Avec l’ambition de s’inscrire « dans l’histoire de l’information alternative face aux médias concentrés à 90 % entre les mains de neuf milliardaires », la plateforme audiovisuelle des Insoumis sera lancée le 15 janvier prochain. Piloté par Sophia Chikirou, directrice de la communication de Jean-Luc Mélenchon, et Gérard Miller, auteur, pendant la campagne présidentielle, sur France 3, d’un panégyrique de son dernier objet transitionnel politique, Le Média – c’est son nom – promet d’être « humaniste, antiraciste, féministe et de défendre les droits LGBTI : il soutiendra l’émancipation des femmes et l’égalité entre les genres. Il sera écologiste et progressiste. » Autant de niaiseries qui font le sel du système médiatique depuis quarante ans, système au sein duquel Gérard Miller occupe depuis des années le rôle du commissaire politique.
« Il vous accueille dans son antre, un cabinet cosy situé au rez-de-chaussée d’une jolie maison parisienne. De sa voix pointue de marquis, il vous invite à vous enfoncer dans le canapé, allume un cigare, croise les jambes, vous fixe d’un air pénétrant. […] Demi-sourire de chat de Chester, regard reptilien, Gérard Miller s’exprime dans la vie comme à l’écran. »
Télérama, 23 janvier 2002.
« Autrefois, il phagocytait les séminaires de la rue d’Ulm, les appareils politiques. À présent, il infiltre la télé aux heures de grande écoute, car c’est là qu’est le vrai pouvoir. En faisant preuve à l’occasion du même terrorisme intellectuel. »
Le Point, 19 janvier 2001.
« Trop marquis, trop bruyant, trop brillant, trop "freuduleux", trop mondain, trop Almanach Vermot. »
Libération, 10 janvier 2001.
« Les gauchistes en général et les maoïstes en particulier n’ont pas démérité de la démocratie. Si la France d’aujourd’hui est un petit peu plus vivable que dans les années 60, elle le doit pour une part non négligeable aux maoïstes. »
Gérard Miller, TV5 Monde, 2005.
« Je ne suis pas doué, mais alors pas doué du tout pour l’autocritique. Mes erreurs ne m’encombrent pas et je n’ai aucun remords, ni repentir, ni regret. »
Gérard Miller, Actualité juive, 24 novembre 2005.
« La redoutable famille Miller, bien connue des intellos parisiens […], toute formée d’ex-althussériens, ex-maos, nombreuse en frères, beaux-frères, parents et alliés, a formé une garde d’acier autour du pape de la psychanalyse. » Guy Hocquenghem, Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary, Albin Michel, 1986.
« Je fuis les psys et ce n’est pas les deux années que j’ai passées avec Gérard Miller qui m’ont fait changer d’avis ! »
Michel Drucker, rapporté par Le Figaro, 19 septembre 2007.
La redoutable famille
Gérard Miller est né le 3 juillet 1948 à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine). Sa première identité, indique Télérama, fut cette « fierté viscérale d’être juif ». À propos de ses parents, Ève Millecka, pharmacienne, et Jean Miller, petit-fils de rabbin, Gérard Miller raconte inlassablement qu’« ils sont arrivés de Pologne en France dans les années 30. […] Ça leur a sauvé la vie : tous les autres membres de notre famille, sans exception, ont été tués peu après par les nazis. » (Actualité juive, 24 novembre 2005)
Un passé familial utilisé, avec culot, comme arme de dissuasion, tantôt politique – comme lors du procès cathodique de Jean Montaldo, coupable d’avoir collaboré aux pages cultures de Minute (France 2, 8 janvier 2001) – tantôt fiscale, comme quand son nom est apparu dans les « listings Falciani » en tant que titulaire d’un compte bancaire à la HSBC à Genève : « On peut bien sûr imaginer que mon père a tiré après la Seconde Guerre mondiale certaines conclusions personnelles de cette traversée de l’horreur. Comme je ne sais quelle assurance contre un possible retour au pire. » (Le Monde, 28 janvier 2014).
