La venue (obligatoire) mais tellement attendue d’Emmanuel Macron au dîner du CRIF a été l’occasion d’un discours sur mesure où le maître élyséen a porté ses hôtes au pinacle... On retrouvera l’intégralité de ce morceau de bravoure sur le site de l’Élysée où chacun pourra le consulter : on ne reprochera pas au président de ne pas écrire ses discours lui-même en totalité, mais il ne serait pas inutile de rappeler aux nègres de service, pardon, aux porte-plumes élyséens, que la connaissance n’est pas l’apanage de Wikipédia...
Ceci permettrait d’éviter de voir recopiées des listes de rabbins – inconnus aujourd’hui de la plupart des juifs même des rabbins contemporains – dont la source majeure dans ce discours pourrait bien se retrouver sur ce site.
L’incontournable figure de Rachi de Troie (1040-1105) le premier et le plus grand commentateur de Talmud avant Maïmonide de Cordoue (1135-1204) aurait mérité un commentaire sur la communauté de Ramerupt (Aube) constituée autour de Rashbam, (1085-1158) exégète et tossafiste, fils de Yokhedev, fille de Rachi et de Meïr de Ramerupt, élève de Rachi : là ont pourtant été réalisés les premiers tossafot, gloses et commentaires de plus de 30 traités du Talmud, qui doublent le commentaire de Rachi. (Certains tossafot, qui sont imprimés dans les éditions courantes du Talmud, sont appelés tossefot chelanou. Dans les éditions classiques du Talmud, ils sont imprimés en miroir du commentaire de Rachi.)
Ces documents sont considérés comme la source du judaïsme ashkénaze dont le troisième frère de Rashbam, Jacob, est reconnu comme le premier dirigeant du judaïsme ashkénaze !
Une personnalité majeure, donc, qu’il eût été bon de ne pas oublier eu égard au caractère ultra-majoritaire et au rôle leader de cette communauté en Israël comme aux USA...
Mais au-delà de la fascination de l’auteur pour les rabbins de l’Yonne, ou de l’Aube, un minimum de recherches historiques aurait évité de faire paradoxalement l’impasse sur les centres majeurs d’implantations judaïques historiques des Gaules : Narbonne et Lyon sont à peine évoquées et Verdun ou Rouen sont carrément oubliées ! Volontairement ou par ignorance ? Telle est la vraie question… Ah les comptoirs …
Car l’arrivée des juifs sur ces territoires ne doit rien au hasard… mais tout au commerce pour les besoins duquel ils fondent des comptoirs :
Les juifs d’Occitanie ont suivi les voies romaines vers l’Espagne s’implantant notamment à Carpentras, Béziers et Narbonne ;
Les juifs de Lyon, de la Champagne puis de la Normandie sont issus de la communauté Rhadanite qui a suivi les voies romaines de la vallée du Rhône pour remonter jusqu’à Cologne et atteindre l’extrémité de la branche nord de la Route de la Soie…
(Comme ensuite pour atteindre la Seine vers l’ouest en direction de l’Angleterre…) On les qualifie de « spécialistes du commerce trans-eurasien » C’est là que Rouen (centre névralgique du commerce avec l’Angleterre – où la « maison sublime » construite vers 1100, au cœur de l’ancien quartier juif, considérée comme le plus ancien monument juif de France, peut-être d’Europe (?), va être restaurée) devait être citée, bien plus qu’Alençon ou Pont-Audemer...
C’est là aussi que Verdun, le plus grand carrefour commercial occidental du Haut Moyen Âge, et capitale commerciale juive devait être mentionnée...
Mais dans les deux cas, l’activité de la communauté juive y était orientée essentiellement vers une pratique particulière dont elle avait le monopole : la traite des esclavons (Saxons et Angles amenés depuis l’Angleterre, et Slaves venant de Russie) castrés par des médecins juifs avant expédition vers le califat de Cordoue. Une histoire rarement évoquée, décrite dans l’ouvrage incontournable Espaces et réseaux du Haut Moyen Âge de l’historien Maurice Lombard (professeur d’histoire médiévale à l’École Normale Supérieure et directeur à l’École Pratique des Hautes Études).
On comprend que devant l’assistance conviée par le CRIF, on ait « diplomatiquement oublié » d’en parler...