« Je suis l’avocat d’un homme qui est accusé du pire crime qui puisse exister. Et je constate qu’il y a un nombre considérable d’incohérences dans ce dossier. On est tellement convaincu que c’est lui qu’on néglige toute autre piste. Cela est tout simplement révoltant. »
En lisant Le Monde en ligne du 15 février 2018, on pourrait croire que l’avocat Jakubowicz est le héros de l’affaire Maëlys et que Nordahl Lelandais est persécuté comme les juifs l’ont été dans les années 30 et 40. Une petite réécriture de l’histoire qui ressemble bien à ce qu’est devenu le « grand quotidien du soir » : l’organe principal par lequel passent les injonctions et oukases de l’oligarchie, ce mélange de socialo-sionisme et de libéralisme (économique) libertaire.
La journaliste ne manque pas de rappeler le courageux combat mené par l’avocat contre un simple humoriste, Dieudonné, qui avait eu le tort infini de souligner la puissance de son association contre le racisme et l’antisémitisme (la LICRA), deux choses bien différentes :
« Sa confession juive lui vaut, à cette époque, d’être une cible dans les spectacles de Dieudonné. Un homme qui, parce que juif, aurait “le pouvoir de convoquer le premier ministre pour lui donner des instructions”, répète l’humoriste controversé. La Licra, par la voix de son président, mène alors un combat virulent contre Dieudonné, qu’elle poursuit en justice et dont elle obtient la condamnation. »
Suit un développement sur la stratégie de l’avocat, qui a choisi de prendre la défense de Nordahl Lelandais, alors que ce pénaliste avait pour habitude, et pour conviction, de n’apparaître que dans des procès politiques sous-tendus par le racisme. Et l’antisémitisme, évidemment.
« Mais c’est son accès à la présidence de la Licra, en 2010, qui lui forge véritablement une image médiatique. Fils d’une mère autrichienne et d’un père polonais, descendant d’une famille dont tous les parents restés en Pologne ont été exterminés durant la seconde guerre mondiale, il s’engage alors contre tous les racismes, y compris anti-Blancs. »
Jakubowicz est bien l’avocat des procès en antisémitisme. Quel rapport avec l’enlèvement d’une petite fille de 9 ans en août 2017 ? Aucun, apparemment. Cependant, contrairement à son habitude, là encore, il choisit la stratégie du silence, et l’obstruction ou plutôt le ralentissement dans la procédure.
« À la fin d’octobre, il obtient le report de l’audition de son client, faute d’avoir eu toutes les pièces du dossier. Il porte ensuite plainte pour violation du secret de l’instruction, en raison de multiples fuites dans la presse. A la fin d’octobre toujours, il dépose une requête en nullité qui aboutit à l’annulation des premières auditions de Nordahl Lelandais : sa première garde à vue n’avait pas été filmée, contrairement aux exigences du code pénal. »
Autant d’actions qui ralentiront l’avancée vers la vérité puisqu’en fin de compte, six mois plus tard, son client avouera son crime. Les déclarations de l’avocat sonnent aujourd’hui faux. Voici ce qu’il lançait sur RTL le 24 janvier 2018 :
« Je suis l’avocat d’un homme qui est accusé du pire crime qui puisse exister. Et je constate qu’il y a un nombre considérable d’incohérences dans ce dossier. On est tellement convaincu que c’est lui qu’on néglige toute autre piste. Cela est tout simplement révoltant. »
La stratégie du silence de Jakubowicz... et Lelandais
« Pourquoi toi ma princesse ? Comment peut-on s’en prendre à une enfant innocente ? Ce monstre a gâché notre vie et il continue à nous faire souffrir dans son silence. » (La maman de Maëlys dans une vidéo)
Alors que toutes les pistes et les soupçons les plus lourds menaient vers Lelandais, Jakubowicz va même jusqu’à accuser la presse de « délires médiatiques » parce qu’elle concentrait le tir sur Lelandais et ses autres victimes éventuelles. Une stratégie de défense qui aura tenu six mois et qui n’aura au bout du compte fait qu’entretenir l’attente torturante des parents. Jakubowicz a été jusqu’à faire une « demande de remise en liberté » de son client...
Le Monde ne voit aucune bizarrerie dans cette stratégie du pourrissement de la procédure ou de son allongement. Ce qui est le droit de l’avocat, qui n’a fait qu’utiliser l’arsenal prévu à cet effet. Le « grand soulagement » de Jakubowicz sonne alors creux, voire dissonant, après les aveux de son client. « Un revirement de son client qui a beaucoup “ému” son avocat, selon ses dires », écrit Le Monde. Ceci expliquerait l’état d’exaltation – ou d’affolement – de Jakubowicz qui a semblé perdre ses repères, ou ses nerfs, le soir de la conférence de presse du 14 février 2018.
Et là, on ne peut que revenir au début de l’article :
« Me Jakubowicz est pourtant rompu aux affaires difficiles, et éprouvantes. Cet avocat pénaliste, plutôt spécialiste du droit des affaires, est notamment connu pour avoir participé, aux côtés des familles de victimes, aux procès de grandes figures antisémites ou collaborationnistes du gouvernement de Vichy.
Il fut notamment engagé aux côtés du Consistoire israélite de France lors du procès de Klaus Barbie, le “Boucher de Lyon”, en 1987 ; de Paul Touvier – premier procès retenant le chef d’inculpation de crime contre l’humanité pour un collaborateur français – en 1994 ; ou encore, en 1997, de Maurice Papon, qui fut condamné pour complicité de crime contre l’humanité pour sa participation à la déportation des Juifs de Gironde. »
on aurait pensé l’avocat « rompu aux affaires difficiles » plus solide. Quelle mouche a donc piqué l’ex-président de la LICRA (qu’il a quittée juste après être devenu l’avocat de Lelandais) pour avoir abandonné sa spécialité – le procès en antisémitisme – et jeté son dévolu, au risque de sa crédibilité, sur une affaire sordide d’enlèvement et de meurtre d’enfant ?
Nous avons retrouvé un message envoyé à Alain Jakubowicz sur un réseau social au moment où l’avocat croyait ou tentait de faire croire dur comme fer à l’innocence de son client :
Alain Jakubowicz a-t-il vraiment cru pendant six longs mois à l’innocence de son client ? C’est la question, pas si accessoire que ça, que se posent les personnes de bon sens. Si oui, il était alors tout seul pour bâtir et faire tenir le mur du Mensonge ; sinon, pourquoi a-t-il « protégé » le silence de son client aussi longtemps ?