En France, Jean Miller est devenu un radiologue fortuné exerçant dans le Marais de Paris. Fondateur de l’Institut de radiologie de Paris, ce collectionneur d’art (entre autres des œuvres du peintre et lithographe français d’origine russe Pinchus Krémègne) fut un admirateur et un mécène du peintre expressionniste Gen Paul (1895-1975). Ainsi, à la fin de sa vie, il finança la rédaction d’un ouvrage luxueux consacré au compagnon d’infortune de Louis-Ferdinand Céline, ouvrage dont la rédaction fut confiée à l’historien et critique d’art Pierre Cabanne, puis reprise, au décès de ce dernier en 2007, par Gérard Miller sous le pseudonyme de Pierre Davaine.
Pendant sa scolarité au très chic lycée Janson-de-Sailly, il adhère aux Jeunesses communistes avant de rejoindre, en 1964, les premiers groupes maoïstes en France, sans doute l’Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes de France (voir son témoignage « Mon dieu s’appelait Mao » dans Paris Match, 8 août 2004). En 1968, il réussit le concours d’entrée à l’École normale supérieure de Saint-Cloud, et ne participe donc pas aux premières semaines d’agitation de mai 68, suivant en cela les préceptes de son gourou Benny Lévy qui avait interdit aux militants de se mélanger à cette révolution « petite-bourgeoise ». S’il se flatte d’avoir « manié la barre de fer », son nom ne figure même pas dans le premier volume de Génération (Seuil, 1987), qui retrace ces événements. L’année suivante, on le retrouve à la tête de la cellule de la Gauche prolétarienne du Centre universitaire expérimental de Vincennes. Hervé Hamon et Patrick Rotman, dans le second volume de Génération (Seuil, 1988), décrivent assez exactement son action : « La Gauche prolétarienne sur le campus est trustée par la famille Miller. Le plus visible, le chef local est Gérard, qui vient de Nanterre. Petit, nerveux, sec, sanglé dans un blouson de cuir, il semble toujours investi d’une mission historique immense. C’est un militant aguerri qui, très jeune, a roulé sa bosse à l’UJC (ml), conduit quelques "longues marches" dans le bocage mayennais pendant l’été 68. Sa popularité n’atteint pas les sommets. »
Dans la « redoutable famille », c’est à son aîné Jacques dit « Jacques-Alain » Miller que Gérard Miller doit sans doute sa carrière : « Enfant, puis adolescent, il lisait tout, je ne lisais rien. […] Il pariait sur le savoir, je misais sur l’astuce. On ne risquait pas de nous confondre. Pourtant, en grandissant, rien ne nous a jamais séparé. » (Actualité juive)
Né le 14 février 1944 à Châteauroux (Indre), Jacques-Alain Miller se confiait sur ses premières influences politiques dans le numéro 4 de Tissage : « C’est la lecture de L’Express qui m’a appris toute une partie de l’histoire de France et enseigné l’idéologie de gauche, ou du moins celle du radical-socialisme modernisateur, si je puis dire. J’ai adoré ce journal. J’ai commencé à le lire en 1956. » Passé par le lycée Janson-de-Sailly et la khâgne de Louis-le-Grand, Jacques-Alain Miller est reçu à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm en 1962 et, sur les conseils de son maître Louis Althusser, adhère à l’Union des étudiants communistes (avec Robert Linhart avec qui il lance, en 1964, les Cahiers marxistes léninistes) et suit le séminaire de l’intellectuel formé à l’école de l’Action française Jacques Lacan : « Si vous allez à son séminaire, leur dit-il, vous verrez toutes sortes de gens en prières devant un discours inintelligible pour eux, rapporte Marianne (17 mai 2004). Miller est ébloui. » Dans la foulée, il fonde avec Jean-Claude Milner et François Regnault les Cahiers pour l’analyse. Exégète et secrétaire de Jacques Lacan, il finit par épouser, le 12 novembre 1966, sa fille Judith Lacan (1941-2017), issue du second mariage du « maître » avec Sylvia Maklès (ancienne épouse de l’écrivain Georges Bataille). L’activisme de cette dernière au bureau politique de la Gauche prolétarienne a été décrit dans Le Nouvel économiste (14 février 1997) par Francis Carayon : « J’ai aussi suivi les cours de guérilla urbaine avec Judith Miller […]. Elle nous apprenait comment faire des cocktails Molotov. » Ils auront deux enfants, Luc, maître de conférences à Nanterre, et Ève, épouse Nicolas Rose, collaboratrice à La Règle du Jeu, cogérante de l’entreprise familiale, le Collège de Navarin (ou Collège Freudien) et de sa maison d’édition.
