C’est une maigre consolation pour la chute – ou plutôt la libération – de Bab Amr : le « Conseil des droits de l’homme » de l’ONU, réuni à Genève, a adopté ce jeudi 1er mars une résolution – à portée symbolique – condamnant la violence en Syrie et appelant « à la fin des attaques contre les civils » . Le texte a été adopté par 37 voix contre 3 – celles de la Russie, de la Chine et de Cuba – et 3 abstentions – l’Equateur, l’Inde et les Philippines. La discussion sur le texte avait commencé mardi à Genève.
Le représentant russe au Conseil, Vladimir Jeglov, a commenté, dès avant le vote, ainsi ce non-événement : « C’est un nouvel exemple d’approche unilatérale et politisée de la situation de la Syrie de la part de certains pays ». De son côté, l’ambassadeur syrien avait boycotté ce procès en sorcellerie.
Moscou et Pékin ne rient pas du référendum syrien, bien au contraire
De son côté le ministère syrien des Affaires étrangères a contesté, ce 1er mars, avoir refusé d’accueillir en Syrie la secrétaire général adjointe aux Affaires humanitaires de l’ONU Valérie Amos. Celle-ci avait publié un communiqué dans lequel elle dénonçait le refus de Damas de la laisser visiter la Syrie, et singulièrement Homs, pour « évaluer la situation humanitaire » . Valérie Amos était l’envoyée de Ban Ki-moon, et les Russes avaient fait pression sur le gouvernement syrien pour qu’il la reçoive.
Aujourd’hui Damas répond que la date choisie par la dame de l’ONU était « inopportune » : ce n’est pas interpréter abusivement la position des Syriens que de dire qu’ils se souciaient peu d’avoir Mme Amios « dans les pattes » au moment de l’assaut final sur les dernières poches de résistance de Bab Amr.
Car, rappelons tout de même que l’ONU de Ban Ki-moon s’est caractérisé, en Libye puis en Syrie, par un alignement complet sur les positions américaines. Bref à Damas, on voyait arriver cette « humanitaire » de très loin.
Non contents de marquer une nouvelle fois leur ferme opposition aux manoeuvres du camp de l’ingérence humanitaire-à-défaut-de-pouvoir-être-militaire, Moscou et Pékin ont, par un communiqué commun à leurs ministres des Affaires étrangères, réaffirme ce 1er mars, leur soutien à un règlement pacifique et inter-syrien de la crise, exprimé leur satisfaction des résultats du référendum sur le changement de constitution et leur appui à la politique de réformes de Bachar al-Assad. Et réaffirmé, évidemment, leur rejet de toute ingérence étrangère dans les affaires syriennes.
A propos de l’adoption, dimanche dernier, du projet de constitution par une majorité des Syriens (89% des 56% de votants), le président de la commission internationale de la Douma, la chambre basse russe, a enfoncé le clou, estimant mardi 29 février que ce nouveau texte permettrait des réformes démocratiques et que son adoption prouvait qu’une issue à la crise syrienne était possible sans aucune intervention étrangère.
Très offensif, Alexeï Pouchkov a également déclaré au quotidien russe Izvestia que le référendum n’était pas une farce comme l’ont qualifié les Américains et leurs suiveurs : la farce, c’est la récente réunion euro-qataro-américaine des »Amis de la Syrie » à Tunis, a-t-il ajouté.
Dans ces conditions, on ne voit pas trop ce que pourront se dire, le 7 mars à Ryad, à propos de la Syrie, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov et les ministres des Affaires étrangères des six monarchies arabes du Golfe.
Le cheikh Sabah Khaled al-Sabah, ministre koweiti des Affaires étrangères, a expliqué ce 1er mars que les pétro-monarchies allaient « appeler la Russie à prendre une position qui répondrait aux aspirations du peuple syrien« . Ce n’est pas gagné, car Lavrov sait très bien que leurs sataniques majestés aimeraient surtout voir Moscou adopter une position qui répondrait aux aspirations déstabilisatrices et pro-américaines du Qatar et de l’Arabie Séoudite.
Peu auparavant le vote intervenu à Genève, c’est le président chinois lui-même, Hu Jintao, qui exprimait devant le nouvel ambassadeur de Damas, Imad Mostafa, sa satisfaction de l’état des relations sino-syriennes. Et il a affirmé que Pékin avait bien l’intention de développer sa relation économique avec Damas, des paroles qui prennent tout leur sens à l’heure des difficultés engendrés, pour la Syrie et les Syriens, par l’avalanche de sanctions économiques américano-euro-turco-arabes. L’ambassadeur Mostafa n’a pu faire moins que de remercier la Chine pour son soutien à la cause syrienne.
Au-delà de cet échange d’amabilités diplomatiques, la Chine réaffirme sa position commune avec la Russie sur la Syrie, et l’ancre dans l’avenir, en dépit des déclarations américaines sur l’ « isolement » des deux nations sur le dossier syrien.
Du train où semblent aller les choses, c’est Hillary Clinton et Alain Juppé ou William Hague, sans oublier l’émir al-Thani du Qatar qui risquent de se retrouver « isolés« .