Se souvenant sans doute que le « laissez faire » de Lionel Jospin en matière de licenciements ne lui avait pas trop bien réussi en 2002, le gouvernement a fait volte-face dans le dossier Sea France. Mais le traitement du dossier confine à l’amateurisme et au bricolage.
Le 180° du gouvernement
Il y a à peine quelques jours, le ministre des Transports, Thierry Mariani, avait parlé de « jusqu’au-boutisme, (…) de fanatisme qui nous mène au suicide collectif ». Le ministre reprochait « à la CFDT de s’arquebouter sur son projet » de SCOP. Le syndicat, ne trouvant pas de réponse satisfaisante avec M. Mariani, s’est alors tourné vers le président de la République en lui écrivant une lettre ouverte, lui demandant d’utiliser le Fonds Stratégique d’Investissement, créé en 2008.
A moins de quatre mois de la présidentielle, Nicolas Sarkozy ne veut pas créer un symbole de son échec sur le chômage, alors que le nombre total de demandeurs d’emplois approche les cinq millions, pulvérisant le record des années 1990. Le président candidat a donc concocté un montage baroque où l’on gonflerait les indemnités de licenciements des salariés de Sea France pour qu’ils puissent investir dans une SCOP avant d’appeler la SNCF au secours devant le rejet des salariés…
Le bricolage européen
C’est un point qui n’a sans doute pas été suffisamment mis en avant. Mais dans cette affaire de Sea France, si l’Elysée en est arrivé à imaginer une solution aussi abracadabrantesque que de majorer les indemnités de licenciements des salariés de l’entreprise pour leur permettre de financer la SCOP qui aurait repris l’entreprise, c’est à cause des règles européennes, qui ne permettent pas à l’Etat Français d’intervenir directement pour financer l’entreprise.
Que l’on soit favorable ou non à une telle aide (ce que seule une bonne connaissance du dossier permettrait de juger), il est tout de même proprement incroyable que le dédale de règles et directives européennes ait imposé une telle solution. En effet, le gouvernement a démontré que ces règles sont absurdes, puisqu’il est parfaitement possible de les contourner, même s’il fallait pour cela imaginer ce montage totalement baroque qui semblait bien mal ficelé.
Leçons politiques
L’épisode Sea France nous montre une nouvelle fois l’urgence de sortir de cet ordre juridique européen absolument délirant, pour reprendre les mots d’Aurélien Bernier. Pourquoi l’Etat ne pourrait pas intervenir s’il le souhaite, nous contraignant à des montages complètement absurdes ? Cette semaine laisse un sentiment d’amateurisme confondant de la part du gouvernement, qui commence par rejeter la solution de la SCOP avant de proposer un mécanisme complexe pour le financer.
Mais les salariés de Sea France ont préféré refuser le montage de l’Elysée, arguant de sérieuses carences juridiques, ce qui ne fait pas très sérieux… Résultat, le lendemain, la SNCF arrive au secours des salariés de l’entreprise, sans doute par l’entremise de l’Elysée, proposant d’embaucher l’intégralité des salariés de Sea France en cas de mise en faillite. Dans ce tourbillon d’annonces, les salariés ne montrent pas un grand enthousiasme pour les solutions gouvernementales.
Difficile de savoir ce qui restera de cet épisode mouvementé, où le gouvernement aura de nouveau démontré son manque de principes et son amateurisme dans le souci de réagir à tout prix. L’affaire Sea France est une nouvelle illustration de toutes les carences du sarkozysme.