Bab Amr reconquis, et Homs semble-t-il pacifiée, des violences et contre-violences sont à signaler ces dernières 48 heures à Rastan, Hama, Deraa, Idleb et Deir Ezzor.
Dans cette dernière grande ville de l’Est syrien, sur l’Euphrate et non loin de la frontière irakienne, des blindés se seraient déployés samedi 3 mars en soutien aux forces déjà présentes qui affrontent des groupes de l’ASL. La ville avait déjà été le théâtre d’incidents violents l’été dernier : un opposant local explique que les insurgés ont attaqué des postes de l’armée pour venger la mort de trois jeunes manifestants qui auraient été tués lors de la traditionnelle journée de mobilisation de l’opposition radicale, vendredi.
Les brigades virtuelles de l’ASL
Toujours selon les sources opposantes relayées avec son zèle habituel par le correspondant de Reuters à Amman, Khaled Yacoub Oweis, l’ASL se préparerait à la reprise de la lutte à Deir Ezzor « depuis deux mois » et disposerait de pas moins de « dix brigades » rien que dans la région, alimentées, ni les opposants ni Reuters ne songent à le cacher désormais, par un important trafic d’armes en provenance de l’Irak voisin. Bien sûr cette « armée des ombres » contrôlerait Deir Ezzor la nuit, le régime reprenant ses prérogatives le jour.
On ne peut que hausser les épaules devant cette propagande aussi puérile que vantarde : « dix brigades« , ça veut dire – dans le meilleur des cas – dix groupes dont les effectifs n »ont certes rien à voir avec les standards militaires occidentaux (pour mémoire, une brigade = 1 ou 2 ou 3 régiments, et un régiment rassemblant aujourd’hui de l’ordre d’un millier d’hommes). Sur cette base les dix brigades ASL de Deir Ezzor devraient aligner pour le moins… 10 à 15 000 hommes. On ne s’étonnera pas que l’ASL, qui n’a d’armée que le nom, crée avec une telle facilité des unités qui impressionnent au moins les civils syriens désarmés et les journalistes occidentaux.
Quant à l’emprise de l’ASL sur la nuit syrienne, elles laissent espérer un gouvernement CNS nocturne qui, tel les vampires, s’évanouirait au premier chant du coq ! Répétons donc encore une fois que l’ASL est assez largement une fiction médiatique, ou plutôt un « label » qu’utilisent toutes sortes de groupes aux motivations pas toujours semblables et aux obédiences variées, et qui surtout ne participent à aucune stratégie militaire commune et planifiée : des groupes, à recrutement très souvent étranger, harcèlent pour leur compte, et dans leur coin, les militaire et les civils considérés comme proche ou obéissant au pouvoir. Pas plus pas moins.
Rappelons surtout que la première force de l’ASL c’est le soutien indéfectible que lui apportent les journalistes occidentaux : pour le mesurer, il n’est que de se rappeler la réaction, au moment de la chute de Bab Amr, de la grand reporter de France 2 Martine Laroche-Joubert, vibrante d’indignation et clamant que la lutte continuait – par Syriens interposés : énième démonstration de cette schizophrénie de bobos jouant les révolutionnaires tout en pavant le chemin à l’OTAN et au très réel impérialisme américain.
Après Homs, Rastan ?
Disons d’emblée que tous ces accrochages sont sans comparaison, par leur ampleur, avec ce qui s’est passé ces dernières semaines à Homs. Même si les télévisions françaises, muettes sur l’attentat à la voiture piégée de Deraa – trois morts et 20 blessés samedi -, nous offrent des images de rebelles actionnant un mortier à Rastan, ville située à mi-distance de Homs et de Hama, ou un entretien exclusif avec un homme masqué présenté comme un « commandant » de l’armée régulière, tout juste entré à son tour dans la dissidence par écoeurement de la répression de Bab Amr. Propagande maquillée au goût du jour en « journalisme citoyen ».
