Serge de Beketch (1946-2007) consacre son Libre Journal sur Radio Courtoisie au documentaire de Daniel Karlin diffusé le 27 mai 2000 sur France 2. C’était il y a 18 ans et on peut dire que ça tape fort.
Karlin, l’homme des docus de France 2, a consacré une année à enquêter sur la pédophilie. Le résultat est à la fois décevant et... très idéologique :
« Jean-Pierre, 40 ans aujourd’hui, lui-même victime d’un pervers dans son enfance, a abusé de Guillaume qui n’avait qu’une dizaine d’années à l’époque des faits. Ce crime a eu pour cadre un patronage catholique du XIIe arrondissement de Paris. »
Beketch réagit vertement à ce choix éditorial et surtout, au principe des images brutes de Karlin, qui a un principe : « J’ai toujours cru en l’intelligence des téléspectateurs ». Or c’est le meilleur moyen de le manipuler avec des images prétendument brutes. Karlin, qui ne semble pas très catholique, croit malgré tout à la rédemption, quand Le Parisien lui demande « à la fin du film, vous semblez faire preuve d’une certaine indulgence, voire de complaisance, à l’égard de Jean-Pierre »...
« Je comprends, je l’ai toujours su que cette fin de film puisse déstabiliser les téléspectateurs. Mais, je voudrais qu’ils aient en tête que Jean-Pierre est un être humain, avec toutes les contradictions des êtres humains ; Guillaume [l’enfant de 10 ans abusé par Jean-Pierre, NDLR] c’est pareil et moi aussi. On ne peut pas réaliser un film comme celui-là en prétendant être un observateur neutre. Je crois que Jean-Pierre, dont je ne cherche pas à minimiser la gravité des actes, peut changer. Alors, je ne le cache pas. Cela n’empêche en rien que j’ai eu une véritable relation paternelle avec Guillaume ; il est, d’une certaine manière, le fils que je n’ai pas eu. Pour s’en sortir, il fallait qu’il puisse pardonner. On ne vit pas avec la haine au cœur. La haine empêche l’amour. A la fin du procès, Guillaume, qui avait toujours évité le regard de Jean-Pierre, est venu me voir et m’a dit : tu sais, je viens de le regarder dans les yeux, je ne lui ne veux plus. Je crois que ce qui a pu amener Guillaume à pardonner, c’est le procès que le film lui avait permis de préparer. »
Guillaume a pardonné à Jean-Pierre, le vilain pédophile catholique... C’est la morale à la Karlin que le service public audiovisuel valide en 2000. Et c’est ce qui fout Beketch en rogne : de réseaux, de pédophilie d’État ou de médias, rien, nada, que dalle. Karlin a beau fournir des images brutes – c’est-à-dire dénuées de toute manipulation ou idéologie sous-jacente – au téléspectateur, il a bien sûr posé sa caméra là où le Système l’autorisait à le faire.
Beketch égrène alors les lieux (de pouvoir) où Karlin aurait pu la poser... et là on sent bien qu’on n’est plus dans le « brut ».
Rappelons qu’en 2000, la France et la Belgique sont encore sous le choc de l’affaire Dutroux, l’homme qui a enlevé, séquestré, violé et assassiné plusieurs enfants et qui a été appréhendé en 1996. Le procès aura lieu en 2004.
Laetitia et Sabine seront les seules survivantes du « monstre » de Marcinelle :
« Il est près de 22 heures, ce 9 août, lorsque Lætitia Delhez, une belle blonde de 14ans, quitte la piscine de Bertrix, bourg de Wallonie, à 10 kilomètres de Neufchâteau. La nuit tombe, la jeune fille s’apprête à rentrer chez elle à pied. Une camionnette blanche s’arrête à sa hauteur. "C’est bien ce week-end, les 24-Heures automobiles de Bertrix ?", chuchote le conducteur. Lætitia a mal entendu, elle se penche vers la portière. Soudain un homme surgit dans son dos, il ceinture l’adolescente, la bâillonne et la jette dans le fourgon.
Tandis que la camionnette roule vers Marcinelle, distant de 130 kilomètres, ses ravisseurs forcent la jeune fille à avaler des somnifères. Lætitia se réveille dans une sorte de cachot sans lumière. A ses côtés, elle découvre une autre adolescente : depuis déjà deux mois et demi, la petite Sabine Dardenne, 12 ans, est séquestrée dans ce trou à rats. Sabine a été enlevée le 28 mai 1996 à Kain, près de Tournai, à l’autre bout du pays. Pieds et cou enchaînés, nourries de pain sec et de biscuits, les deux filles ne sortent de leur réduit insalubre que pour suivre le conducteur de la camionnette à l’étage. Là, elles sont violées à plusieurs reprises. Le supplice s’achève le 15 août. La porte du cachot s’ouvre sur les gendarmes de Bertrix. Lætitia et Sabine sont libres. Leur ravisseur a été arrêté deux jours auparavant. »
En France, naturellement, tous ces réseaux n’existent pas. Et quand un réseau tombe (affaire Toro Bravo ou Ado 71), ce sont des lampistes qui trinquent (ou qui meurent), et ceux qui trinquent ne trinquent pas longtemps. Alors, qui protège les pédocriminels français et pourquoi ? Pour qui ?
Beketch (de 7’28 à 8’16) :
« Il y a véritablement un problème en France je le dis avec beaucoup de passion beaucoup de colère parce que je suis épouvanté de voir la direction que prend notre pays par manque de courage de ses habitants. Je le répéterai jusqu’à en crever, si nous ne nous dressons pas pour combattre cette abjection cette cochonnerie cette saleté cette lâcheté, nous allons en crever ! Nous n’allons pas crever d’ennemi ce n’est pas l’ennemi qui nous tuera, celui qui nous tuera c’est nous-mêmes, nous allons crever de notre lâcheté et de notre incapacité à affronter la vérité telle qu’elle se présente. On en a des exemples multiples : aujourd’hui on ne peut plus dire la vérité, c’est une chose interdite ! Il y a des gens qui disent la vérité et qui pour ça sont victimes de provocations qui les empêchent de parler par exemple au micro des radios ou d’écrire dans les journaux. »