Statistiquement, il est normal que ces femmes soient moins prisées que les hommes, (au sens de recevoir un prix) pas par racisme de genre – parce que ce sont des femmes, donc “inférieures” –, mais bien parce qu’elles sont inférieures... en nombre !
Si quelques femmes tirent leur épingle du jeu dans la BD (française) d’aujourd’hui, c’est parce qu’elles ont du talent – ça personne ne le conteste – mais cela ne change pas le problème de fond : leur rareté. La presse s’y intéresse depuis peu, et leur donne une importance médiatique inversement proportionnelle à leur poids dans le métier. Un genre de discrimination positive. Pourquoi pas ?
« Le concept du Grand Prix est de consacrer un auteur pour l’ensemble de son œuvre. Quand on regarde le palmarès, on constate que les artistes qui le composent témoignent d’une certaine maturité et d’un certain âge. Il y a malheureusement peu de femmes dans l’histoire de la bande dessinée. C’est une réalité. Si vous allez au Louvre, vous trouverez également assez peu d’artistes féminines. »
(Franck Bondoux, délégué général du Festival, au journal Le Monde)
Au fait, d’où vient cette rareté ? On serait tenté de répondre que la vie d’artiste demande des sacrifices, celui du confort, de la sécurité, choses auxquelles la femme a du mal à renoncer, et ce, pour des raisons bien pratiques : ce sont elles qui, jusqu’à preuve du contraire (PMA/GPA à la Pierre Gerbé) font les enfants, et donc, vont naturellement vers des existences plus protégées. C’est en ce sens que les femmes sont plus pragmatiques que les hommes. Toutes les statistiques le disent : les jeunes hommes sont plus casse-cou (75% des accidents de la route), plus suicidaires que les jeunes femmes (75% d’hommes là aussi), qui ont déjà, avant 20 ans, conscience de leur fonction reproductrice sur terre, et donc de l’importance du respect de la vie, alors que les mecs en sont encore à taper dans un ballon et boire des bières.
La femme choisit généralement un métier pragmatique, en rapport avec le quotidien, moins dans l’abstraction et le risque. On ne parle pas de manque de capacités, ni d’infériorité intellectuelle, seulement d’une propension supérieure à aller vers la sécurité. Pour soi, et pour les enfants à venir. La femme s’inscrit dans la durée. D’où le choix marital « raisonnable », d’un homme plutôt installé socialement, ou prometteur à ce niveau, plutôt qu’un artiste qui souffrira économiquement et la fera souffrir. Et a fortiori quand il s’agit d’elles-mêmes : les femmes prennent nettement moins de risques sociaux, sur leur avenir. Elles assurent, à tous points de vue, leur avenir. C’est un réflexe, on ne dira pas un instinct, que les hommes n’ont pas aussi développé. Ce choix de vie est donc gouverné par la peur, ou, pour parler plus positivement, le calcul du moindre mal.
- Claire Bretécher au travail
Sur cette réalité se greffent bien sûr les handicaps induits par le patriarcat que les féministes prêtent aux femmes qui seraient bridées dans leur éducation, en ce qui concerne les carrières créatives. En réalité, il n’en est rien : dans les familles françaises d’aujourd’hui, aucune jeune fille ne se fait répudier si elle annonce qu’elle aime dessiner et qu’elle veut passer, après le bac, le concours de l’école Boulle ou de l’école Estienne . Conneries que tout ça. Avant 1970, peut-être, et encore, beaucoup de familles de « gros beaufs » comme les surnommait gentiment Cabu, sont fières de posséder une dessinatrice… quand elles en produisent. Qui empêche les petites filles de dessiner à la maternelle, pendant que les garçons dessinent ? Personne. Y a plus une maîtresse qui oserait faire ça. Qui empêche les filles d’être bonnes en dessin ? Personne. Ça n’existe pas, c’est un fantasme de féministe qui cherche des raisons de victimiser la femme et d’accabler l’homme, qui s’en fout complètement.
