Qu’est-ce que le judéo-nazisme ?
Un article de Youssef Hindi en exclusivité pour le site E&R
Sommaire
- Moscou brise un tabou
- Le judéo-nazisme en Ukraine
- Judéo-nazisme idéologique : des origines communes ?
- Judaïsme et nazisme : correspondances eschatologiques et opposition dialectique
- Judéo-nazisme historique
- Judéo-nazisme d’opportunisme
*
Le 27 février dernier, trois jours après l’offensive russe en Ukraine, nous qualifiions le régime de Kiev de judéo-nazi.
« Judéo-nazi » est un néologisme dont la paternité revient, comme nous l’avons indiqué dans notre tweet, au très respecté (en Israël) philosophe israélien Yeshayahou Leibowitz (1903-1994). Évoquant à l’époque les territoires palestiniens occupés où « nous employons la torture. La torture ! Nous l’employons en vertu de l’autorisation qui nous a été donnée par la créature qui, il y a encore trois ans était président de la Cour suprême de l’État d’Israël (NDA : Moshe Landau, de 1980 à 1982). Un personnage qui, en pratique, est plus important que le président de l’État ou le Premier ministre et qui a expressément légalisé l’usage de la torture pour faire parler les prisonniers arabes. Voilà ce que j’entends par judéo-nazi. Il y a des judéo-nazis. Les judéo-nazis existent. Je constate un fait. Si j’élève la voix c’est que des gens l’ignorent encore. »
L’alliance, en Ukraine, d’oligarques juifs et de néo-nazis n’est une surprise que pour ceux qui ont découvert en 2022 l’existence du conflit qui perdure dans le Donbass depuis le coup d’État otanien de 2014 à Kiev.
L’association des mots « juif » et « nazi » est une violation d’un tabou. Nous avons pu le vérifier à la suite de notre tweet. Mais cet interdit a été en quelque sorte levé officiellement par la première puissance nucléaire mondiale, la Russie, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov.
Moscou brise un tabou
Le président ukrainien Zelensky nie la composante néo-nazie du régime de Kiev, mettant un avant sa judéité, qui serait incompatible avec ce néo-nazisme :
« Quel genre de nazification avons-nous si je suis moi-même juif ? »
Ce à quoi le chef de la diplomatie russe a répondu le 1er mai dernier :
« Si je me souviens bien – mais je peux me tromper – mais Hitler avait aussi du sang juif, donc cela ne signifie absolument rien du tout ».
Israël a immédiatement condamné les propos de Sergueï Lavrov, exigeant des excuses. « Les remarques de Lavrov sont impardonnables et scandaleuses », a déclaré le ministre israélien des Affaires étrangères Yair Lapid, évoquant une « inversion de l’Holocauste ». Et d’ajouter que « le niveau le plus bas de racisme est d’accuser les juifs eux-mêmes d’antisémitisme ».
Bien loin de s’excuser, Moscou a accusé Israël de soutenir « le régime néo-nazi de Kiev ».
Le ministère russe des Affaires étrangères a ainsi tweeté le 3 mai dernier :
« Les déclarations anti-historiques du ministre israélien des Affaires étrangères ont été mises en évidence. @yairlapid
L’orientation actuelle du gouvernement israélien, qui soutient le régime néo nazi de Kiev, s’explique en grande partie par ces déclarations.
Sur la question de savoir s’il y a vraiment des néo-nazis en Ukraine : https://telegra.ph/Ob-antisemitizme... [1]
Le lien qui accompagne ce tweet renvoie à un texte de réponse à Israël produit par Moscou dans lequel il est rappelé notamment que « l’histoire, malheureusement, connaît des exemples tragiques de Juifs ayant collaboré avec les nazis. En Pologne et dans d’autres pays d’Europe de l’Est, les Allemands ont nommé des industriels juifs à la tête de ghettos et de conseils juifs ("Judenrat"), dont certains se sont illustrés par des actes absolument monstrueux. À Varsovie, Jakub Leikin espionnait les Juifs et rapportait tout à l’administration d’occupation allemande, condamnant ses compatriotes à une mort certaine et parfois douloureuse ; tandis que Chaim Rumkowski proposait aux Juifs de Lodz de livrer leurs enfants aux nazis en échange de la vie des adultes du ghetto – les témoins de ses propos sont nombreux. On ne peut qu’être d’accord avec H. Dreyfus, professeur d’histoire à l’université de Tel-Aviv, pour dire que la complicité des Juifs dans l’Holocauste est un "phénomène marginal" (mais pas tabou et qui fait l’objet de recherches). Entre-temps, la tragédie historique réside dans le fait que si, pendant la Seconde Guerre mondiale, certains Juifs ont pris part aux crimes involontairement, Zelensky le fait délibérément et volontairement. Il se cache lui-même derrière ses origines et couvre ainsi les néo-nazis, les héritiers spirituels et sanguins des bourreaux de son peuple.
