La médecine est-elle un simple raisonnement par arborescence logique, fût-il complexe ? C’est ce que pense à l’évidence le Dr Ali Parsa, fondateur de la société Babylon Health au Royaume-Uni, qui propose de remplacer le généraliste par un robot doté d’une intelligence artificielle… et de s’approprier en conséquence une bonne partie des revenus du corps médical.
On appelle ça soit une rupture technologique soit une forme sophistiquée de hold-up d’une profession sur une autre. Parsa affirme que les robots vont bientôt être capables d’établir des diagnostics « plus fiables et plus rapides » qu’aucun autre médecin. L’homme est à l’origine d’un projet controversé de l’assurance-maladie britannique, le NHS, qui entend utiliser des automates pour répondre aux appels téléphoniques médicaux. Le service est déjà testé dans cinq municipalités londoniennes. Babylon Health veut aller plus loin, en lançant un service national permettant aux patients de recevoir un diagnostic complet par smartphone sans avoir à consulter leur généraliste.
Le diagnostic par robot, une menace pour la médecine humaine
Le système de Babylon Health en cours d’expérimentation demande au patient d’indiquer ses symptômes. L’intelligence artificielle détermine le degré d’urgence pour chaque cas et oriente la personne vers les urgences du NHS, vers une pharmacie ou envoie une équipe au domicile. L’étape suivante consistera à lancer un modèle de diagnostic complet, qui sera expédié par smartphone. « Nous avons collecté 300 millions d’éléments de science médicale », explique Ali Parsa, qui insiste : « Aucun être humain ne peut en retenir autant. C’est, selon nous, la liste de connaissances cliniques de base concentrées sur un seul ordinateur la plus importante au monde ».
Pour ménager les médecins, Parsa indique que l’avenir pourrait ainsi voir les praticiens se concentrer sur le traitement plutôt que sur le diagnostic, en travaillant de concert avec l’intelligence artificielle. Il souligne que pour la seule dermatologie, « 11 000 articles ont été publiés pour la seule année 2016 » et que l’automatisation permettra aux médecins de gérer cette masse d’informations. Mais qui contrôlerait alors les choix du concepteur de l’ordinateur ? Notons pour l’information d’Ali Parsa que depuis longtemps déjà, les dictionnaires médicaux les plus complets sont informatisés, permettant un accès par les praticiens et une mise à jour rapides de leurs excellentes informations.
De l’art à la mécanique : l’intelligence artificielle remplace le médecin par un robot
Les critiques apparaissent déjà. La Commission britannique pour la qualité des soins conseille fermement aux patients de prendre garde aux services en ligne, après qu’elle a analysé les contenus de deux sociétés de conseil médical sur internet, Asset Chemist et Treated.com. Dans ces deux cas, elle a découvert que ces organismes avaient prescrit des médicaments sans vérifier l’identité des patients ni tenir compte des risques élevés d’effets indésirables de certaines molécules.
Dans la série médecine désincarnée, depuis 2015 le NHS propose aux patients des consultations par webcams avec des médecins libéraux remplaçant les médecins du service public gratuit. Son application, avec un système de triage préalable qui présente en soi un risque en matière d’orientation vers les urgences, est déjà accessible gratuitement dans tout le Royaume-Uni. Le patient paie soit 25 livres (30 euros) pour une consultation par webcam avec un médecin libéral, soit il s’abonne pour 5 livres par mois pour un accès illimité. 190 000 personnes ont déjà souscrit, et 120 entreprises l’ont fait pour leurs personnels.
La consultation webcam prend de l’ampleur au Royaume-Uni
Des associations de malades ont mis en doute la sécurité de ces systèmes automatisés. Ils soulignent que les médecins en ligne n’ont pas accès aux dossiers médicaux et que ce type de relation désincarnée pourrait laisser passer des symptômes qui ne sont détectables qu’en présence réelle. Par ailleurs, des critiques sur une « privatisation » du NHS se font entendre, alors que ce service public subit une cure d’austérité sans précédent.