L’Assemblée nationale a adopté ce mercredi le projet de loi qui pénalise les clients de prostituées. Une infraction difficile à prouver pour policiers et magistrats, qui doutent de la mise en application concrète de la loi. Prostitution : la pénalisation des clients va-t-elle être coûteuse et inutile ?
Sanctionner les clients plutôt que les prostituées. Après deux ans et demi de vifs débats, l’Assemblée nationale a adopté ce mercredi la proposition de loi renforçant la lutte contre la prostitution. Concrètement, est puni « le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir des relations de nature sexuelle d’une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d’une rémunération, d’une promesse de rémunération, de la fourniture d’un avantage en nature ou de la promesse d’un tel avantage ». Les clients risquent une amende de 1 500 euros, et jusqu’à 3 500 euros en cas de récidive.
Voilà pour la théorie. Mais dans les faits, comment cette loi va être appliquée et ces contraventions de cinquième classe dressées ? Acteurs du monde judiciaire et policier, tous sont sceptiques sur ce point. « Cette loi ne changera pas grand chose, estime Nicolas Gardères, avocat du collectif « Droits et prostitution ». Ce sera extrêmement difficile à mettre en oeuvre notamment pour avoir la preuve de la réalité de la transaction et de l’acte sexuel ». Car c’est bien la rémunération de relations sexuelles qui est sanctionnée par la loi.
« Pour constater l’infraction, il va falloir planquer, consacrer du temps de surveillance puis de procédure », complète Céline Berthon, secrétaire générale du Syndicat des commissaires de la police nationale. Dans un contexte sécuritaire post-attentats très exigeant en ce moment pour les policiers, est-ce la priorité ? « Je n’en suis pas certaine. Or, comme lors de toute création d’incrimination, pour qu’elle ait du sens, il faut qu’elle soit sanctionnée ».
Ce scepticisme côté policier n’est pas nouveau. En 2014 déjà, Yann Sourisseau, commissaire de police et chef de l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains était entendu au Sénat. Prenant l’exemple de la Suède, qui pénalise les clients de prostituées depuis 1999, il expliquait : « Les Suédois procèdent simplement : ils rentrent dans les chambres d’hôtel. Mais un officier de police judiciaire est obligé de respecter les procédures et de quel droit pourrait-il préjuger les relations entre deux personnes qui sont dans un hôtel ? Et comment pénétrer dans une chambre sans porter atteinte aux libertés individuelles, au respect de la vie privée ? » Sa conclusion était assez claire : « Si on pénalisait les clients des prostituées, cette mesure serait pratiquement inapplicable ».
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Réécouter la participation d’Alain Soral au débat « Faut-il interdire la prostitution ? », enregistrée sur Radio France Internationale le 30 Décembre 2011 :