Les origines juives du président ne sont pas une garantie de protection contre le néo-nazisme rampant dans le pays. L’Ukraine, d’ailleurs, n’est pas le seul pays de ce type à l’heure actuelle. Le président letton Levits a également des racines juives. Et lui aussi couvre "avec succès" la réhabilitation de la Waffen SS dans son pays… »
Le judéo-nazisme en Ukraine
L’actuel président ukrainien, Volodomyr Zelensky, ancien comédien, a été placé au pouvoir par le milliardaire juif ukrainien Igor Kolomoïski (détenteur des nationalités ukrainienne, israélienne et chypriote), qui a financé les bataillons et groupes armés néo-nazis d’Ukraine (les bataillons Azov, Aidar, Donbass, Dnipro 1, Dnepr 2) au service de l’OTAN. Kolomoïski a occupé le poste de gouverneur de l’oblast de Dnipropetrovsk de mars 2014 à mars 2015. Anti-russe notoire, Kolomoïski proposait d’offrir 730 000 euros à celui qui assassinerait Oleg Tsarev, ancien député pro-russe et nouveau président du Parlement de l’Union des républiques populaires autoproclamées indépendantes de l’Ukraine. [2]
Kolomoïski fait l’objet de poursuites par le Comité d’enquête russe pour « organisation de meurtres, de recours à des moyens et méthodes de guerre illégaux ». Un mandat d’arrêt international a été demandé par la Russie, mais celui-ci a été refusé par Interpol. [3]
Igor Kolomoïski, qui vit maintenant en Israël, est un pilier important du judaïsme politique. Il est un soutien de la communauté juive d’Ukraine [4] et le président de la Communauté juive unie d’Ukraine [5]. En 2010, il a été nommé président du Conseil européen des communautés juives [6], conseil adhérant au Congrès juif européen.
Avec un autre milliardaire juif ukrainien, Vadim Rabinovitch, Kolomoïki fonde L’Union juive européenne qui deviendra le Parlement juif européen, qu’il présidera dès sa fondation en novembre 2011 et pendant cinq ans. [7]
Les organisations juives américaines, toujours à chercher et à dénoncer des antisémites, ont protégé les bataillons nazis d’Ukraine. Les États-Unis ont officiellement soutenu les bataillons néo-nazis ukrainiens. En 2014, puis en juin 2016, le sénateur américain John Conyers (avec deux autres sénateurs) a proposé un amendement bipartisan au budget militaire pour interdire toute assistance ou armement au régiment Azov. L’amendement a été retiré pendant son examen à la Chambre des représentants. Le sénateur Conyers le réintègre en fin de texte pour son passage au Sénat :
« Aucun des fonds rendus disponibles par cette loi ne peut être utilisé pour fournir des armes, un entraînement ou une autre assistance au bataillon Azov. » [8]
Cet amendement a été finalement rejeté du texte final du budget militaire à la demande du Pentagone et d’organisations juives américaines, à savoir l’Anti-Defamation League (ADL) et le centre Simon-Wiesenthal. Ces deux puissantes organisations ont justifié leur soutien aux organisations néo-nazis comme Svoboda au motif que « l’accent devrait être mis sur la Russie » (dixit un lobbyiste de ADL). L’autre raison, avancée par le centre Simon-Wiesenthal, est la suivante : des représentants de l’extrême droite ukrainienne ont participé à des réunions avec l’ambassade israélienne, ce qui constituerait la preuve qu’ils avaient remisé leur extrémisme. [9]
En outre, depuis la révolution de Maïdan en février 2014, de nombreux postes ministériels ont été occupé par des juifs ukrainiens. D’ailleurs, quelques semaines après le début de la guerre civile, Israël s’apprêtait à livrer des armes au régime de Kiev. Poutine avait alors mis en garde l’État hébreu. [10]
Le 4 mai 2022, la diplomatie russe déclare que des « mercenaires israéliens » combattent en Ukraine aux côté du régiment néo-nazi Azov. Cela est confirmé par des documents vidéos où l’on voit ces mercenaires parlant hébreux aux côté de combattants ukrainiens néo-nazis. [11]
« Je vais dire quelque chose que les politiciens israéliens ne veulent sans doute pas entendre, mais peut-être que cela les intéressera. En Ukraine, des mercenaires israéliens sont aux côtés des militants d’Azov », a déclaré la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova dans une interview à la radio Spoutnik.
