Dans un raisonnement visant à justifier les bombardements occidentaux contre Damas, le médiatique philosophe a évoqué deux massacres aux « armes chimiques » en Bosnie. Problème ? Aucune arme chimique n’avait été utilisée dans ces attaques.
Comment décrédibiliser l’attitude consistant à réclamer des preuves de l’utilisation présumée d’armes chimiques par le gouvernement syrien le 7 avril à Douma, pour mieux légitimer les frappes de la coalition occidentale (États-Unis, France et Royaume-Uni) qui s’en sont suivies ? C’est la question philosophique que s’est posée l’écrivain, éditeur et chroniqueur Bernard-Henri Lévy, aussi surnommé « BHL ».
Partisan de la guerre en Irak en 2003, en Libye en 2011, puis d’une intervention militaire en Syrie, il n’a jamais caché son enthousiasme après les frappes du 14 avril contre Damas. Et pour plaider sa cause devant les médias, il n’a pas hésité à recourir à... une fake news, remarquée par l’outil de vérification des faits de l’agence AFP le 29 avril.
Invité de C à vous sur France 5, le 10 avril, Bernard-Henri Lévy répondait au journaliste Patrick Cohen, qui lui demandait : « Que répondre à ces révisionnistes en temps réel qui disent qu’il n’y a pas de preuves [d’attaques chimiques à Douma] et que Bachar el-Assad n’a pas d’intérêt à gazer les civils puisqu’il a gagné la partie militaire autour de Damas et dans la Ghouta ? »
BHL argumente alors, dressant un parallèle avec la guerre de Bosnie-Herzégovine (entre 1992 et 1995) : « Mais ils [les « révisionnistes »] disent toujours ça ! Je me rappelle en Bosnie, à Sarajevo, quand les Serbes envoyaient des armes chimiques sur le marché de Markala ou quand ils envoyaient simplement des obus, on disait [...] ce sont les Bosniaques qui se les sont tirés eux-mêmes. »
Problème dans le raisonnement du philosophe : aucun des deux massacres évoqués, ceux du marché du Markala du 5 février 1994 et du 28 août 1995, n’a été décrit par les enquêtes internationales comme ayant été d’origine chimique. Interrogé par l’AFP, Rusmir Smajilhodzic, journaliste de l’agence à Sarajevo, atteste également que « jamais une attaque chimique n’a été évoquée : ni à l’époque des faits, ni par la suite par des experts ou devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) ».
Une fake news bientôt passible de sanctions ?
À l’heure où le gouvernement a fait une priorité de la lutte contre l’utilisation de fausses informations comme outil de propagande, le recours par Bernard Henri-Lévy à une fake news pour promouvoir les bombardements occidentaux contre la Syrie, sera-t-il bientôt passible d’une sanction juridique ?