Lundi 7 mars, le président du Crif a évoqué l’antisémitisme dont les enfants juifs sont, selon lui, victimes « dans de très nombreuses écoles » publiques. Beaucoup de familles optent pour le privé, notamment pour des considérations sécuritaires.
Prononcés lundi 7 mars, en marge du dîner annuel de son institution, les propos de Roger Cukierman, le président du Crif, ont pour le moins interpellé : « Les enfants juifs dans de très nombreuses écoles sont battus, insultés parce que juifs », a-t-il affirmé sur Europe 1.
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Cette affirmation peut choquer, mais elle fait écho au constat que dressait dès 2004 un rapport de l’inspection générale de l’Éducation nationale portant sur « les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires ».
Il y était question, « parfois dès le plus jeune âge », d’une « banalisation des insultes à caractère antisémite ». Une banalisation qui ne semblait « que peu émouvoir les personnels et les responsables », lesquels mettaient en avant « pour justifier leur indifférence, le caractère banalisé et non ciblé du propos, ou encore l’existence généralisée d’insultes à caractère raciste ou xénophobe entre élèves ».
Une réalité « stupéfiante et cruelle »
Évoquant des cas d’« agressions », voire de « persécutions », ce rapport officiel concluait : « Si le racisme le plus développé dans la société reste le racisme anti-maghrébin, ce n’est plus le cas dans les établissements scolaires, où il a été très nettement supplanté par le racisme anti-juif. Il est en effet, sous nos yeux, une stupéfiante et cruelle réalité : en France les enfants juifs – et ils sont les seuls dans ce cas – ne peuvent plus de nos jours être scolarisés dans n’importe quel établissement. »
Aujourd’hui engagé dans le projet Aladin, qui œuvre au rapprochement entre juifs et musulmans, l’auteur de ce rapport, Jean-Pierre Obin, persiste et signe.
« Aujourd’hui, dans certains ghettos urbains, plus aucun enfant juif ne fréquente l’école publique, observe-t-il. Et quand on demande aux enseignants des établissements concernés comment ils interprètent cette situation, certains répondent que les élèves juifs n’étaient plus assez nombreux pour se défendre… »
« Même quand la direction prend le problème à bras-le-corps, il arrive que de sévères sanctions, y compris des exclusions, ne suffisent pas à enrayer la violence, qui se reporte sur le chemin de l’école », déplore Jean-Pierre Obin (1).
Discussion, éducation et action collective
Il existe fort heureusement des contre-exemples : « J’enseigne depuis douze ans dans le même collège, l’un des plus durs du Val-de-Marne, mais je n’ai jamais entendu la moindre remarque antisémite », affirme Laurent, un professeur d’histoire.
« Une famille juive y a scolarisé ses deux filles sans qu’elles rencontrent de difficultés. Il est vrai que notre équipe, stable et soudée, a une réputation de fermeté », poursuit l’enseignant. Il dit aussi beaucoup miser sur « l’étude des faits historiques et sur la discussion avec les élèves » pour éviter tout dérapage.
« Lutter contre ces phénomènes demande une démarche collective, menée en continu dès l’entrée en maternelle et jusqu’au lycée par l’ensemble des personnels chargés des enfants », souligne Marc Douaire, le président de l’Observatoire des zones d’éducation prioritaire.
À ses yeux, il serait faux d’affirmer aujourd’hui que l’école, notamment dans les quartiers populaires, fait preuve d’un déni de réalité.