Moscou a ouvertement accusé Israël de « soutenir le régime néo-nazi de Kiev ». [12]
Judéo-nazisme idéologique : des origines communes ?
Le bibliste Jean Soler (1933-2019), qui a longtemps travaillé en Israël (il a été conseiller culturel et scientifique à l’ambassade de France en Israël de 1968 à 1973, et de 1989 à 1993) défend la thèses osée d’une paternité idéologique juive du nazisme :
« Si le communisme selon le "Manifeste" est le modèle hébraïque auquel il ne manque que Dieu, j’ajouterai, au risque de passer pour un "antisémite notoire", que le nazisme selon Mein Kampf (1924) est le modèle hébraïque auquel il ne manque même pas Dieu…
Hitler n’a jamais nié que Dieu ait fait des Juifs, dans l’Antiquité, son "peuple élu". Sa thèse est que les Juifs ont failli à leur mission en condamnant à mort Jésus [...] Mais Dieu a choisi un autre peuple, celui des Allemands (des Germains, fine fleur des Aryens) pour être désormais son nouveau "peuple élu". Avec Hitler pour "guide". Comme l’avait été Moïse.
Le Führer emprunte à l’idéologie biblique la valeur suprême accordée à la "pureté", ce qui entraîne la prohibition des mélanges, des mélanges ethniques avant tout [...]
Deux ans après son arrivée au pouvoir, Hitler promulgue les "lois de Nuremberg" (1935), dont la première est ainsi libellée : "1 – Les mariages entre Juifs et citoyens allemands ou de sang voisin sont interdits."
Hitler reprend aussi au modèle hébraïque la conviction, étrangère aux Grecs, qu’une doctrine assurée de devenir la vérité doit refuser de se confronter à d’autres doctrines ou de cohabiter avec elles…
Il décrit "le Juif" et "l’Allemand" comme des frères ennemis engagés dans une rivalité qui ne pourra connaître qu’un vainqueur. »
En effet, Hitler a ainsi écrit :
« Le Juif est en toutes choses le contraire de l’Allemand et il lui est cependant apparenté au point qu’on pourrait les prendre pour deux frères… Quelle lutte s’engage entre eux et nous ! L’enjeu est tout simplement la destinée du monde…
Il ne peut y avoir deux peuples élus. Nous sommes, nous, le peuple de Dieu… Deux mondes s’affrontent, l’homme de Dieu et l’homme de Satan. » [13]
Et Jean Soler de commenter :
« Hitler opère un renversement des pôles opposés. Il retourne contre elle l’idéologie venue de Jérusalem. » [14]
En 2012, Michel Onfray s’est fait le promoteur des travaux de Soler. Le grand rabbin de France, Haïm Korsia, l’a alors rappelé à l’ordre dans un texte titré « Jean Soler ou les démons de Michel Onfray » [15] publié dans L’Express le 26 juin 2012. Le philosophe libertaire s’est couché, à fait amende honorable en Israël, puis s’est tourné contre l’ennemi désigné de l’État hébreu, l’islam, dont il a fait son fond de commerce. [16] Depuis, Onfray, comme d’autres, a rejoint Zemmour sur la ligne likoudnik anti-islam.
Judaïsme et nazisme :
correspondances eschatologiques et opposition dialectique
Nous pourrions également interpréter l’antisémitisme nazi comme une réaction, ou une conséquence de la tension montante entre les Allemands et les juifs d’Allemagne à partir du XIXe siècle. Un tournant est marqué par Heinrich Graetz, historien juif allemand qui fait paraître dans les années 1850 un ouvrage sur l’histoire des juifs, L’Histoire des juifs depuis les temps anciens jusqu’à nos jours [17], qui eu un succès majeur et fut traduit en plusieurs langues. Son ouvrage fut utilisé au siècle suivant par les colons sionistes et encore aujourd’hui il est une référence majeure dans les livres portant sur l’histoire du peuple juif. C’est par ailleurs Graetz qui laïcise le concept biblique de peuple-race juif.
