Le chef de l’opposition arménienne Nikol Pachinian a été élu mardi [8 mai 2018] par le Parlement au poste de Premier ministre. Son élection intervient à l’issue d’une révolution pacifique marquée par des manifestations de masse contre la corruption, le népotisme et les difficultés économiques.
Seul candidat en lice, ce député d’opposition et ancien journaliste, qui se présente comme le « candidat du peuple », a été soutenu par 59 députés, alors qu’il avait besoin de 53 voix pour être élu. Quarante-deux députés ont voté contre lui.
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« Notre position n’a pas changé. Nous sommes toujours contre la candidature de Nikol Pachinian, mais le plus important pour nous est d’assurer la stabilité dans le pays », a déclaré peu avant le vote le chef du groupe parlementaire du Parti républicain, Vagram Bagdassarian.
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Conserver les liens avec Moscou
Vladimir Poutine a félicité dans un télégramme Nikol Pachinian. Le président russe a espéré qu’il saura « renforcer les relations amicales et d’alliés » entre les deux pays aux forts liens économiques.
Moscou, qui possède une base militaire en Arménie, pouvait craindre un scénario à l’ukrainienne, profondément anti-russe. Mais Nikol Pachinian a affirmé qu’il n’avait aucune intention de rompre avec le Kremlin.
Cohabitation délicate
« La première chose que je devrais faire après mon élection sera d’assurer une vie normale dans le pays », a déclaré Nikol Pachinian mardi, lors de son discours devant le Parlement avant le vote. « Il n’y aura pas de corruption en Arménie. Et le pays pourra tourner une fois pour toutes la page des persécutions politiques ».
Son avènement ne devrait pas pour autant mettre fin à la crise secouant depuis la mi-avril ce pays de 2,9 millions d’habitants, puisque ses adversaires du Parti républicain disposeront toujours de la majorité au Parlement, préviennent les analystes.
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Suit l’avis de Valérie Toranian, longtemps patronne du magazine Elle dans le groupe de presse Hachette-Filipacchi et devenue depuis 2015 la patronne de la Revue des deux mondes.
Ce n’est pas manquer de respect à cette très ancienne revue que de dire qu’elle est, sous un humanisme de bon aloi, de droite pro-sioniste et libérale. Elle comporte par exemple dans son comité de rédaction l’ultrasioniste Franz-Olivier Giesbert. Le financier de la chose est l’incontournable Marc Ladreit de Lacharrière, le grand mécène du spectacle français, membre du Siècle et du groupe Bilderberg.
L’article de Toranian a été écrit la veille de l’élection de Pachinian. Il revient sur les conditions économiques, politiques, historiques et militaires du vote du 8 mai 2018.
Mettre fin au règne des oligarques sans se mettre à dos Poutine :
le pari de la révolution de Velours en Arménie
Nikol Pachinian va-t-il réussir son incroyable pari ? Leader charismatique de la révolution de Velours en Arménie, cet ancien journaliste de 42 ans, opposant de longue date au régime, porte l’espérance de cette petite république du Caucase qui veut en finir avec de longues années de corruption et d’incurie. Nikol Pachinian faisait partie du mouvement populaire qui avait contesté l’élection, truquée selon l’opposition, de Serge Sarkissian à la présidence en 2008 : dix personnes étaient mortes à l’issue d’une répression très violente des manifestations. Le jeune journaliste était passé dans la clandestinité avant de se rendre à la police en 2009 puis d’être amnistié en 2011. En 2017, sa petite formation, Contrat civil, était entrée au Parlement.
Aux manettes du pays depuis dix ans, le président Serge Sarkissian qui rêvait (façon Poutine /Medvedev) de prolonger son pouvoir en devenant Premier ministre a été contraint à la démission le 23 avril face à l’ampleur des manifestations pacifiques qu’il n’avait absolument pas vu venir.
- La révolution colorée arménienne
Son bilan politique et économique est éloquent : 20% de chômage, 36% de la population en-dessous du seuil de pauvreté, des médias et une opposition sous haute surveillance. Sans parler de l’étalage tapageur des richesses concentrées entre les mains de quelques-uns : la captation des richesses du pays par une oligarchie plombe le moral d’une jeunesse désillusionnée qui rêve le plus souvent de s’exiler. De 3,2 millions au moment de l’indépendance en 1991, la population est passée à 2,9 millions, selon les statistiques officielles, mais il se murmure que le chiffre réel pourrait être bien inférieur. Les Arméniens ont beau être résilients, les perspectives politiques et économiques sont si maigres que beaucoup, dès qu’ils en ont les moyens, rêvent de partir. Destination : l’Amérique, l’Europe, mais plus sûrement la Russie voisine où plus de 700 000 Arméniens, anciens ou nouveaux immigrants, résideraient aujourd’hui. Ce qui fait dire à Vladimir Poutine, goguenard : « Le président des Arméniens, c’est moi ! »
Un résumé deu génocide des Arémniens :
L’Arménie, peuplée en partie de rescapés du génocide perpétré par le gouvernement ottoman en 1915, a subi de nombreuses épreuves au sortir de la glaciation stalinienne puis de la période soviétique : le tremblement de terre de 1988 (30 000 morts) et la guerre avec son voisin azerbaidjanais, soutenu par la Turquie, pour défendre la région autonome à majorité arménienne du Haut-Karabagh. Le conflit s’est traduit par un blocus économique dévastateur qui n’a pas arrangé les choses ; si les Arméniens ont gagné militairement la bataille, les négociations sont au point mort et l’avenir de l’Artsakh (nouveau nom du Nagorny-Karabagh qui a autoproclamé son indépendance) est en pointillé.
