Info Oumma. Samedi dernier, la chaîne cryptée a diffusé une traduction mensongère de propos politiques tenus par des citoyennes tunisiennes. Démonstration.
Une prestigieuse agence de presse prise en flagrant délit de bidonnage : samedi 6 avril, l’émission L’effet papillon de Canal+ a diffusé un reportage produit par Capa TV et consacré à la condition féminine en Tunisie. Le sujet est centré autour de la figure d’Amina, jeune militante engagée au sein de la mouvance Femen.
Une séquence de la vidéo (à 5’) se déroule lors du forum social mondial organisé à Tunis du 26 au 30 mars.
On y découvre une assemblée composée de femmes en train de scander un slogan. Le sous-titre nous en donne alors cette traduction :
« Le peuple tunisien est un peuple libre ! Ni islamistes ni Qatar ! »
Problème : cette traduction est mensongère.
À la place du terme « islamistes », ces femmes entonnent, en réalité, le mot « Amérique ». (« La America » : « ni Amérique » en arabe). Rien à voir avec le mot désignant généralement les « islamistes » (« ikhwan », les « frères » en arabe).
Sollicitée sur cette anomalie, l’équipe de l’émission n’a pas donné de réponse. Est-ce le choix délibéré de Benoît Chaumont, auteur de reportage, de son superviseur à Capa, ou du traducteur arabisant ? Mystère.
Que faut-il en penser ? Visiblement, pour le responsable de cette manipulation, il est légitime de critiquer l’ingérence, dans les affaires souveraines d’un pays, du Qatar mais pas celle des États-Unis. Manifestée par la déformation d’un propos, cette indulgence à l’égard de Washington ne déplaira pas aux responsables de l’agence Capa : le PDG, Guillaume de Menthon, est l’ancien consultant d’une prestigieuse firme américaine d’audit financier tandis que le DG, Bernard Zekri, est lui-même un ex-producteur de rap new-yorkais qui a importé ce modèle économique en France. Quant à l’actionnaire principal de Capa, il s’agit de Fabrice Larue, richissime homme d’affaires proche de Nicolas Sarkozy et Jean-François Copé.
Enfin, il serait injuste d’oublier Victor Robert, présentateur de l’émission. Bien avant la récente mode (lancée par Patrick Cohen, Claude Askolovitch et Bruno Roger-Petit) consistant à fustiger Frédéric Taddeï pour le choix de ses invités, Victor Robert s’était déjà illustré sur le même créneau. C’était en 2009, quelques jours après le passage de Mathieu Kassovitz dans Ce soir ou jamais. Le cinéaste y faisait part de ses interrogations sur le 11-Septembre. Aucune théorie formulée, aucune accusation adressée – sans l’étayer – à l’encontre de l’administration Bush et du gouvernement israélien, bref : rien de scandaleux en soi. Et pourtant, Victor Robert a saisi l’occasion pour endosser l’habit de Torquemada face à Frédéric Taddeï, invité dans son émission. Moment hallucinant de télévision : digne de l’Inquisition, le premier demanda au second, à maintes reprises, de clarifier sa position personnelle à propos de la version officielle du 11-Septembre.
En 2007, l’animateur Karl Zero, ancien employé de Canal+ et de Capa, révélait (à 4’) que la célèbre agence de presse, fondée par l’ex-trotskyste Hervé Chabalier, « ne voulait pas faire de sujet sur ce thème ». Six ans plus tard, cette démission journalistique s’accompagne désormais d’une faute déontologique : la trahison de propos rapportés afin de ne pas ternir l’image de Washington.
Canal+, « la télé pas comme les autres » ?