Pour ceux qui sont étrangers au racisme de la Bible hébraïque, voici quelques extraits de la Torah :
« Si Yahvé vous a préférés, vous a distingués, ce n’est pas que vous soyez plus nombreux que les autres peuples, car vous êtes le moindre de tous, c’est parce que Yahvé vous aime... » (Deutéronome 7:7-8)
« L’étranger, tu peux le contraindre (à rembourser) ; mais ce que ton frère aura à toi, que ta main l’abandonne. » (Deutéronome 15:3)
« Tu anéantiras donc tous les peuples que te livre Yahvé, ton Dieu, sans laisser ton œil s’attendrir sur eux. » (Deutéronome 7:16) [18]
Graetz postule dans son ouvrage une continuité historique et raciale du peuple juif afin de créer un lien entre toutes les communautés juives. Il défend l’idée que les juifs constituent un seul et même peuple, une seule et même race dont l’ascendance exclusive remonte aux anciens Hébreux.
Il y a une antériorité juive de la théorie racialiste de la nation dont la paternité est souvent attribuée aux Allemands. Le nationalisme racial de Graetz a 70 ans d’avance sur celui d’Hitler. Graetz défend l’idée proprement biblique que le peuple juif est supérieur aux peuples au milieu desquels il vit, et qu’il ne devait à aucun prix s’assimiler à eux, sous peine d’en être souillé, s’appuyant en cela sur la Torah, laquelle illustre abondamment cette position ultra-différentialiste. L’arrogance haineuse de Graetz envers les non-juifs provoque l’agacement de l’historien allemand Heinrich von Treitschke qui fit face au racisme et au séparatisme de Graetz, allant jusqu’à proposer à Graetz de créer un État juif hors du territoire germanique. Graetz, pour qui la création d’un État juif devait sembler irréalisable à l’époque, acculé, fuit devant les arguments de Treitschke [19]. Graetz entendait par conséquent maintenir et renforcer le séparatisme juif sur le territoire allemand.
Outre la piste hébraïque, exploitée par Jean Soler pour tenter d’y trouver une origine au nazisme, l’on peut chercher une filiation judéo-protestante au millénarisme nazi.
En effet, dans l’eschatologie nazie il est question de la dernière des grandes guerres, une guerre idéologique et raciale, une guerre eschatologique contre les « judéo-bolchéviques » dont la victoire du camp nazi mènerait à l’avènement d’une paix millénaire, le « Reich de mille ans ». On retrouve là l’idée de la fin de l’Histoire, propre au messianisme. Une histoire non de lutte des classes, mais de lutte des races qui verrait son point final avec le triomphe de la race aryenne.
Cela correspond au discours hitlérien avant 1943. Cette eschatologie triomphaliste du nazisme apparaît quand Hitler, à la tribune du Reichstag, annonce, dès janvier 1939, que la guerre à venir verra « non pas la victoire de la juiverie et la bolchevisation de la Terre, mais l’extermination de la race juive en Europe ». [20]
Mais après quatre années de guerre, à l’occasion de la célébration de sa onzième année au pouvoir, Adolf Hitler tient un discours apocalyptique sur l’éventualité d’une défaite de l’Allemagne nazie :
« Si l’Allemagne ne gagnait pas cette guerre, le sort des États européens à l’Est en serait scellé et l’Ouest suivrait rapidement. Dix ans plus tard, le plus ancien continent de culture serait méconnaissable, les acquis de deux mille cinq cents ans d’évolution intellectuelle et matérielle seraient détruits et les peuples, tout comme leurs dirigeants, artistes et savants, seraient en train de crever dans des forêts ou des marais de Sibérie, si toutefois on ne leur avait pas déjà mis une balle dans la tête. Le juif éternel, ce ferment de destruction, célébrerait son second Purim triomphal sur les ruines d’une Europe dévastée ? » [21]
Purim est une fête juive dont on trouve l’origine dans un livre de la Bible hébraïque, le livre d’Esther. Cette fête célèbre la prise de pouvoir en Perse d’Esther et Mardochée et le massacre de 75 000 Perses ordonné par Esther, devenue reine, et son père adoptif Marochée, devenu vizir à place du vizir. [22]
Que ce soit dans sa version victorieuse ou défaitiste, le discours eschatologique du nazisme est le miroir de ce qui est promis au peuple hébreu dans la Bible hébraïque, à savoir la victoire raciale sur les autres peuples réduits en esclavage :
« Lève-toi, resplendis, car ta lumière est venue, et la gloire de Yahvé rayonne sur toi (Israël). Oui, tandis que les ténèbres couvrent la terre et une sombre brume les nations, sur toi Yahvé rayonne, sur toi sa gloire apparaît. Et les peuples marcheront à ta lumière, les rois à l’éclat de ton aurore. Lève tes yeux à l’entour et regarde ! Les voilà qui s’assemblent tous et viennent à toi : tes fils arrivent de loin, avec tes filles qu’on porte sur les bras.
