La détérioration de l’état de santé du président vénézuélien Hugo Chavez, qui a récemment subi une quatrième opération depuis la découverte de son cancer, incite à se pencher sur les perspectives d’évolution des relations entre ce pays latino-américain et la Russie – en prévision d’un éventuel départ du Comandante de la scène politique.
Chavez a déjà nommé son éventuel successeur et, en cas d’élection anticipée, il a invité la population à élire l’actuel vice-président et ministre des Affaires étrangères, Nicolas Maduro.
La situation actuelle au Venezuela
Quand on évoque l’ « avant-poste russe » en Amérique latine, on fait évidemment référence au Venezuela. Depuis l’arrivée au pouvoir d’Hugo Chavez en 1999, les relations entre Moscou et Caracas connaissent une évolution exponentielle dans tous les domaines, avant tout pétrolier et militaire.
Le Consortium pétrolier national (NNK) russe exploite actuellement au Venezuela le gisement Junin-6. Et le Venezuela devrait devenir le deuxième plus grand importateur d’armes russes derrière l’Inde avec 3,2 milliards de dollars en 2012-2015, selon les prévisions du Centre d’analyse du commerce mondial d’armes.
Chavez est connu comme un homme politique charismatique et enclin au populisme, soutenu avant tout par la population démunie de son pays. Son amitié avec la Russie se base toujours sur une opposition pas très amicale à la politique des Etats-Unis – ce qui n’empêche pas Caracas de vendre son pétrole aux USA.
Les risques pour les intérêts russes
La politique nationale et étrangère du Venezuela dépend de Chavez et de ses décisions, bien que le parlement du pays ne soit pas purement décoratif et que l’opposition représente une force tangible. À la dernière élection présidentielle notamment, le candidat de l’opposition, Capriles, a obtenu plus de 44 % des voix. Il existe même un terme spécifique au Venezuela pour déterminer la politique du pays sous son président actuel : le « chavisme ».
En ce sens, les changements éventuels au sommet du gouvernement pourraient comporter certains risques pour les intérêts russes : tout dépendra de l’élection et du vainqueur.
Chavez sera officiellement investi le 10 janvier prochain pour 2013-2019. Si, avant cette date, il renonçait à ses fonctions, une nouvelle élection serait organisée.
Sans l’ombre d’un doute, l’opposition vénézuélienne qui a recueilli pratiquement la moitié des voix en octobre profitera de l’occasion pour « achever » le régime actuel, en l’absence de son concurrent principal.
Les conséquences du départ de Chavez
Pour l’instant, on ne peut parler que de théorie car Chavez reste à son poste et son cursus de réhabilitation postopératoire n’est pas terminé. Cependant, il est déjà clair que si Maduro se retrouvait à la tête du pays, les chances de poursuivre la coopération avec la Russie seraient bien plus grandes qu’après une arrivée hypothétique de Capriles.
Quant aux livraisons d’armements russes, l’opposition les juge excessives. Toutefois, les projets prévus dans le secteur pétrolier ont peu de chances d’être revus : ils sont profitables économiquement au Venezuela, indépendamment du régime politique.
D’autre part, certains membres du NNK ont annoncé leur intention de revoir les perspectives de participation au projet vénézuélien Surgutneftegaz a déjà pris la décision de quitter Junin-6 et la presse a parlé de plans similaires chez TNK-BP.
Maduro restera-t-il loyal au « chavisme » ?
Maduro est en phase avec Chavez depuis les années 1990 et il n’a jamais donné la moindre raison de penser qu’il pourrait s’écarter de la politique du régime actuel. Cet ancien conducteur de bus et syndicaliste est connu pour avoir fait beaucoup d’efforts dans la lutte contre la Confédération des travailleurs du Venezuela – mouvement syndical qui refusait de se soumettre à Chavez.
Depuis cette époque, la carrière de Maduro a décollé : il est d’abord nommé ministre des Affaires étrangères puis vice-président. Comme Chavez, il est partisan du socialisme et beaucoup d’experts le considèrent même comme bien plus à gauche que le président actuel.
Cependant, la perspective de conservation du « chavisme », avec Maduro comme président, est très floue. Il n’a ni l’influence, ni le charisme, ni la science que détient Chavez pour prononcer des discours pendant des heures et fédérer le peuple.
Il ne faut certainement pas s’attendre à des changements politiques significatifs avec Maduro. Mais c’est une affaire très ingrate que de prédire quoi que ce soit en Amérique latine avec une conviction absolue avant un éventuel changement sur la scène politique.
L’histoire, dans cette région du monde, montre que les collaborateurs les plus proches sont souvent à l’origine des coups d’État et que l’armée, qui a prêté serment et juré sa fidélité au régime, le trahit.
Dmitri Znamenski