De la cause du peuple à la cause freudienne
Après un passage, comme « établi », en tant qu’ouvrier agricole dans la Sarthe, la Mayenne puis le Morbihan, une expérience qui se résume essentiellement à des actions de sabotage comme s’en vante l’intéressé, Gérard Miller a passé, à Vincennes, sa maîtrise avec Jean-François Lyotard, son troisième cycle avec Roland Barthes, sa thèse d’État avec Michel Foucault et a quitté la Gauche prolétarienne pour un poste de maître de conférences en science politique à Vincennes (devenue Université Paris 8-Vincennes-Saint-Denis). Dans le sillage de son frère, exclu de la Gauche prolétarienne pour « déviation théoriciste », il passe de la cause du peuple à la plus juteuse cause freudienne, non sans avoir entrepris une analyse : « Les Miller deviennent les Gardes rouges de l’œuvre du maître » (Libération, 10 janvier 2001). En effet « JAM », comme l’appelle le petit monde germanopratin, s’est installé dans le vaste appartement occupé autrefois par son beau-père, dont il est devenu l’exécuteur testamentaire en 1980. « Gendre sourcilleux » (Libération, 11 mars 2002), Jacques-Alain Miller a toujours attaché une attention extrême à la parution des manuscrits de Jacques Lacan, s’attirant par-là les vives critiques d’universitaires respectés. Le Monde (1er avril 1989) indique : « Gestionnaire exclusif à la fois parcimonieux et sourcilleux de la divulgation, largement inachevée, de l’essentiel de son œuvre […], fort d’un ample cumul de positions universitaires et éditoriales et du soutien sans faille de Roland Dumas, ministre des Affaires étrangères et ancien avocat de Jacques Lacan, Jacques-Alain Miller contrôle ou surveille la naissance et le développement d’une constellation d’activités d’enseignements, de séminaires, de publications, en France et à l’étranger. » Le psychiatre Gérard Pommier, qui accusera « M. Gendre » (Libération, 14 janvier 2004) d’avoir corrigé les derniers textes de Lacan (L’Événement du jeudi, 21 juin 1990), indique dans Passages (avril 1989) : « Où a-t-on déjà vu en France un cours magistral se dérouler dans un local privé et loué, à plusieurs kilomètres de son université d’origine, dans un lieu plus propice aux effets de prestige ? Pourquoi le séminaire d’études approfondies dirigé par la même personne se déroule-t-il au sein de son école de psychanalyse ? Pourquoi plusieurs séminaires de DEA se déroulent-ils dans les locaux de sa "fondation" privée qu’il dirige, siège d’une maison d’édition ? Etc. » Comme l’écrira la psychanalyste Élisabeth Roudinesco, son ennemie jurée, « avec [Jacques-Alain] Miller, Lacan rencontre ce lecteur, miroir et adversaire de lui-même : un mélange de Rodrigue et de Saint-Just. »
Dès 1980, Charles Melman, le propre analyste de Jacques-Alain Miller, devait adresser un courrier à une quarantaine de personnes sous-entendant que ce dernier aurait profité de la sénilité de Lacan. Et d’expliquer : « Dans la foulée, Miller a organisé un goulag de la psychanalyse. Autour de lui gravitent quelques types châtrés et une foule de dames empressées » (Marianne, 17 mai 2004). Gérard Miller a ainsi suivi son frère et sa belle-sœur dans le lancement de l’Association mondiale de psychanalyse, de l’Agence lacanienne de presse, il figure au comité de rédaction de L’Ane, une revue à la fois absconse et influente dirigée par Judith Miller, et anime l’École de la cause freudienne, « l’école de la cause » comme disent les initiés. Elle s’est cependant vidée peu à peu de ses membres, comme l’explique le psychiatre Gérard Haddad : « C’était Chicago. Son frère Gérard et lui avaient des méthodes de flics staliniens [...] Je le créditais d’une vraie ambition intellectuelle, mais seul l’amour du pouvoir