Chris Dancy est traqué par des dizaines de capteurs, caméras et objets connectés accumulés ces huit dernières années, faisant de lui « l’homme le plus connecté du monde ». À l’occasion du Festival Futur en Seine , il animait à Paris l’une de ses « Mindful Cyborg Sessions » destinées à repenser de manière saine notre rapport à la technologie. Car Chris Dancy est aussi un « bouddhiste geek » qui médite deux fois par jour dans un espace déconnecté de sa maison. Paradoxal, voire absurde ? Nous l’avons rencontré à l’issue de sa conférence.
« L’homme le plus connecté du monde » nous alerte désormais sur les dangers de notre ultraconnexion. Pourquoi alors ne pas vous débarrasser de tous vos capteurs ?
Les médias ont commencé à me suivre il y a trois ou quatre ans et ont voulu que je sois « la personne la plus connectée du monde » : tu as tendance à devenir ce que les gens veulent que tu sois. Mais j’ai évolué. De 2009 à 2012, j’étais convaincu qu’être très connecté était une bonne chose. J’ai pu comprendre ma vie et la changer. Sauf qu’en 2012, mes super-pouvoirs se sont retournés contre moi. J’ai compris que les gens avaient peur de moi, parce que je devenais plus mince [il a perdu 45 kilos en un an], rapide, malin. Avec une sorte d’intensité qui se dégageait de moi. Mes amis s’éloignaient. Je crois qu’en 2014, j’étais dans un état de stress post-traumatique tant la technologie avait bouleversé ma vie et m’avait fait perdre mes proches. J’ai commencé à me demander comment je pouvais l’utiliser pour me « ralentir », me rendre meilleur. Pour que je ne sois plus perçu comme menaçant, pour que les gens comprennent que je suis comme vous, simplement avec quelques années d’avance… Mais cette histoire, les médias ne veulent pas l’entendre. Ils veulent l’autre personne, l’ancienne. Alors le paradoxe que les gens voient en moi, c’est eux-mêmes.
Mais pourquoi continuer à tout mesurer ?
Je n’ai pas besoin de tout mesurer, je suis capable de vivre sans. Je pourrais tout enlever. Superman peut voler sans sa cape… mais les gens le préfèrent avec. [Il pointe les quatre bracelets connectés à son poignet] : si j’enlevais tout ça sur scène, les gens ne m’écouteraient pas. Toute cette technologie, je n’en ai pas strictement besoin, je ne l’aime pas, d’ailleurs. Mais personne n’a envie de vivre au quotidien avec toute cette part sombre. [Il désigne l’un des bracelets] : là, j’enregistre tout ce que nous nous disons. Qui sont les gens assez courageux pour porter tout cet attirail ? Alors je continue. Pas parce que ça m’aide. Mais parce qu’il faut bien que quelqu’un soit le cobaye. Je consacre ma vie à tester la façon dont la technologie nous affecte. Je suis un rat de laboratoire... pour smartphones.