Si l’Éloge littéraire d’Anders Breivik n’a pas eu raison de Richard Millet, sa critique littéraire de À ce stade de la nuit, de Maylis de Kerangal, aura enfin sa peau. De Kerangal plus efficace que le bourreau d’Utøya, avec actuellement une procédure de licenciement à l’encontre de celui qui ne cesse de dénoncer, inlassablement, la décadence de l’Europe, envahie par les minarets, le multikultu et les best-sellers anglo-saxons, ce frère d’armes des phalangistes chrétiens du Liban, guerrier misanthrope qui songe à quitter cette France étrangère dans laquelle il ne se reconnaît plus.
Son éloge littéraire ne fut pas assimilé, réduit « ad Breivikum », et aucune possibilité de défense ne fut accordée au cours de ce procès d’intention à l’issue duquel fut prononcée, comme il le dit, sa mise à mort symbolique qui lui valut une démission contrainte du comité de lecture de Gallimard. Sa récente diatribe sur Maylis de Kerangal, cosignataire de la pétition Ernaux, parue dans La Revue littéraire dont il est le rédacteur en chef, n’arrange pas les choses avec sa maison mère de laquelle il est physiquement banni. Dans son billet, Richard Millet y fait ce qu’il maîtrise le mieux : écrire. Il écrit, dégaine, charge, sans perdre de sa précision et ne tremble pas lorsqu’il appuie sur la détente.
Millet flingue, à bout portant, « ce livre qui aurait le goût d’un steak de soja sans le lard humanitariste » où il est question d’« une femme touchée par la misère humaine, pour peu que celle-ci soit lointaine, voire exotique, car trop proche de la misère […] n’est pas, elle, assez glamour ». Puis de renchérir sur l’obsession migratoire et la rhétorique du « fustiger, comme il se doit, “l’inhospitalité européenne” – celle de Madame de Kerangal restant en suspens : combien peut-elle accueillir de migrants sauvés des eaux dans son appartement parisien ? »