l’anime » (Marianne). La psychanalyste Geneviève Morel raconte : « Vous n’imaginez pas le militantisme des gens qui l’entourent. Beaucoup se marient dans l’école, ils y passent week-ends et soirées. Tous ceux qui ont des responsabilités, notamment en province, ont un lien analytique donc personnel avec Miller. Chaque semaine, ils viennent lui raconter leur vie. La confidentialité, ça crée des liens très forts, des logiques de passion, de trahison, bref ce "transfert de masse" que Miller a théorisé… » (Le Monde, 14 février 2004). C’est sans doute dans cette ambiance, à mi-chemin entre l’entreprise familiale et la secte que Gérard Miller a connu la psychanalyste Dominique Kalfon-Ohanessian, épousée le 30 mai 1980. Le couple élèvera quatre enfants (tous scolarisés à la très chic École alsacienne) : les jumeaux nés d’une précédente union de Dominique Miller, Jérôme Reygner- Kalfon, co-fondateur d’ACE Entertainment Films (distribution de films dans le monde francophone) et Élodie Reygner-Kalfon (nom d’usage Jarmon), directrice comptable chez Profirst France, une agence de communication événementielle pour l’industrie du luxe, ainsi que leurs propres enfants, Jérôme, fondateur d’Hostality (gestion d’appartements en location saisonnière) et Coralie Miller qui après avoir commencé chez Juste pour rire (impresario de Florence Foresti, Franck Dubosc, Laurent Ruquier, etc.) a signé, chez Marabout, Green, Glam et Gourmande et alterne activités de documentariste (Français juifs - Les enfants de Marianne pour France 3) et de metteur en scène (Les Monologues du vagin présentés en 2017 au festival « off » d’Avignon). Bien qu’ayant divorcé, Dominique Miller est une pièce importante du dispositif millérien comme directrice pédagogique du Collège freudien.
Constitués en réseau, les Miller ont démontré leur puissance politique lorsque l’Assemblée nationale a adopté l’amendement du député UMP Bernard Accoyer relatif à la réglementation, via un diplôme d’État, de la profession de psy. Jacques-Alain Miller a pris la tête de la fronde, a organisé une série de meetings au Palais des Congrès et à la Mutualité : « Les orateurs appellent le peuple des psys à la désobéissance civile. On évoque Vichy. On invoque les Lumières. Personne dans l’assistance ne s’amuse de voir BHL pourfendre le néolibéralisme. Tant que la corporation est menacée d’être placée sous contrôle, nombre d’analystes reconnaissent le bien-fondé d’un combat dont l’entregent millérien assure la victoire. » Dans cet entregent, notons la philosophe Catherine Clément, l’écrivain Philippe Sollers, mais aussi le Président du conseil scientifique de la Fondation pour l’innovation politique François Ewald (passé de la Gauche prolétarienne au MEDEF), l’avocat Roland Dumas et même la psychanalyste Élisabeth Roudinesco, l’ennemie de toujours. Une forte pression sera ensuite exercée au Sénat en janvier 2004, aboutissant à l’abandon pur et simple du projet de loi. Par la suite, « Divan le terrible » lance un « nouveau parti intellectuel » avec Bernard-Henri Lévy, Philippe Sollers, Catherine Clément, Edwy Plenel ou encore Renaud Dutreil, alors ministre de la Fonction publique. Animateur du blog « Diva » sur La règle du jeu, le site de BHL, Jacques-Alain Miller a eu, en 2005, quelques démêlés avec le fisc. Outre des interrogations sur les importantes trésoreries détenues par l’École de la cause freudienne et l’École européenne de psychanalyse qui n’avaient fait l’objet d’aucune déclaration fiscale, les enquêteurs le suspectent d’avoir omis de déclarer des consultations réglées en espèces : il n’avait déclaré aucuns honoraires pour 2002 et seulement 5 700 euros pour l’année suivante au titre d’honoraires rétrocédés par un confrère.
