De plus en plus de mères osent témoigner des violences obstétricales qu’elles ont subies, malgré la difficulté de dénoncer de telles pratiques.
L’accouchement, le plus beau jour de la vie d’une femme ? « C’est en tout cas l’impression qu’on a quand on lit les témoignages de jeunes mamans sur Internet », reconnaît Ana. Mais pour cette trentenaire qui a eu un garçon en mars, la réalité a été un peu moins heureuse. « La venue au monde de mon fils a été l’une des pires expériences de ma vie. J’ai été maltraitée, humiliée, et rien ne nous prépare à ça » Sept mois plus tard, la jeune femme souffre encore de stress post-traumatique. Ana a cherché des histoires semblables à la sienne – en vain –, puis a fini par se renfermer sur elle-même. Pourtant, depuis quelques années, ce qu’Ana a vécu porte un nom : la violence obstétricale.
« Cela va de la parole insultante et du refus d’information aux gestes autoritaires, qu’il s’agisse d’une immobilisation forcée, d’une épisiotomie non consentie ou d’une péridurale refusée, énumère l’ancien médecin et blogueur Martin Winckler à franceinfo. Tout ce qui, de près ou de loin, contraint la femme enceinte à subir quelque chose contre son consentement ou viole son droit élémentaire à la pudeur et sa sensibilité ». Des pratiques dénoncées par nombre de mères et de membres du personnel soignant. Franceinfo a pu recueillir plusieurs témoignages en marge d’une réunion à Strasbourg dédiée aux droits des femmes au moment de l’accouchement.
Décollement des membranes sans consentement
Le plus gros traumatisme d’Ana, c’est l’épisiotomie qu’on lui a imposée : une incision chirurgicale sur la paroi vaginale, faite au moment de l’accouchement. Censée faciliter la venue du bébé, cette pratique sectionne le muscle du périnée et nécessite des points de suture. « Cela fait partie des gestes qui devraient rester rares et être faits seulement en cas de nécessité absolue », explique Martin Winckler. Pourtant, si elle est de plus en plus décriée, rappelle Slate.fr, l’épisiotomie reste pratiquée dans 44 % des premières naissances, selon les derniers chiffres de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
« Je ne voulais pas d’épisiotomie, j’avais prévenu l’hôpital. Mon accouchement se passait très bien, mais le gynécologue a tenu à en faire une. J’ai protesté, ça n’a rien changé ». Ana, à franceinfo.
Certaines femmes, comme Caroline, n’ont même pas été mises au courant de ce qu’on leur faisait : « J’ai appris que j’avais eu une épisiotomie après l’avoir vécue, en faisant une recherche sur internet... On ne m’a pas expliqué ce que je devais faire avec la cicatrice, si je pouvais la nettoyer ou pas, par exemple ».
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Des médecins peu formés à l’écoute des patientes
La culpabilité du personnel est difficile à établir, et tous les établissements ne fonctionnent pas de la même manière. Mathilde Delespine est sage-femme. Elle s’implique depuis des années dans la prévention contre les violences faites aux femmes. « Dans l’une de mes structures, on préconise de considérer les femmes comme co-expertes de leur accouchement. Cela implique de ne pas prendre de décision à leur place, et qu’elles puissent agir de manière libre et éclairée ». Exit par exemple l’épisiotomie imposée.
Le jour de l’accouchement d’Ana, une sage-femme s’est écroulée dans le couloir de l’hôpital, en larmes. « On travaille dans des conditions extrêmement difficiles », raconte Mathilde Delespine.
« On est pressé comme des citrons, on a l’obligation d’enchaîner les accouchements. C’est difficile d’avoir de la patience et de l’empathie quand on court partout ». Mathilde Delespine, sage-femme, à franceinfo.
Une autre sage-femme, qui tient à rester anonyme, acquiesce. « Un jour, je me suis mise à hurler sur une patiente. Je n’avais pas dormi depuis deux jours, et il fallait se dépêcher car nous étions surbookés. J’ai dû arrêter de travailler à la suite de cet épisode, j’étais en burn-out ».