Un soutien ultralibéral de poids pour le candidat « antisystème »
Schäuble, c’est monsieur Tour de vis. Il tient l’économie allemande d’une main de fer (voire d’acier), et dicte la loi des grands patrons aux trois-quarts de l’Europe. Il est impitoyable avec les pays en crise industrielle, qu’il vide de leur substance par une politique d’euro fort, qui a naturellement pris la suite de la politique du Deutsche Mark fort.
L’Allemagne utilisant sa puissance exportatrice malgré une monnaie forte (un tour de force, disons-le), elle épuise ses « partenaires » européens qui sont en fait ses concurrents. Sans égal parmi les 27 de l’UE, la puissance allemande peut rayonner en Asie, où elle réalise un énorme chiffre d’affaires, et aux États-Unis, malgré la tentative de réimplantation indsustrielle de Trump.
C’est donc tout naturellement que le ministre de la puissance économique allemande « choisit » le poulain de l’oligarchie française. Le candidat antisystème, il repassera. Mais il y a longtemps que les Français ne croient plus le remplaçant au pied levé de François Hollande, l’homme de tous les mensonges et de tous les reniements. Un Hollande qui, par la voix de son très germanophile Premier ministre Jean-Marc Ayrault, avant que ce dernier ne soit balayé par Manuel Valls en 2014, avait déjà intégré qu’il serait le caniche de Merkel. Le problème de nos politiques, outre qu’ils travaillent pour l’élite plutôt que pour le peuple, c’est leur manque assez logique de courage politique. Pourquoi prendre le risque d’un impeachment à la française – décidée par le pouvoir profond – en défendant la souveraineté nationale ?
Le remplacement du fidèle Ayrault par le très CRIFo-compatible Valls pouvant être considéré comme un impeachement qui ne dit pas son nom.
C’est donc dans le Spiegel, l’équivalent de L’Express ou du Point, que Schaüble a pratiqué sa très germanique ingérence dans les affaires françaises avec ses gros sabots :
« Si j’étais français et habilité à voter, je voterais probablement pour Macron »
Ceux qui pensaient que le ministre CDU (droite allemande) serait un soutien de Fillon en seront pour leurs illusions :
« Mon parti, la CDU, est, comme celui de François Fillon, lié au Parti populaire européen, et nous avons naturellement des points communs. D’un autre côté, j’ai bien connu Emmanuel Macron quand il était ministre de l’Économie, nous avons de très bonnes relations et partageons beaucoup d’idées »
Traduction : pour nous, Fillon c’est mort, on mise notre Deutsche Mark sur Macron. Ce qui a mis en joie Sylvie Goulard, eurodéputé française membre de l’équipe de campagne de Macron, au micro du Monde :
« Un tel geste de la part du ministre des Finances le plus expérimenté de la zone euro est, pour Emmanuel Macron, la reconnaissance d’une crédibilité. C’est un signe important »
La presse mainstream se félicite que son poulain soit adoubé par la puissance outre-rhénane et n’y voit aucun problème d’ingérence, comme elle a pu hurler lorsque Poutine a reçu Marine Le Pen. Deux poids, deux mesures...
Cependant, ce soutien peut être à double tranchant pour le jeune Macron, le candidat de la Banque et du Média : après avoir glapi qu’il était antisystème, ce qui a fait rire toute la France, le voilà entouré de ce qui se fait de pire, ou de mieux, au choix, dans le genre politique d’austérité. L’Allemagne maintenant ses marges industrielles grâce à l’appoint de travailleurs sous-payés, ce qui ne se pratique pas trop – ou pas encore – en France. On rappelle que nos voisins n’ont pas de scrupules à sous-payer leurs sous-traitants (avant on disait esclaves économiques) moins de 5 euros de l’heure, que ce soit dans l’industrie ou l’agriculture, qui est notamment « décentralisée » à l’Est...
« Les recettes politiques de Mélenchon sont si épouvantables qu’il n’y a rien de bon à en tirer. Mélenchon au second tour, c’est un cauchemar. La raison républicaine française aura du mal à se faire entendre. Pourtant, les Français ont montré aux élections régionales l’an dernier qu’ils finissaient par se rallier aux partis républicains. Je ne peux vous donner qu’un seul conseil : prenez-vous-y à temps pour éviter un duel Mélenchon-Le Pen au second tour. C’est la pire des constellations. Et elle représenterait un danger pour l’Europe. »
L’Union européenne ne présentant a contrario aucun danger pour les peuples...
Si l’on peut comprendre le choix macronien de Schäuble, pour qui Marine Le Pen est synonyme de souveraineté, et donc de résistance possible à l’ogre allemand, on s’amuse de la peur du « Rouge » en la personne de Mélenchon, qui est aussi dangereux pour le Système qu’un Poutou ou une Arthaud. Il est évident que le candidat de la France insoumise est une création oligarchique provisoire et opportune contre Marine Le Pen et son programme « français ». D’ailleurs, à propos de l’euro et de l’UE, le programme de Mélenchon est-il volontairement flou : il propose une refondation démocratique des traités européens... Il veut certes harmoniser le cadre fiscale européen (une vieille scie française), dévaluer l’euro pour le ramener au niveau du dollar (une monnaire faible), renégocier les dettes intra muros (la Grêce) et refuser les traités dits de libre-échange (CETA), tout en créant une espèce de zone euro Sud avec les pays méditerranéens qui souffrent... de la puissance allemande qui peut, elle, se permettre l’austérité à l’intérieur.
On le voit, rien de bien méchant pour l’oligarchie européenne et son représentant, Wolfgang Schäuble.