Ce matin est le premier du reste de sa misérable vie. Diana* vient d’atterrir en France. Elle a 18 ans, le gris de Paris l’émerveille. Elle se dit qu’elle a eu raison de quitter la pauvreté de Benin City, sa ville natale, immense et violente, dans le sud du Nigeria. Elle va devenir étudiante, la femme qui l’accompagne le lui a promis. « J’ai juré que je rembourserais le prix de mon passage en Europe sans savoir combien et en pensant que cela incluait le coût de mes études », explique Diana. Le taxi longe un grand boulevard, Barbès, le quartier de Château- Rouge, la rue des Poissonniers, une petite Afrique où les boutiques ressemblent à celle que son oncle tient au pays.
Soudain, tout s’assombrit. Diana se souvient de la minuscule chambre d’hôtel, du verrou qui se ferme et du premier mot de français qu’elle comprend : prostitution. Le jour se lève et ses rêves s’écroulent. La bienfaitrice devient la « mama », une mère maquerelle qui lui réclame 60 000 euros, le coût de son voyage en enfer. Au début, la mama suit sa « fille » sur le trottoir : c’est elle qui parle aux clients. « Je ne savais pas encore dire “20 euros la passe, 100 euros la nuit”. Alors elle traduisait », raconte Diana. La mama a deux alliés, une barre de fer et le « juju ». La magie noire est la clef de voûte de ce commerce humain transnational en pleine expansion. Quelques jours avant leur départ du Nigeria, la mama avait conduit Diana et d’autres jeunes filles dans la maison d’un sorcier, le « jujuman ».
La cérémonie comprend des scènes de transe, l’absorption de potions, le prélèvement de sang, de cheveux et d’ongles. Les futures prostituées sont convaincues qu’un sort leur est jeté : elles doivent obéir à la mama afin de préserver la sécurité de leur famille. Le sorcier leur a remis un objet : un cadenas entouré de ficelle, enfermé dans un sac en plastique et saupoudré de sang séché. Leur chaîne d’esclaves modernes. En France, le « juju » continue de s’exercer : philtres de docilité, d’invincibilité et de contraception. Dans ce cas, il est composé de vingt comprimés de paracétamol et de jus de citron. Les policiers de la brigade de répression du proxénétisme (BRP) constatent l’emprise de ces traditions détournées à des fins criminelles. Le commissaire divisionnaire Jean- Paul Mégret explique : « Il suffit que les mamas invoquent le “juju” pour que les filles entrent dans un état de peur panique et n’osent plus témoigner. » En région parisienne, il existe une dizaine de ces réseaux de traite, organisés au Nigeria par des gangs armés ultraviolents inspirés des Crips de Los Angeles. Ils sont reconnaissables à la couleur de leurs vêtements et se livrent à des guerres de territoires. La plupart des victimes sont recrutées dans les campagnes autour de Benin City. Elles sont jeunes, 20 ans au maximum, une garantie de docilité. Des hommes de main sont chargés de tabasser les parents des insoumises, voire de les exécuter. La terreur porte ses fruits, d’autant plus pourris qu’ils baignent dans le « juju ».
- Les flles sont postées dans le bois de Vincennes, du coucher du soleil à 2 heures du matin.
Récemment, les cinquante hommes de la BRP ont fait tomber un de ces réseaux, celui des Authentic Sisters. Comme les autres, il était organisé selon un système pyramidal que les hommes dirigent depuis le Nigeria. Pour gérer le trafic à Paris, ils envoient les mamas, anciennes prostituées qui ont remboursé leurs dettes. De victimes, elles deviennent bourreaux. C’est un vol Air France qui a mené Diana à son malheur, mais la plupart des Nigérianes empruntent les routes traditionnelles des migrants clandestins. La nouvelle traite des Noires suit le trajet d’un nouveau commerce triangulaire, de l’Afrique de l’Ouest à l’Europe, via le Maghreb. « Le phénomène est récent et important, explique Guillaume Lardanchet de l’association Hors la Rue. Certaines sont mineures, parfois de 12 à 14 ans, mais elles utilisent des faux papiers de majeures. » Voitures ou cars jusqu’en Libye, attente à Tripoli, passage en Italie par bateau. À bord, on leur remet des vêtements clairs qui les différencient des autres migrants et signalent leur « valeur » aux passeurs : ces derniers les placent au centre des embarcations, afin qu’elles ne risquent pas de tomber à l’eau...
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Prostitution des enfants : ça n’arrive pas qu’aux autres
La prostitution est un sujet de moins en moins tabou en France. On pense souvent aux jeunes femmes étrangères ou aux étudiantes qui tentent de payer leurs études. Mais on imagine pas qu’elle concerne aussi un grand nombre de mineurs. Et c’est le plus souvent à l’école que cela se passe. L’association Agir contre la prostitution des enfants (ACPE) se bat pour dénoncer et combattre ce problème.
Ils seraient entre 6 000 et 8 000 mineurs (source non-officielle par croisement de statistiques), concernés par la prostitution en France. Mais il ne s’agit pas de la prostitution de rue que l’on connaît. Armelle Le Bigot-Macaux, présidente de l’association Agir contre la prostitution des enfants (ACPE), explique qu’il y a trois formes de prostitution des enfants en France. « Une connue de tous : la prostitution des petits étrangers, essentiellement des Roumains ou des Bulgares ». Une seconde forme qui prend la forme de « fellations dans les toilettes pour 20 ou 25 euros ».
Les enfants ont accès de plus en plus jeunes à la pédopornographie et n’ont pas l’impression de s’adonner à la prostitution selon Armelle Le Bigot-Macaux. Il existe enfin une troisième forme que l’on commence à voir arriver : le phénomène des loverboys. Un nom très doux qui cache une réalité obscène. « Là, pour le coup, il s’agit de mini-proxénètes, c’est “si tu m’aimes, tu couches avec un tel et tu me ramènes de l’argent” ». Et les jeunes ne prennent parfois conscience de leurs actes que lorsque des images sont diffusées. Car il arrive souvent que de telles scènes soient filmées.
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Une campagne de l’ACPE contre la prostitution des mineurs, datant d’octobre 2014 :