Ne confondons pas les hommes avec les pouvoirs totalitaires qui empêchent les citoyens de s’exprimer librement. Là on est dans une réalité d’individus unisexes brimés, bloqués, déviés de leur pente naturelle à l’expression ! Mais ça, ce niveau de débat politique, n’intéresse pas les féministes. Trop vrai, trop compliqué, trop « pas assez féministe ». Y a rien à gagner, que des coups à prendre dans ce combat pour une véritable liberté d’expression, qui inclut les hommes et les femmes, victimes du même pouvoir coercitif ! On monte d’un cran, et y a plus personne.
Voici le contenu du tweet de soutien envoyé le 5 janvier 2016 par la secrétaire d’État chargée des droits (?) des femmes, Pascale Boistard :
« J’ai reçu en décembre le collectif des créatrices de BD contre le sexisme. Leur demande de reconnaissance est légitime #womendoBD #Angoulème »
Au Festival de BD d’Angoulême, cette année, aucune dessinatrice n’a été nominée sur les 30 auteurs, donc aucune ne sera primée. Soudain, on entend des cris s’élever de la « société médiatique » : comment, les femmes, sans prix, mais quelle ignoble injustice ! Du coup, quelques dessinateurs (hommes), dont l’impayable Joann Sfar, se font bien voir des féministes en demandant à être retirés, par solidarité, de la liste des 30 nominés pour le Grand Prix. Déjà, distribuer des prix à des artistes, c’est très con, mais là, ça dépasse tout ! La grande foire commerciale qu’est devenue Angoulême se couvre d’une couche de mélasse bien-pensante, en faisant des non-nominées des Camille Claudel en puissance. Hola, n’exagérons rien, les filles. Il ne s’agit que de BD. En revanche, s’il y a de bonnes dessinatrices, cette révolte n’en fera pas jaillir de terre d’un coup de baguette magique.
Nous reconnaissons leur talent (ici trois planches de Marie Pommepuy), quelques histoires de couple de Florence Cestac, qui donneront le succès de scène de la fille Choron, ou de l’inamovible Bretécher (voir photo), mais reconnaissons une chose, c’est qu’il s’agit très souvent d’une BD intimiste tournée vers les relations femmes/hommes, où la séduction, et de plus en plus le sexe, tiennent une grande place.
La guerre civile de tous contre tous déclenchée par les femmes de la BD
Après la pleurniche des femmes par rapport aux hommes, à quand la pleurniche des gros de la BD par rapport aux minces, des mauvais dessinateurs par rapport aux bons ? Et si un jour les « mauvais », lassés de n’être pas primés, décidaient de quitter le Festival ? Quels sont les « bons » qui les accompagneraient ? Les amis des femmes Riad Sattouf et Joann Sfar ? Ah, le bon coup de pub bien démagogique que voilà ! Les mauvais dessinateurs, gros vendeurs, bien mainstream, lèche-cul de toutes les idéologies dominantes. Tout se tient, finalement.
On ne cherche pas à retomber dans le sempiternel « les femmes ne créent pas puisqu’elles créent déjà les gosses et quand par hasard elles créent elles ne racontent que leurs peines de cœur et de cul », mais la réalité de la production de BD actuelle ne ment pas, comme la terre. Le collectif BD égalité, l’intervention de la ministre Marisol Touraine, puis de la très courtisane Pellerin, sonnent comme des coups d’épée dans l’eau. La BD comme le foot reste un sport non pas exclusivement mais majoritairement masculin, et personne n’empêche les femmes d’y entrer. Ou alors le très féministe pouvoir socialiste n’aura qu’à obliger, par décret, les dessinateurs hommes à changer de sexe. C’est peut-être pour ça qu’ils nous bassinent avec la théorie du genre.
Conclusion de toute cette agitation « sociétale » ? Les dessinatrices féministes ont obtenu gain de cause. L’organisation machiste du 43e festival de BD a mis un genou à terre : la liste 100% masculine va être révisée. Alors, les filles, on refait l’Histoire ?
Illustration d’une féminisation de la BD dans le domaine érotique, nouveau créneau porteur de l’édition, dans ce reportage datant d’Angoulême 2011 :
Interview de Florence Cestac, la seule dessinatrice à avoir été primée à Angoulême :