste-nauséabond en deux pour la vie. Le margoulin ne recommencera plus !
- La Rédaction a fait le test avec "sale macroniste"
Malheureusement « sale macroniste » n’a pas de réplique. Explication embarrassée du site :
Désolé ! Seriously s’améliore au quotidien et propose de plus en plus de contenus, mais nous n’avons pas encore les réponses à tous les types de haine.
On le voit, il y a fort à parier que tout le monde va encore se foutre de la gueule des concepteurs de cette farce. Un fake site comme il y a des fake news ? On a été chercher qui était à l’origine de cette crétinerie, il s’agit du think tank « Renaissance numérique ». Wikipédia dit :
Présidé par Guillaume Buffet de 2009 à 2015, puis par Henri Isaac depuis janvier 2016, le think tank Renaissance Numérique est composé à la fois de chercheurs et d’entrepreneurs du numérique. L’association est un lieu de réflexion (réflexions sur la société à l’heure numérique) ainsi qu’un lieu d’action (lobbying auprès des pouvoirs publics, organisation d’événements). Dès 2007, le think tank demandait la création d’un « ministre de l’internet » dans son livre blanc nommé 2010 l’internet pour tous, contenant 15 mesures pour réduire la fracture numérique avec comme objectif 80 % de foyers équipés et connectés en 2010.
Une des seules vidéos sur Renaissance numérique (présidée par Henri Isaac) qui se destine à réduire la fracture numérique française, est celle de l’émission Télématin de France 2, et devinez qui fait la retape de l’assoce ? Laura Tenoudji ! La future madame Estrosi ! Évidemment, n’y voyez aucune congruence.
Si l’on écoute le jeune homme cool dans la présentation de Renaissance numérique, il s’agit de « démocratiser Internet ». Très bien, mais c’est déjà le cas. C’est un peu le principe de ce média. On apprend sur le HuffPost sous la plume de Gilles Finchelstein que Renaissance numérique et la Fondation Jean Jaurès ont fondé un groupe de travail sur la base du constat suivant :
Les démocraties occidentales connaissent une période inquiétante. Après des décennies d’érosion de la participation des citoyens aux scrutins, la montée des partis extrémistes et populistes et la dislocation du lien social sous le coup de la menace terroriste, jamais le régime démocratique n’avait semblé aussi fragile depuis de nombreuses années. Pour preuve : un tiers des Français pense aujourd’hui que la démocratie n’est pas le meilleur régime possible et 72 % jugent, à juste titre donc, que celle-ci est en danger.
Ces amis du genre humain veulent « repenser la démocratie », ce qui veut dire la limiter, en termes plus prosaïques. En effet, malgré toutes les surveillances et délations possibles et imaginables, il semble qu’il soit devenu difficile de contrôler les gens et les peuples sur le réseau mondial...
Tout ceci est donc bien sérieux, on n’est pas dans le registre de la blague. Cette initiative vouée à l’échec et la moquerie, signe de concepteurs déconnectés de la base, rappelle la naissance du Décodex des Décodeurs, cette petite équipe de délateurs du journal Le Monde qui voulait moraliser l’information sur l’Internet. Aujourd’hui, plus personne n’en parle, mais à l’époque, on avait bien rigolé.