Depuis sa prise de fonction en juin 2016, le président philippin Rodrigo Duterte multiplie les déclarations-chocs et clame haut et fort vouloir tuer « les fils de pute de trafiquants ». Portrait.
« Tuer plus »
Le président Rodrigo Duterte, qui a promis de débarrasser les Philippines des narcotrafiquants, persiste et signe, et va même plus loin dans sa guerre totale et sans limite contre la drogue. Jugeant la police « corrompue jusqu’à la moelle », il a annoncé jeudi 2 février son intention de recourir aux forces armées pour mener sa croisade et « tuer plus » de dealers.
Cette nouvelle sortie musclée de ce chef d’État controversé intervient deux jours après de graves accusations lancées par Amnesty International contre la police et le pouvoir philippins.
Exécutions extrajudiciaires, rapports mensongers, preuves fabriquées, recrutement de tueurs à gages, primes à l’assassinat, victimes dévalisées… Dans un rapport de près de 70 pages, l’ONG va jusqu’à évoquer un « possible crime contre l’humanité », de par l’ampleur des dérives constatées dans le cadre de cette politique jusqu’au-boutiste qui ne viserait que « les Philippins les plus pauvres ».
En sept mois, soit depuis l’entrée en fonction de Rodrigo Duterte, plus de 7 000 personnes, des toxicomanes ou des dealers, ont été la cible d’une « vague de meurtres extrajudiciaires généralisée, délibérée et systématique ». Selon Amnesty International, le moindre soupçon, une simple dénonciation, peuvent conduire à la mort, et ce sans procès et en toute impunité.
« Tirez, tirez pour tuer »
Une impunité et une méthode publiquement assumées et encouragées par Rodrigo Duterte en personne, au mépris de l’État de droit philippin. « Faites le vous-mêmes si vous trouvez un révolver, vous avez mon soutien », « oubliez les lois sur les droits de l’Homme ! » ou encore « tirez, tirez pour tuer », a coutume de lancer l’ancien procureur de 71 ans à ses partisans appelés à faire justice eux-mêmes.
Malgré les pressions exercées par de nombreuses organisations des droits de l’Homme locales et des gouvernements occidentaux, qui ont dénoncé ses méthodes expéditives, il est fort peu probable de le voir renoncer à ce discours, tant il est intrinsèquement lié à son ascension politique.
Rodrigo Duterte, qui se définit comme socialiste, est entré en politique au moment de la chute de l’autocrate Ferdinand Marcos en 1986 et a gravi les échelons du Partido Demokratiko Pilipino-Lakas ng Bayan (PDP-Laban) pour en devenir le dirigeant. Avant d’être élu à la présidence de l’archipel, en mai 2016, il a dirigé pendant 20 ans la mairie de Davao.
C’est là, dans cette ville du sud des Philippines, la troisième du pays, qu’il a construit sa réputation de dur. Clamant haut et fort que sa « spécialité » était de tuer « les fils de pute de trafiquants », il leur a livré une guerre sans merci. Il y jouit d’un statut digne d’une rockstar et les échoppes écoulent tee-shirts et vaisselle à son effigie.