L’offensive tout azimut de Sarkozy semble échouer. En même temps, on ne voit pas comment des annonces désordonnées pourraient convaincre de réélire le président sortant. Mais si Hollande semble bien parti pour l’emporter, il ne représente en aucun cas l’alternative dont la France a besoin.
Le coup de poker de la tranche à 75%
Le candidat du Parti Socialiste semble avoir trouvé une mesure habile pour occuper le terrain médiatique et mettre son adversaire en difficulté. Pour le coup, l’élève Hollande dépasse le maître Sarkozy. Cette idée est extraordinairement maline. Elle a poussé le président sortant (et probablement bientôt sorti) à défendre les millionnaires contre les mesures de son adversaire. Rien de tel pour réactiver l’image du président des riches à laquelle il essayait d’échapper.
Sur le fond, le PS a beau jeu de rappeler que les niveaux marginaux d’imposition atteignaient 60 à 70% dans les années 1970 avant la vague néolibérale. Comment ne pas songer aussi à cette belle phrase de Tocqueville : « préoccupés du seul soin de faire fortune, les hommes n’aperçoivent plus le lien étroit qui unit la fortune particulière de chacun d’eux à la prospérité de tous ». Et qui va pleurer sur une hausse de l’imposition pour les revenus au-delà d’un million ?
Résultat, alors que Nicolas Sarkozy essaie de faire le forcing avant l’égalité des temps de parole (dans moins de trois semaines), son adversaire socialiste le met en échec par une initiative surprise que personne n’avait anticipée et qui rebat les cartes. Bien sûr, on ne peut pas ignorer la dimension communicante de cette annonce. Mais le coup est assez bien joué et le maintien d’une avance de plus de dix points au second tour indique qu’un retournement est peu probable.
Changement ou pas changement ?
Mais l’arbre de la tranche d’imposition à 75% ne doit pas cacher la forêt du programme du candidat. En effet, en absence de frontières sur les mouvements de capitaux ou de biens et de politique protectionniste, l’effet a toutes les chances d’être limité et les effets pervers ne pourront pas être contenus. Mais surtout, comme l’illustre sur son blog Olivier Amiel avec un dessin de Plantu, François Hollande tient un discours différent des deux côtés de la Manche.
Déjà, sa première escapade à Londres avait fait jaser, tant l’ennemi de la finance avait fait des courbettes à la City, affirmant que « la gauche a gouverné pendant 15 ans, pendant lesquels elle a libéralisé l’économie et ouvert les marchés à la finance et à la privatisation. Il n’y a pas de crainte à avoir ». Bref, dormez tranquille, François Hollande va laisser les banques tranquilles, même s’il imposera sans doute des cloisons plus épaisses entre les activités de dépôts et d’affaires.
Il a alterné le chaud et le froid cette semaine en affirmant qu’il n’était pas dangereux mais en dénonçant la finance. Cependant, son programme reste timide sur ce sujet. Et plus globalement, si la différence de style est forte avec le président, tout indique que les différences de fond le sont beaucoup moins, que ce soit cette analyse d’Eric Verhaege sur son livre ou ce papier du Monde, qui recense tout ce que le candidat socialiste se prépare à conserver de l’héritage de son futur prédécesseur.
François Hollande est assez habile et face à un candidat comme Nicolas Sarkozy, il a de bonnes chances de gagner. Malheureusement, nous n’aurons pas l’alternance dont nous avons besoin. Les Français ne vont pas tarder à découvrir que sur le fond, le changement, c’est du vent.