Est-ce un tournant décisif dans la guerre en Syrie ? Pour la première fois depuis le début de la guerre civile, une délégation formée de responsables politiques et militaires du Conseil démocratique syrien, le bras politique des Forces de défense syriennes (FDS) – une coalition arabo-kurde soutenue par Washington – s’est rendue vendredi 27 juillet à Damas pour des discussions officielles avec le gouvernement.
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« Les forces kurdes, majoritaire composante des FDS, se préparent à un retrait des troupes américaines de Syrie et veulent sécuriser leurs arrières, capitaliser sur leurs gains », explique Aron Lund, chercheur à la Century Foundation, un centre de réflexion basé aux États-unis.
Les FDS gèrent environ 30 % du territoire, au nord et nord-est syrien, tandis que le régime a reconquis 60 % des régions du pays, après ses récentes victoires dans la Ghouta orientale et dans le sud de la Syrie, à la frontière jordanienne.
« La priorité pour le régime syrien, c’est de se débarrasser des troupes américaines sur son sol. Les militaires américains se sont déployés dans des territoires contrôlés par les FDS pendant l’offensive contre le groupe État islamique (EI). Des négociations pourraient accélérer leur départ », poursuit Aron Lund.
Environ 2 000 soldats américains sont actuellement stationnés dans la région de Manbij.
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Les deux parties ont des intérêts économiques communs.
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Le gouvernement syrien, lui, voudrait reprendre un certain contrôle sur les champs pétroliers, essentiellement localisés dans des zones sous contrôle kurde.
« Les revenus pétroliers représentaient environ un quart des revenus du gouvernement syrien avant la guerre, et il a clairement besoin de renflouer ses caisses », ajoute Thomas Pierret. [chargé de recherche au CNRS/Iremam (Institut de recherches et d’études sur les mondes arabes et musulmans) à Aix-en-Provence]
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- Les FDS contrôlent la ville de Raqqa, prise en octobre 2017 aux jihadistes de l’EI
Tout futur compromis dépendra de la flexibilité de Bachar al-Assad, qui a affirmé vouloir reprendre chaque mètre carré du territoire syrien, mais aussi des soutiens internationaux du régime et de l’opposition.
« La Russie ne serait pas défavorable à une solution fédérale, tandis que l’Iran est hostile à toute forme d’autonomie des Kurdes », note Thomas Pierret. La position de la Turquie, troisième acteur clé en Syrie, sera aussi capitale. Elle est présente dans la région d’Idleb, dernier territoire contrôlé par l’opposition armée, avec environ 1 300 soldats, et soutient plusieurs milliers de combattants de milices rebelles (Ahrar el Sham, Faylaq al Sham, Suqour el Sham…). Toute offensive coordonnée contre eux entre le régime syrien et les FDS dans cette région constituerait une ligne rouge pour Recep Tayyip Erdogan.