[...] « Un prénom français, c’est un prénom chrétien, cela vient d’une loi établie par Bonaparte » » et abrogée (déplore-t-il) en 1993.
Le problème, c’est qu’Éric Zemmour s’arrange joyeusement avec la réalité d’un document historique, pariant sur le fait que les journalistes en face n’ont évidemment pas le temps ni les moyens de vérifier ses affirmations en direct. La loi qu’il évoque est pourtant un tantinet différente.
La « loi de Bonaparte » ne mentionne strictement aucun « prénom chrétien »
[...]
N’en déplaise à Éric Zemmour, il n’y a donc pas l’ombre d’une quelconque référence aux « prénoms chrétiens ». Ils y sont bien entendus compris : ce sont ceux de l’éphéméride catholique. Mais la loi parle bien DES calendriers et pour cause : le calendrier en vigueur N’EST PAS catholique ; c’est le calendrier révolutionnaire et ses prénoms savoureux : Philogon, Tydrique ou Télesphore pour les garçons ; Rusicule, Vénéfride ou Egobille pour les filles. Moderne, tellement moderne et si français.
Mieux : l’autorisation d’avoir recours aux « personnages connus de l’histoire ancienne » autorise de fait l’usage des prénoms de l’Antiquité grecque, romaine ou ... persane : on doute que Sadi Carnot, dont le prénom vient d’un poète iranien, ait ainsi pu devenir président de la République en 1887 avec un prénom illégal…
En revanche, Bonaparte n’aimait pas trop les prénoms juifs
Quitte à appeler Napoléon au secours de ses idées, il est bien étrange qu’Eric Zemmour n’ait pas fait allusion à une autre loi de Napoléon, en l’occurrence directement dirigée contre une autre religion que la religion musulmane : la foi juive.
Revenant sur le travail accompli par la Révolution, Napoléon revient à partir de 1807 sur les droits accordés aux citoyens de confession juive, accusés de maux qui évoquent de façon frappante ceux qu’on associe aujourd’hui aux Français musulmans. Les Juifs sont ainsi obligés de répondre à un questionnaire qui rappelle largement celui qu’un autre grand esprit, Nicolas Dupont-Aignan, voudrait imposer aux imams français : considèrent-ils la France comme leur patrie, sont-ils polygames, sont-ils prêts à se battre pour le pays, etc. Les Juifs, eux, ne cessent de réclamer qu’on revienne au seul respect du Code civil, qui ne prévoit aucune obligation particulière.