À cette vue, tu seras radieuse, ton cœur battra d’émotion et se dilatera, car les richesses de l’océan se dirigeront vers toi, et l’opulence des peuples te sera ramenée...
Et les fils de l’étranger bâtiront tes murailles, et leurs rois te serviront... Car le peuple, la dynastie qui refusera de te servir, périra ; ce peuple-là sera voué à la ruine...
Et tu suceras le lait des peuples et tu boiras à la mamelle des souverains » (Ésaïe 60, 1-17)
« Des gens du dehors seront là pour paître vos troupeaux ; des fils d’étrangers seront vos laboureurs et vos vignerons. Et vous, vous serez appelés prêtres de Yahvé, on vous nommera ministres de notre Dieu. Vous jouirez de la richesse des nations et vous tirerez gloire de leur splendeur. » (Ésaïe 61, 5-6)
La prégnance du millénarisme et de l’eschatologie judéo-protestante dans l’Allemagne nazie s’explique sans grande difficulté.
La réforme luthérienne, intrinsèquement inégalitaire (sur le plan social, et qui s’est traduit par l’écrasement de la révolte des paysans encouragée par Martin Luther), est née au XVIe siècle et s’est épanouie dans l’espace germanique où le tempérament inégalitaire est fortement et anthropologiquement ancré.
La réforme protestante se répand de Wittenberg à Strasbourg, de Bâle à Lubeck, mais elle échoue à Cologne (à l’Est, sur l’axe médian de l’Allemagne) ou à Bamberg (moitié Sud de l’Allemagne), restées catholiques. En résumé, la carte du Saint Empire romain germanique laisse entrevoir une division territoriale entre un Nord gagné par la réforme, et un Sud resté catholique, autour de la Bavière et de l’Autriche. [23]
Au XVIIe siècle va émerger le messianisme millénariste protestant proche des milieux juifs. Les représentants de ce courant écriront sur leur impatience de voir les promesses eschatologiques faites aux juifs se réaliser. Nous pouvons mentionner parmi ces protestants Paul Felgenhauer (1593-1677) et Johannes Mochinger de Dantzig (1603-1652), qui écrivit ceci au rabbin Menasseh ben Israël :
« Sache que j’approuve et respecte vos doctrines religieuses et que je forme le souhait, avec certains de mes coreligionnaires, qu’Israël soit enfin éclairé de la vraie lumière et retrouve son ancienne gloire et son ancien salut. »
Ou encore Abraham de Frankenberg (1593-1652) qui écrit au même rabbin :
« La vraie lumière émanera des Juifs ; leur temps est proche. Chaque jour on apprendra de différentes régions les miracles opérés en leur faveur. » [24]
Ce messianisme judéo-protestant va s’implanter dans l’Allemagne du Nord, en Hollande, mais aussi en Angleterre.
Lorsque l’on jette un œil sur la carte électorale de l’Allemagne lors des élections législatives qui portent Adolf Hitler au pouvoir en 1933, il apparaît clairement que le Parti national-socialiste (NSDAP) a fait les plus gros scores dans l’Allemagne du Nord, les régions protestantes inégalitaires. Et il fait ses scores les plus bas dans les régions catholiques.
Or, le nazisme a triomphé après l’effondrement de la croyance protestante ; ceci ne signifie pas que les valeurs et les idées du protestantisme se sont dissoutes. Nous l’avons vu, l’inégalitarisme germano-protestant et le millénarisme messianique judéo-protestant n’ont pas disparus avec le protestantisme, ils se sont laïcisés et ont perduré (à travers le nazisme), comme nombre d’idées religieuses qui ont traversées l’époque moderne. [25]
Judéo-nazisme historique
Dans un précédent article [26], nous avons traité des rapports étroits qu’entretenaient les organisations juives et sionistes avec l’Allemagne nazie et le régime collaborationniste de Vichy. Il est opportun de revenir ici sur cette histoire qui éclaire le présent et détruit les mythes sur lesquels s’appuient l’État d’Israël qui s’offusquent des déclarations des autorités russes.