Dans leur action politique, les Miller ont été à l’origine de ce qui fut sans doute le plus gros fiasco de la « pétitionnite » germanopratine, en obtenant 4 500 signatures du Tout-Paris politique, artistique, scientifique sous un texte publié dans Le Point (7 février 2013) appelant à sauver « Mitra », « femme des Lumières » privée de liberté dans un régime où « les mollahs ne cèdent pas » et « avancent vers la bombe » : « Je cherche dans ma mémoire quand on a vu une pétition signée par un aussi grand nombre de personnalités d’horizons aussi différents. En aussi peu de temps, en tout cas, c’est simple : jamais ! » se félicitera Gérard Miller avant que Mitra Kadivar, psychanalyste internée à Téhéran avec qui Jacques-Alain Miller entretenait une correspondance passionnée, ne reconnaisse, une fois libérée, qu’il « ne s’agissait que de l’erreur d’un médecin, suite à une triviale querelle de voisinage. Mon internement n’était pas politique. Les neuroleptiques et comprimés d’antipsychotiques n’étaient que des placebos. »
« Si on n’est pas invité ce soir, c’est qu’on n’existe pas socialement »
Après s’être risqué à un essai sur l’état d’esprit de l’État français, Les Pousse-au-jouir du maréchal Pétain, un essai encore plus mauvais que L’idéologie française de BHL, publié dans la collection Champ freudien, dirigée par son frère, Gérard Miller a renoué, à partir de 1988, ses liens avec les anciens de la Gauche prolétarienne et se fait rapidement une place de « psy des médias » avec une chronique régulière dans Libération. Collaborateur au « tonton maniaque » Globe, ce militant de l’interdiction du Front national écrira dans Le Droit de vivre, l’organe de la LICRA (novembre 1995) : « C’était dit et il le répète : il [Jean-Marie Le Pen] n’était pas là à Carpentras, ni sous une forme, ni sous une autre. Mais ce qu’il faut comprendre, c’est que Le Pen n’a jamais été là où le pire s’est produit. Et c’est peut-être là "le pire" : une absence de sujet. En ce sens, Le Pen n’est nulle part, furet des discours insaisissables [...] Le Pen glisse entre les mots, qui sait comment l’attraper ? Le psychanalyste en témoigne : il y a une part d’innommable en chacun. Le Pen lui donne consistance. »
Son militantisme « à gauche toute », notamment au sein de la LICRA, à Plan International, au MRAP, à SOS Racisme (son frère et sa belle-sœur ont signé en mai 2000 la pétition contre l’écrivain homosexuel Renaud Camus, coupable de quelques remarques critiques vis-à-vis du « peuple élu » dans son journal intime), n’empêche pas ce parfait « rebellocrate » de participer à des réunions de soutien à l’État d’Israël, malgré sa dérive pour le moins droitière. Comme le 19 février 1997 aux côtés de Michel Gurfinkiel, membre du comité éditorial et ancien rédacteur en chef de Valeurs actuelles, et de Dori Goren, chargé d’information à l’ambassade d’Israël à Paris lors d’une conférence organisée par l’UEJF Jussieu, allant jusqu’à affirmer : « Je suis [...] farouchement attaché à l’existence d’Israël [...] Je ne me permettrais pas de critiquer Ariel Sharon à un moment où le pays est attaqué de toutes parts. Je me sens obligé d’être solidaire. » (Tribune juive, 21 juin 2001)
