Le crime suprême de Poutine est sans doute, pour nos élites occidentales, de traiter le problème par le retour aux valeurs russes.
Pourquoi tant de haine ? À la chute de l’URSS, les Occidentaux – États-Unis en tête – avaient une idée bien précise de ce que devait devenir la Russie : un empire définitivement éclaté et affaibli, paradis des affairistes. Durant les années Eltsine, les consultants américains ont bâfré 5,6 milliards de dollars d’honoraires pour « aider la Russie à faire sa transition vers l’économie de marché ». Résultat : une baisse du niveau de vie de 40 %, la richesse du pays concentrée entre les mains de sept oligarques, la corruption généralisée comme mode normal de fonctionnement, l’effondrement de la natalité et la hausse de la mortalité et la perte du prestige international de la Russie, tandis que les Occidentaux soutiennent les mouvements centrifuges des régions périphériques au travers des « révolutions de couleur »…
La corruption est un mal propre à l’histoire russe, et en général aux très grands pays qui n’ont pas d’appareil d’État approprié pour implanter une administration intègre. La popularité de Poutine tient à son rôle dans le rétablissement de l’État, de l’économie, d’une politique sociale et de la puissance de la nation, prestige qui culmine avec le retour pacifique de la Crimée dans la mère patrie.
Mais il lui reste à traiter le problème de la corruption, mal endémique qui est un frein dans le développement du pays. Si celle des grands oligarques a été réduite énergiquement par des méthodes… russes, il reste la corruption endémique, celle qui pollue les rapports sociaux, se conjugue à la bureaucratie pour miner l’autorité de l’État, bloquer l’initiative économique et démoraliser les citoyens.
Le phénomène ne se limite pas à la Russie, mais touche les anciennes républiques, au premier rang desquelles l’Ukraine, mais là, pas touche : on n’aura pas de reportage du Monde ou de Libération.
Le crime suprême de Poutine est sans doute, pour nos élites occidentales, de traiter le problème par le retour aux valeurs russes. Dostoïevski l’avait illustré dans Les Frères Karamazov, par l’opposition entre le frère attiré par les valeurs individualistes et matérialistes de l’Occident, associées au progrès, et l’autre attiré par les valeurs collectives slaves porteuses de l’identité, associées à l’arriération du pays. Éternel dilemme entre matérialisme individualiste et valeurs collectives et spirituelles. La voie choisie par la Russie de Poutine est la modernité de l’économie de marché et du progrès technologique, mais cadrée par les valeurs russes, le retour aux valeurs collectives slaves incarnées dans la religion orthodoxe. C’est un équilibre entre le « je » et le « nous », entre les droits et les devoirs. L’exact inverse de notre vision des droits de l’homme réduits aux droits absolus de l’individu, la soumission totale du « nous » au « je ».