Le conflit arméno-azéri en 2016 :
C’est sûrement ce contexte difficile, avec un ennemi azéri puissant grâce à ses pétrodollars, et toujours belliqueux, qui a permis de souder les Arméniens entre eux, en dépit des difficultés économiques et de la rapine organisée par les oligarques. Mais la perspective de voir Serge Sarkissian rempiler aux commandes du pays pour cinq années supplémentaires a eu raison de leur patience. Candidat de la vox populi, Nikol Pachinian affronte demain le vote de l’assemblée nationale pour se faire élire Premier ministre. Débouté une première fois il y a une semaine, il avait appelé à une grève générale, soutenu dans son initiative par un large mouvement de « désobéissance civile » qui s’est rallié à sa personne. Devant la paralysie du pays, un nouvel accord a été conclu avec le Parlement : le vote devrait a priori lui être favorable.
S’il est élu Premier ministre, Nikol Pachinian aura réussi un invraisemblable tour de force pacifique.
Mais plusieurs facteurs sont déterminants pour la poursuite de cette révolution de Velours.
- Sarkissian et Poutine
Neutraliser Moscou
En Arménie, la géopolitique se résume à un choix clair : Poutine ou Poutine. Sans l’alliance politique avec Moscou, la république d’Arménie ne peut pas faire face économiquement et énergétiquement. Surtout, s’extraire du giron russe la mettrait en grand danger face à la menace de son voisin azerbaidjanais qui en profiterait immédiatement pour relancer les hostilités au Haut-Karabagh… avec le soutien de Moscou !
Voilà pourquoi Pachinian, dès ses premières déclarations, a immédiatement réaffirmé son alliance stratégique avec Moscou. Toute autre attitude serait suicidaire. Pour rassurer l’ours russe, Pachinian martèle qu’il n’y a pas d’implication occidentale dans ce mouvement populaire (aucune diplomatie américaine distribuant des gâteaux comme ce fut le cas lors des manifestations en Ukraine…), bref rien qui puisse irriter Vladimir Poutine. Ce dernier qui soutenait jusque-là un autre candidat (Karen Karapétian, représentant de Gazprom, actuel Premier ministre par intérim), pourrait ne pas s’opposer à l’élection de Pachinian s’il obtient toutes les garanties nécessaires. Ses émissaires dépêchés à Erevan semblent plutôt rassurés par les discussions qu’ils ont eues avec le leader de la révolution de Velours. Même s’il ne voit pas d’un bon œil un mouvement de « désobéissance civile » couronné de succès, le président russe, tranquillisé, pourrait laisser faire le processus. Sans relâcher sa pression.
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L’autre grand sujet sur la table pour Pachinian, c’est la réconciliation avec la Turquie. Ou pas. Les Arméniens avaient relancé le conflit contre les Azéris, proches des Turcs, sous l’œil bienveillant des Russes qui voulaient ainsi punir l’action antirusse des Turcs en Syrie...
La Turquie s’est dite prête vendredi à envisager « une nouvelle » page avec l’Arménie à la suite de déclarations du nouveau Premier ministre arménien Nikol Pachinian évoquant le possible établissement de relations diplomatiques entre les deux pays.
« Si l’Arménie renonce à la politique hostile qu’elle mène depuis plusieurs années contre la Turquie, si elle change son approche négative au sujet des frontières et de l’intégrité territoriale de la Turquie et qu’elle veut ouvrir une nouvelle page, nous y répondrons en examinant les détails », a déclaré le Premier ministre turc Binali Yildirim. « Nous voulons avoir plus d’amis et moins d’ennemis », a-t-il ajouté.
Nikol Pachinian a été élu mardi Premier ministre de l’Arménie après avoir mené pendant trois semaines un mouvement de contestation d’ampleur.
Dans des déclarations au lendemain de sa prise de fonctions, il a affirmé que l’Arménie était « prête à nouer des relations (avec la Turquie) sans conditions préalables ».
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La Turquie a fermé en 1993 sa frontière avec l’Arménie par solidarité avec l’Azerbaïdjan et par mesure de rétorsion envers le soutien apporté par Erevan aux séparatistes arméniens du Nagorny Karabakh, enclave en territoire azerbaïdjanais contrôlée par les Arméniens depuis une guerre dans les années 1990.
L’Arménie, pour sa part, refusait jusqu’ici tout lien entre la question du Nagorny Karabakh et le processus de réconciliation turco-arménien.