Promu directeur pédagogique du département de psychanalyse à l’Université Paris 8-Vincennes-Saint-Denis en 2001 (il a décliné à la même époque une proposition de fonder une chaire de psychanalyse au CNAM), Gérard Miller s’impose comme le plus zélé porte-parole de la gauche caviar, bénéficiant d’innombrables tribunes, principalement sur le service public. Il collabore à France Inter, au Cercle de Minuit (France 2) de Laure Adler, à Vivement dimanche prochain (France 2) de Michel Drucker – émission au cours de laquelle il offrira, le 13 février 2000, un numéro de Ras l’Front à Johnny Hallyday – à On a tout essayé (France 2) de Laurent Ruquier – où les chroniqueurs de l’émission, tenus par une clause de confidentialité interdisant de révéler le montant de leurs cachets, étaient à l’époque les mieux payés de la télévision française – ainsi qu’à Europe 1, puis RTL. Notons qu’il tient depuis 2005 une chronique dans l’hebdomadaire anciennement catholique La Vie. Il participe, en outre, à l’écriture de sketches pour Guy Bedos et Jean-Marie Bigard, joue des petits rôles dans les séries de France 2, dans les pièces de Laurent Ruquier et dans des représentations à la tonalité politique nettement à gauche coécrites avec Christophe Barbier, ancien directeur de la rédaction de L’Express, avec le communicant Claude Posternak et l’humoriste Marc Jolivet. Avec sa fille Coralie Miller et son gendre Nicolas Terrier, il réalise également des feuilletons radiophoniques pour Europe1 (Lagardère Active). Il est, en outre, un des piliers de la case « documentaire » de France Télévisions, bénéficiant d’une véritable carte blanche d’Emmanuel Migeot, le directeur de l’unité documentaire de France 3, et de la directrice de cette chaîne Dana Hastier, pour des portraits orientés sous couvert de psychanalyse, réalisés avec sa compagne Anaïs Feuillette, née le 9 août 1980, militante communiste avec qui il a eu une fille en 2009, Margot, et dont Laurent Ruquier indique sans plus de précisions au Parisien (20 juillet 2013) être « le parrain ». Il présente également Et si c’était vous ? sur Toute l’histoire (AB Groupe).
- Gérard Miller et sa jeune compagne Anaïs Feuillette
Mondain, ce praticien de l’hypnose (« Le médecin n’est-il pas un homme et la maladie dépouille-t-elle toujours la malade des attributs de son sexe ? [...] la plupart de ces femmes qui vont au magnétisme sont-elles réellement malades ? [...] Leurs sens sont intacts, leur jeunesse garde toute sa sensibilité, elles ont assez de charme pour agir sur le médecin, elles ont assez de santé pour que le médecin agisse sur elles. [...] La proximité des corps, l’attouchement, la chaleur individuelle, les regards, n’est-ce pas là une voie connue de la nature pour opérer la communication des sensations entre les deux sexes ? [...] Les femmes ainsi livrées au magnétisme peuvent-elle se rendre compte de ce qu’elles éprouvent, ignorant tout de l’état où elles se trouvent ? » écrit-il à propos de cette pratique dans Hypnose mode d’emploi, Seuil, 2002) est assidu à tout ce que le Paris festif compte de « premières » et autres vernissages. Participant par exemple au Nouvel an juif chez Marek Halter, il figurait évidemment parmi les invités du mariage princier de la productrice Fabienne Servan-Schreiber et de l’ancien sénateur socialiste Henri Weber, célébré en grandes pompes le 15 septembre 2007 au Cirque d’Hiver : « Si on n’est pas invité ce soir, c’est qu’on n’existe pas socialement » expliquera ce « gauchiste non repenti » (Tribune juive, 6 septembre 2002) lors de cet événement réunissant plus de 800 invités dont Carla Bruni, Patrick Bruel, Bernard Kouchner, Bruno Roger (Lazard Paris), Philippe Lagayette (J.P.Morgan), etc.