L’Union générale des israélites de France (UGIF) – un établissement public autonome doté d’une personnalité civile – voit le jour le 29 novembre 1941. Cette organisation israélite joua un rôle important dans l’arrestation de juifs étrangers vivant en France. L’UGIF, qui avait voulu à tout prix garder le contrôle des enfants juifs, « alors qu’il aurait été plus prudent de les confier à des familles non juives, a eu de très fâcheuses conséquences, puisque les dirigeants de l’UGIF avaient été amenés, sous la contrainte, à remettre aux Allemands les listes des enfants qui avaient été regroupés dans des maisons ou foyers. Mais la responsabilité en incombe aux autorités rabbiniques et consistoriales qui craignaient de voir ces enfants, issus de familles incroyantes ou non pratiquantes, donc très malléables, catéchisés par des familles d’accueil catholiques ou protestantes. Il convenait donc de les regrouper et de les rejudaïser par un enseignement approprié. Les Allemands ne pouvaient que s’en féliciter, d’autant que les responsables de l’UGIF n’hésitaient pas à faire rechercher les enfants qui avaient été confiés à des familles chrétiennes. Pis encore, lorsque les services antijuifs de la Gestapo prirent la décision de déporter des enfants regroupés par l’UGIF, ce furent parfois des employés de cet organisme qui se chargèrent de les accompagner jusqu’à Drancy.
Les enfants ne furent pas les seules victimes. À Marseille, si l’on en croit les journaux de la Résistance juive, la Gestapo se serait fait remettre par la direction de l’UGIF les adresses de tous les Juifs assistés de la ville, lesquels, après avoir été convoqués individuellement, auraient été purement et simplement arrêtés. » [27]
Ainsi, l’on pouvait lire dans un de ces journaux, Notre voix [28] (numéro du 14 février 1944) :
« L’UGIF a désarmé moralement les masses juives de France, elle leur a fait croire que l’on pouvait défendre la vie et les biens juifs tout en restant sur le plan de la légalité. Elle a déshonoré les Juifs de France par une collaboration avec l’ennemi le plus sanguinaire que le peuple juif ait jamais connu. »
Lors du procès Touvier, en avril 1944, l’ancien résistant Jean Ebstein-Langevin a raconté comment dix-huit dirigeants de l’UGIF « avaient négocié à Lyon, avec Klaus Barbie, la protection des Juifs français, en livrant au même Barbie une liste, dressée par eux, de Juifs étrangers. » [29]
Dans le camps de Drancy, l’administration interne était confiée à certains détenus juifs, de préférences anciens combattants. Robert Blum, le plus ancien dans le grade le plus élevé, était devenu une sorte de kapo en chef, signant ses notes de service du titre de « commandant le camp de Drancy ». [30]
Parmi les cadres désignés du camps on trouve le docteur Abraham Drucker, le père de Michel Drucker, devenu médecin-chef, tandis que la police intérieure était confiée à René Dreyfus.
Outre la gestion du camp, « des missions extérieures » étaient confiées à un juif viennois, Oscar Reich, assisté d’un autre juif autrichien, Wulfstadt, dit Samson. Ce bureau, comptant quarante personnes, était chargé de traquer des juifs dans Paris. Tous volontaires. La mission consistait à repérer des juifs étrangers dans les rues de Paris. L’un des volontaires, un certain Lévy, utilisait un stratagème :
« J’avais une cigarette et je demandais du feu à tous ceux que je rencontrais et qui me paraissaient Juifs. Je leur posais la question en yiddish, ost fayer ? Si ce n’était pas un Juif, l’homme ne comprenait évidemment pas, mais si c’était un Juif de l’Est, celui-ci me donnait du feu et il était immédiatement embarqué par Bruckler, Reich et Samson qui suivaient derrière. » [31]
À cela s’ajoutaient des visites domiciliaires à des adresses données par des détenus du camp. Pour le seul mois d’août 1943, vingt-deux « missionnaires » auraient effectué 570 visites à domicile qui se seraient soldées par soixante-treize arrestations.
