Le titre n’est pas très journalistique. Pour André Fontaine, du Monde, quand ce quotidien était respectable, on ne devait mettre ni conditionnel ni point d’interrogation en titre. Cependant, des informations étranges commencent à fuiter de Chine, à travers le rideau de fer politique qui entoure les « murs rouges ».
Le président Xi était en tournée en Asie centrale jusqu’à la réunion de l’OCS à Samarcande, le 16 septembre 2022, où les pays du Golfe, Iran compris, ont été acceptés comme « partenaires de dialogue ». C’est sans le dire un front anti-américain qui s’est structuré, car les participants y ont banni la « logique de blocs », sur laquelle les Américains jouent depuis toujours : « vous êtes avec nous ou contre nous », pour reprendre les termes de Bush Jr.
C’était la première fois que Xi quittait le pays après la crise du covid (2019). Des sources non officielles font état d’une agitation à Pékin, dans les fameux murs rouges, là où s’élabore le très complexe pouvoir chinois.
Ce dernier se compose du chef du PCC, du chef de l’armée et du Président. En théorie, pour la galerie, c’est un composite entre l’Assemblée nationale populaire, le Président et le Conseil des affaires de l’État. Mais les vrais postes de pouvoir sont ceux du Parti, de l’armée, et de la présidence, chacun surveillant les deux autres. Au gré des alliances à 2 contre 1, le pouvoir peut changer de main. Naturellement, la pression du peuple, dans ses aspirations à la liberté ou à l’enrichissement, joue aussi.
Ces dernières années, Xi a renforcé le pouvoir présidentiel (comme Macron chez nous ou Poutine en Russie), déséquilibrant l’habituel trimaran de Pékin. Les purges dans le Parti sont peut-être à l’origine de la fronde annoncée, mais nous attendrons des informations plus solides pour en arriver là.
La seule information sûre qui émerge, c’est la dernière purge en date de Xi, qui a frappé de hauts responsables de la police. Le Monde, justement, écrit :
À moins d’un mois du 20e congrès du Parti communiste chinois (PCC), la lutte anticorruption menée par Xi Jinping franchit une étape décisive avec la lourde condamnation, en quarante-huit heures, de six dirigeants.
Mais la purge silencieuse la plus importante a eu lieu en 2012, quand Xi a écarté Hu (Jintao) du pouvoir en prétextant le train de vie pas très communiste du fils de son chef de cabinet. En Chine, la corruption peut vous faire monter très haut, et redescendre aussi vite, en fonction des luttes de clans.
Il y a en Chine, qu’on le veuille ou pas, pour ceux qui croient au parti unique, et même depuis Mao, une droite, une gauche, un centre, le tout sous l’égide du PC. Des réformistes et des révolutionnaires, des durs et des démocrates, des Mélenchon, des Macron et des Marine.
Le Monde détaille la chute d’un hiérarque, Sun Lijun :
Vendredi 23 septembre, Sun Lijun, vice-ministre de la sécurité publique de mars 2018 à mai 2020, a été condamné à mort avec deux ans de sursis à l’issue desquels sa peine sera commuée en détention à perpétuité. Arrêté en avril 2020 – un mois après s’être rendu à Wuhan avec Xi Jinping, il lui est reproché d’avoir reçu 93 millions d’euros de pots-de-vin durant ces vingt dernières années. En septembre 2020, la toute-puissante commission d’inspection disciplinaire du Parti communiste chinois avait jugé qu’il « n’avait jamais eu d’idéal » et qu’il avait « causé un extrême danger au Parti ». Il est soupçonné d’avoir monté une « clique » politique, c’est-à-dire un groupuscule s’opposant à Xi Jinping. Les autres responsables condamnés cette semaine sont des membres de cette « clique ». Jeudi 22 septembre, le même tribunal de Changchun (province du Jilin) avait prononcé une peine identique : condamnation à mort avec deux ans de sursis, et finalement détention à perpétuité à l’encontre de Fu Zhenghua, qui fut ministre de la Justice de 2018 à 2020, vice-ministre de la Sécurité publique de 2013 à 2018 et chef de la police de Pékin de 2010 à 2013.
Visiblement, les purges xiennes (de Xi) sont massives : le Président en ressort plus populaire, car le peuple aime qu’on rabaisse les nantis, mais plus craint par les hauts cadres du parti, qui profitent parfois de leur statut en risquant leur tête. On ne fusille plus les corrompus en Chine, on les dégrade. Des milliardaires qui incarnaient le boom économique national ont ainsi disparu...
On estime que depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, à l’automne 2012, environ un million et demi de cadres du PCC ont été sanctionnés pour corruption. Cette campagne contre les « mouches » mais aussi les « tigres » est considérée comme l’une des raisons de la popularité de Xi Jinping dans l’opinion chinoise tout en étant un moyen de consolider son pouvoir. Parfois, les peines de mort prononcées sont effectives. Lai Xiaomin, l’ex-président de Huarong, l’une des plus grandes sociétés publiques de gestion d’actifs, a été exécuté en janvier 2021. Il était accusé d’avoir reçu 215 millions d’euros de pots-de-vin.
Plutôt que de diffuser des sources parlant déjà du renversement de Xi à Pékin, nous avons préféré expliquer sommairement, en attendant des informations vérifiées, le contexte et le fonctionnement très spéciaux du pouvoir chinois.
Finalement, si cette rumeur se dégonfle, Xi aura vérifié le proverbe – les Chinois adorent les proverbes – qui dit que quand le Xi n’est pas là, les souris dansent...