Garant idéologique du Média
Politiquement, le « divan Marquis » (Libération, 10 janvier 2001) a présidé le comité de soutien au socialiste Georges Sarre (qui l’avait coopté en 1989 au sein du groupe de réflexion sur la sécurité routière lorsqu’il était secrétaire d’État aux Transports routiers et fluviaux) dans le XIe arrondissement de Paris lors des élections municipales de 2001, et a participé au comité de soutien à Bertrand Delanoë. Le Parti communiste, son ennemi suprême (au même titre que les « fachos ») s’étant effondré, il a officiellement appelé à voter Robert Hue (Le Parisien, 17 avril 2002) et a rejoint l’association des Amis de L’Humanité. Proche de François Bayrou, il a participé à la convention de l’UDF en 2005, déclarant à la tribune : « C’est Astérix. Lui et Laurent Fabius sont les deux seuls hommes politiques qui prennent des risques. » Gérard Miller avait maladroitement animé la défense médiatique de ce dernier dans l’affaire du sang contaminé, espérant un temps le voir se présenter à l’élection présidentielle de 2007, avant de finalement intégrer, via Pierre Bergé, l’association Les amis de Ségolène Royal. En avril 2012, il a soutenu publiquement Jean-Luc Mélenchon au Bataclan, puis a participé au raout anti-Manif’pour tous organisé, le 27 janvier 2013, par Pierre Bergé au Théâtre du Rond-point, puis à la réunion des déçus du hollandisme organisée par le « frondeur » Pouria Amirshahi en septembre 2014 avant de soutenir la liste Europe Écologie-Les Verts dans les Hauts-de-France aux élections régionales de 2015.
Pendant la dernière élection présidentielle, le clan Miller vivra un psychodrame par tribunes du Monde interposées, Jacques-Alain Miller appelant au vote utile dès le premier tour (12 mars 2017) et recadrant son cadet, auteur, toujours dans Le Monde trois jours plus tôt, d’Est-il encore permis de voter à gauche quand on est de gauche ?, une tribune qui préfigurait son rôle de chauffeur de salle au meeting de Jean-Luc Mélenchon place de la République quelques semaines plus tard. Les deux frères se réconcilieront, le 18 avril, à la Mutualité, à l’occasion d’un énième « Forum contre Marine Le Pen et le parti de la haine » organisé par Bernard-Henri Lévy.
Auteur pendant la campagne de L’Homme qui avançait à contre-courant, un panégyrique de Jean-Luc Mélenchon diffusé sur France 3 en janvier dernier, et présent le soir du 23 avril à son QG de campagne, il a mis son carnet d’adresses « people » au service de son champion, jouant les rabatteurs pour garnir la liste des signataires de la tribune annonçant le lancement du Média. Publiée non pas sur Internet ou dans un petit média indépendant, mais dans Le Monde (25 septembre), ses signataires dessinent les contours d’une petite « bobosphère » : Cécile Amar (L’Obs), Laurent Baffie (humoriste), Josiane Balasko (actrice), Blick Bassy (chanteur camerounais), Lucas Belvaux (acteur et réalisateur belge), Bernard Cassen (Président d’honneur d’ATTAC), Judith Chemla (actrice), Antoine Comte (avocat), Jean-Pierre Darroussin (acteur et réalisateur), Antoine Deltour (ancien salarié du cabinet PriceWaterhouseCoopers, initiateur des LuxLeaks), Jack Dion (directeur adjoint de la rédaction de Marianne), Aurélie Filippetti (ancienne ministre socialiste), Bruno Gaccio (humoriste), Frédéric Gros (professeur à Sciences-Po Paris), Robert Guédiguian (cinéaste), Thomas Guénolé (politologue), Janette Habel (politologue), Cédric Herrou (néo-rural), Éva Joly (députée européenne EELV), Pierre Joxe (ancien ministre socialiste de l’Intérieur), Jul (dessinateur), Juliette (chanteuse), Cédric Klapisch (cinéaste), Aude Lancelin (journaliste), Dany Lang (maître de conférences en économie à l’Université Paris 13), L.E.J. (chanteuses), Philippe Lioret (cinéaste), Noël Mamère (ancien député Les Verts), Jean Massiet (youtubeur), Guillaume Meurice (humoriste), Giovanni Mirabassi (pianiste de jazz), Tania de Montaigne (écrivain), Arnaud Montebourg (ancien ministre socialiste), Gérard Mordillat (écrivain), François Morel (humoriste), Patrick Pelloux (médecin urgentiste), Édouard Perrin (journaliste), Philippe Poutou (candidat du NPA aux élections présidentielles de 2012 et 2017), Bruno Solo (acteur), Jean Teulé (écrivain), Usul (youtubeur), Jacques Weber (acteur), Martin Winckler (écrivain), Karl Zéro (réalisateur).