Georges Wellers, l’un des dirigeants du Centre de documentation juive contemporaine, accuse ainsi Robert Blum (le kapo en chef du camp de Drancy) :
« En obéissant à des ordres ignobles et criminels, les interprètes et le chef détenu du camp ne risquaient que leur propre déportation. Cependant, par lâcheté et par égoïsme, ils transmettaient et exécutaient les directives allemandes, ils désignaient eux-mêmes les "missionnaires". » [32]
Quant à Abraham Drucker, il accompagna des officiers SS et quelques physionomistes sur la Côte d’Azur. Le père de Michel Drucker et les physionomistes étaient chargés de repérer leurs coreligionnaires et, en cas de doute, de vérifier, sous les porches des immeubles, si les hommes interpellés étaient circoncis ou non. Ainsi, plus de 2 000 juifs auraient été arrêtés à Nice et transférés à Drancy entre le 28 septembre 1943 et le 12 janvier 1944. [33]
Les organisations juives sionistes collaboraient elles aussi activement avec les nazis et le régime de Vichy. Kadmi Cohen, un des premiers collaborateurs de Theodor Herzl, fit partie de ces juifs en relation avec l’Allemagne nazie et proches du gouvernement de Pétain. En novembre 1936, Chaïm Weizmann (président de l’organisation sioniste mondiale de 1920 à 1931 et de 1935 à 1946, président de l’agence juive en 1929, et premier président de l’État d’Israël en 1948) nomme Kadmi Cohen conseiller politique de la présidence de l’Organisation sioniste mondiale.
Dès l’arrive de Kadmi Cohen à Paris en 1940, le chef de la section antijuive de la SIPO-SD, Dannecker, qui comptait sur sa collaboration, vint lui rendre visite.
« Après la création du Commissariat général aux Questions juives, fin mars 1941, Kadmi Cohen fut associé par son confrère du barreau de Paris Félix Colmet-Dâage, devenu l’un des conseillers juridiques de Xavier Vallat, à l’élaboration du second statut des Juifs, promulgué le 2 juin 1941. » [34]
Kadmi Cohen rencontrait régulièrement le Commissaire général aux Questions juives, Xavier Vallat. Lorsque Vallat fut remplacé par Louis Darquier de Pellepoix, le 6 mai 1942, Kadmi Cohen entra en contact avec lui. [35] En 1943, le chef de cabinet du maréchal Pétain, André Lavagne, avait déjà rencontré deux fois Kadmi Cohen. Le projet de Kadmi Cohen, dans la droite ligne du sionisme international, était d’envoyer en Palestine un maximum de juifs. Les dirigeants de Vichy étaient intéressés par ce projet sioniste qui était tout à fait compatible, sur le papier, avec le projet nazi d’une Allemagne, voire d’une Europe, judenfrei, « débarrassée des juifs ».
En effet, les juifs sionistes d’Allemagne collaboraient avec le IIIe Reich, et leur chef, Georg Kareski, président de la communauté juive berlinoise, fondateur en 1934 de la Staatzionistische Organisation (Organisation sioniste d’État), avait même accordé un entretien à Der Angriff, le quotidien de Goebbels, pour proclamer son approbation des lois de Nuremberg. [36]
Le 28 juin 1943, Kadmi Cohen s’adressa directement au maréchal Pétain [37] pour lui dire que la politique actuelle à l’égard des Juifs ne pouvait que susciter un désir de vengeance, une fois la guerre terminée. Cette politique ne s’imposait pas, lui dit-il. Ni les autres pays vaincus (la Belgique, les Pays-Bas, la Yougoslavie ou la Grèce) ni les alliés de l’Allemagne (la Finlande, l’Italie ou la Hongrie) n’avaient adopté officiellement un antisémitisme actif. Mais, ajoutait Cohen, le « danger juif » était bien une réalité et subsisterait après la guerre. C’est pourquoi il convenait d’orienter « le dynamisme juif dans le sens du nationalisme juif en laissant s’organiser le mouvement Massada (NDA : fondé par Kadmi Cohen) qui, précisément, se proposait de restaurer la dignité du judaïsme et d’opérer sa concentration dans un État juif. » [38]
Mais lorsqu’il s’adressait aux autorités allemandes, Kadmi Cohen adoptait un autre discours. Dans une lettre adressée au Dr Peter Klassen de la section d’informations (Informations-Abteilung) de l’ambassade d’Allemagne, en janvier 1943, Kadmi Cohen expliquait qu’un « antisémitisme positif, constructif » encouragerait les Juifs européens à opérer la rupture nécessaire avec l’assimilation. [39]
Les juifs sionistes révisionnistes du groupe Stern avait proposé aux Allemands, en janvier 1941, une alliance militaire. Yitzhak Schamir, futur Premier ministre d’Israël, était l’un des dirigeants du groupe Stern. Le memorandum remis au diplomate allemand Otto von Hentig développait les arguments qui allaient être repris par Kadmi Cohen :
« L’établissement de l’État juif sur des bases nationales et totalitaires, et associé par traité avec le Reich Allemand, contribuerait au maintien et au renforcement de la présence allemande au Proche-Orient. » [40]
La diplomatie allemande n’avait pas donné suite.