Selon l’OSDH, les différents incident de la journée de samedi auraient fait 37 morts, dont 14 militaires tués dans des affrontements avec l’ASL près de Deraa : ce qui renseigne sur l’identité d’au moins une partie des 23 autres « personnes » tuées. L’agence de Rami Abdel Rahmane, liée étroitement au gouvernement britannique, évoque des combats à Rastan (20 kilomètres au nord de Homs ce dimanche 4 mars, et prévoit une offensive du régime contre al-Qusayr (15 kilomètres au sud-ouest de Homs), ces deux villes moyennes ayant donc en commun d’être proche de Homs et d’abriter désormais, selon R.A. Rahmane, la plus grosse concentration de combattants de l’ASL, dont, on l’imagine, nombre de transfuges de Bab Amr. L’ASL avait annoncé, le mois dernier, avoir « libéré » tout ou partie de ces deux localités. La traque systématique de ces bandes se poursuit donc.
Pour sa part, l’agence Sana rend compte d’accrochages, samedi 3 mars, entre militaires et insurgés dans le quartier Macha’ de Hama, le bilan s’établissant à à deux membres des forces de l’ordre tués et un autre blessé, plusieurs assaillants étant tués et blessés ; le même jour à Khatta, banlieue de Hama, d’autres incidents ont fait des morts chez les insurgés, dont certains se sont rendus. Autre accrochage, cette fois dans la banlieue de Damas, à Deir al-Assafir : un groupe armé a été, semble-t-il, annihilé, des prisonniers ont été et un important équipement saisi.
Sana signale encore la mort, vendredi, de trois « terroristes« , tués dans l’explosion de la bombe qu’ils étaient en train de poser place Maaratmassrine à Idleb.
Et puis, mais c’est là un fait devenu banal voire quotidien en Syrie, une cache d’armes, dont nombre de provenance israélienne, a été découverte dans une ferme de Douma, dans la banlieue nord-est de Damas : des missiles antichars américains Lao, sept RPG, des armes automatiques israéliennes… et deux jumelles équipées pour l’observation de nuit sont allé enrichir les « collections » des autorités.
Et puis, s’il est une statistique – hélas – incontestable, c’est celle des obsèques militaires : 21 soldats syriens ont été conduits à leur dernière demeure samedi 3 mars : un capitaine, un lieutenant, huit sous-officiers et onze hommes du rang, tombés en service dans la banlieue de Damas et à Deraa.
Bab Amr : les faiseurs de blocus donnent des leçonS d’humanité
Pour en revenir à Homs, les négociations se poursuivent ente le CICR et les autorités pour l’accès d’un convoi de ravitaillement à Bab Amr, ces dernières invoquant des raisons de sécurité pour bloquer le convoi, notamment la présence de bombes et de mines dans certaines rues. Bien sûr, les dirigeants occidentaux, notamment les Anglais et les Turcs, ont qualifié » de « crime » ce blocage – momentané – de l’aide humanitaire à Homs. Ce sont d’ailleurs les mêmes qui s’appliquent consciencieusement à accroître les difficultés du peuple syrien en ajoutant les sanctions aux sanctions, mais passons…
Sur un plan plus politique, le vendredi 2 mars a vu défiler des « milliers » d’opposants dans quelques villes : I-Télé a montré des images d’un rassemblement dont il est, comme le plus souvent, impossible de dire s’il réunit plusieurs centaines plusieurs milliers de participants. Là encore, nous ne pouvons que nous répéter : il y a certes une opposition radicale intérieure en Syrie, mais elle n’agit que sur une petite minorité de la population, marginalisée par les problème sociaux et travaillée politiquement par des religieux radicaux et des agitateurs à connections étrangères.
Et des « milliers » de manifestants ne représentent pas l’ensemble des 23 millions de Syriens dont une majorité, que cela plaise ou non, que cela fasse ricaner ou vitupérer les Juppé et les Clinton, s’est prononcée par référendum pour la réforme dans le calme et l’indépendance.