Les futurs téléspectateurs ont été appelés à prendre des parts et à devenir des « socios », mot emprunté au modèle économique des clubs de football espagnols. Mais la grogne a déjà commencé chez ces « socios » qui s’imaginaient, en ayant souscrit à un « titre de propriété » et en s’étant vu attribuer le titre de « patron du Média (sic) », avoir pris part à un organe de presse organisé en coopérative, se sont aperçus qu’il n’en était rien. Ces derniers ne sont en réalité que de simples « membres sociétaires » de l’association Le Média, elle-même n’étant propriétaire que d’une « partie » du Média dans une proportion que se sont bien gardés d’indiquer ses promoteurs, l’essentiel étant détenu par Mediascop, une société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU), dont l’unique associée est Sophia Chikirou. Et les « socios » ne sont pas au bout de leur peine puisque les statuts ont été verrouillés de sorte que seuls les « correspondants », c’est-à-dire « les socios » cooptés par le bureau des membres fondateurs composé de Sophia Chikirou et Gérard Miller, puissent siéger à l’assemblée générale. Pour cette levée de fonds, le fichier des adhérents de La France insoumise a été mis à contribution, comme le révèle Mediapart. Aussi, Gérard Miller a-t-il joué les émissaires afin de déminer le terrain auprès de la concurrence, proposant même une synergie avec Edwy Plenel (Mediapart), Serge Halimi (Le Monde diplomatique), Pascale Clark (BoxSons) et Daniel Schneidermann (Arrêt sur images).
Outre Gérard Miller pour le versant idéologique, trois autres personnalités pilotent le projet : Henri Poulain (sans rapport avec le collaborateur de Je suis partout), cofondateur de la société de production Story Circus, qui réalise des habillages pour l’audiovisuel public ou encore des publicités (Coca-Cola, Dior Addict, L’Oréal, etc.) ; Sébastien Vilgrain (né Jean-Sébastien Vilgrain), fondateur, avec l’aide de son père Jean-Louis Vilgrain, des Chaînes TV Interactives (LCTVI), émanation de la SOMDIAA, un important groupe agroalimentaire spécialisé dans la production et la transformation de sucre et de farine en Afrique, aujourd’hui dirigé par son frère, Alexandre Vilgrain, également Président du Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN) et membre du Club des Cent ; Aude Rossigneux, fille de Louis-Marie Horeau, rédacteur en chef du Canard enchaîné et de Brigitte Rossigneux, également journaliste au Canard enchaîné, nièce du magistrat Antoine Garapon, producteur à France Culture, codirecteur de la rédaction de la revue Esprit, elle a commencé sa carrière au Point, a été rédactrice en chef de l’émission Ripostes présentée par Serge Moati sur France 5, avant de rejoindre comme grand reporter le Parisien Magazine.
Bref, comme toujours avec Gérard Miller, les damnés de la terre sont les grands oubliés du projet et il ne fait aucun doute que Le Media ne sera pas dirigé contre la concentration capitalistique qui sévit dans la presse, mais bien contre les réprouvés de la « fachosphère » qui, faute d’accès aux pages « débats » du Monde, ont investi Internet depuis quinze ans au moins.
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