À Vichy, en mars 1943, le chef de cabinet de Pétain, André Lavagne, aida discrètement Kadmi Cohen à imprimer le programme du mouvement Massada « sous une forme rudimentaire qui devait laisser croire à une publication clandestine, car, bien évidemment, les autorités françaises ne pouvaient pas cautionner ouvertement une telle entreprise, et Cohen lui-même, qui entendait conserver sa liberté de manœuvre, ne le souhaitait pas. » [41]
Judéo-nazisme d’opportunisme
De l’antisémitisme au philosémitisme, et inversement, il n’y a qu’un pas. Ce pas est franchi en fonction du contexte, du sens du vent et des intérêts bien sentis de certains. Nous l’avons vu durant la Seconde Guerre mondiale, pendant l’occupation.
L’historien israélien Simon Epstein a identifié ces philosémites devenus antisémites du jour au lendemain, durant la collaboration. Se basant sur ses travaux, Xavier Moreau cite deux exemples :
« L’un est une figure de la SFIO, Marcel Déat, l’autre du parti communiste, Jacques Doriot. Marcel Déat est avant la guerre un cadre en vue de la SFIO. Proche des organismes de lutte contre l’antisémitisme dont la LICA, il prend la parole dans des rassemblements antiracistes et anti-nazis. Il est membre du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes. En novembre 1935, il participe à une réunion publique de dénonciation des lois de Nuremberg : "Nous sommes, nous, un peuple de métis … La nation, pour nous, ne sera jamais dressée dans un mouvement unanime. Nous ne ferons jamais dans ce pays, des défilés de millions d’hommes, vêtus de la même manière, marchant de la même manière et faisant semblant de penser de la même façon, en répétant les mêmes formules." C’est sans doute son pacifisme qui le fait basculer dans la collaboration. Il refuse de "mourir pour Dantzig" mais soutiendra l’incorporation de jeunes Français dans la LVF [42] qui les envoie mourir pour Berlin. Soutien de Laval, à la fin de l’année 1940, il attaque le gouvernement de Vichy auquel il reproche de ne pas se lancer dans une collaboration plus active. Il crée en 1941 le Rassemblement national populaire, qui siège désormais dans les anciens locaux de la LICA. Vis-à-vis des juifs, son ton a totalement changé ; il dénonce les "Juifs bellicistes" de 1939 :"‘On a vu les Juifs riches aller sabler le champagne dans les grands restaurants, on a vu les Juifs pouilleux se mettre à danser sur les places publiques. C’était leur guerre qui venait d’éclater." Il finit par être ministre du Travail en mars 1944. » [43]
Jacques Doriot passe du communisme, de l’antifascisme, à l’antisémitisme virulent :
« Le Juif a voulu la guerre. Qu’il la paie de son argent, de sa personne, qu’il pleure des larmes de sang pour apprendre ce qu’il en coûte de martyriser un peuple qui ne lui demandait rien. » [44]
Aujourd’hui, un certain nombre d’antisémites revendiqués ou honteux ont fait le chemin inverse, vers le philosémitisme, notamment à la faveur de la candidature d’Éric Zemmour. Une chose peut être son contraire, l’antisémite devient parfois philosémite pour les mêmes raisons, la soumission au plus fort. Opportunistes, c’est la croyance en une « omnipotence juive » qui les fait basculer dans le camp pro-israélien, dans le courant likoudnik qui s’est imposé en France depuis la présidence sarkozyste.
Le conflit en Ukraine permettra peut-être une avancée dans la guerre de l’esprit contre l’Empire du mensonge qui falsifie l’histoire et l’instrumentalise idéologiquement contre le reste du monde. La minorité à la tête de cet empire est terrifiée à l’idée de voir éclater au grand jour la vérité de sa duplicité mise au jour par une Russie qui a perdu patience.
Avec Youssef Hindi et le site E&R !