Le projet de loi porté par la garde de Sceaux Nicole Belloubet et la secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, a commencé ce lundi [14 mai 2018] en séance publique à l’Assemblée. Après l’affaire Weinstein et les mouvements #MeToo et #Balancetonporc, le texte « renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes », doit notamment permettre de punir le cyberharcèlement, verbaliser le harcèlement de rue et rallonger le délai de prescription.
Mais la pierre angulaire du texte, portant sur le consentement lors d’un rapport sexuel entre un mineur de moins de 15 ans et un majeur, est au centre de toutes les discussions. L’article 2, dont il dépend, a été fortement amendé par la commission des lois de l’Assemblée nationale la semaine dernière. Depuis, à l’initiative du groupe « F », mouvement féministe fondé par Caroline de Haas, près de 250 personnalités ont signé une lettre ouverte adressée à Emmanuel Macron pour demander sa suppression. Elles voient dans ce texte un recul par rapport aux annonces faites par le gouvernement.
Quelle était la proposition de départ ?
C’était en octobre dernier. Quelques semaine après la décision du parquet de Pontoise, qui avait requalifié un viol sur une fillette de onze ans, Sarah, en délit « d’atteinte sexuelle », Marlène Schiappa annonçait la fixation d’un âge minimum au consentement sexuel. Portant officiellement le nom de « seuil de présomption de non-consentement irréfragable », cette notion devait permettre à un mineur de moins de 13 ou 15 ans – les deux seuils ont été envisagés – d’être automatiquement considéré comme victime de viol et ou d’agression sexuelle en cas de relation avec une personne majeure.
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Aujourd’hui, dans la loi française, c’est à la victime de prouver ses accusations. Pour qualifier un acte sexuel de viol, elle doit démontrer avoir subi une « contrainte, une violence, une menace ou une surprise ». Or, selon les annonces faites par Marlène Schiappa en octobre, un mineur de moins de 15 ans n’en aurait pas eu besoin : en vertu du seuil irréfragable, le non-consentement est considéré comme automatique. Cela signifierait que pour toute relation entre un majeur et une personne de moins de 15 ans, l’adulte aurait directement été jugé pour agression sexuelle ou pour viol, indépendamment des cas de « violence, contrainte, menace ou surprise ». Le juge, lui, aurait bien évidemment toujours pu décider de l’acquitter, ou non, pour ces chefs d’accusation.
Pourquoi le non-consentement automatique est-il passé à la trappe ?
Cette automaticité du non-consentement n’a pas été retenue dans la version présentée aux députés ce 14 mai. Une disposition très ambitieuse, trop ambitieuse même selon Maître Carine Durrieu-Diebolt, avocate de la jeune Sarah dans le procès de Pontoise :
« Il fallait opter pour une présomption simple, estime-t-elle auprès à Marianne. Elle permettait de présumer que l’enfant n’était pas consentant lors de la relation sexuelle, sans empêcher à la défense d’apporter la preuve du contraire. En choisissant d’avancer le seuil irréfragable, on risquait de le rendre incompatible avec notre droit ».
Le 21 mars dernier, le Conseil d’État a effectivement vu dans ce seuil une entorse aux textes fondateurs du droit français :
« L’automaticité qu’induit ce seuil bafoue la présomption d’innocence, explique à Marianne Jacky Coulon, secrétaire national du syndicat de la magistrature. C’est un principe de base de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, qui est elle-même inclu dans notre Constitution. L’inclure dans un texte le rendrait inconstitutionnel ».
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Pour les associations, la perte du principe de non-consentement va freiner la justice. « C’est un retour à la case départ », soupire Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie.
« Prouver l’existence d’une menace, d’une contrainte ou d’une surprise sur une victime est extrêmement difficile en règle générale, explique-t-elle à Marianne. Pour un enfant, c’est encore plus compliqué : un geste, une parole, une attitude peut suffire à les effrayer et à les mettre sous l’emprise d’un adulte ».
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Pour Emmanuelle Piet, du Collectif féministe contre le viol, avec l’article 2, « ce qui caractérise un viol passe en délit » :