Les 278,7 milliards d’euros que la Grèce pourrait demander à l’Allemagne au titre des indemnités de guerre provoquent la colère des politiques et des médias européens. Mais pourquoi le gouvernement Tsipras soulève-t-il cette question ?
[...] Il est évident, n’en déplaise à beaucoup, que les leaders grecs ne sont pas plus stupides que la plupart des journalistes européens. Ils savent donc pertinemment que l’Allemagne ne fera jamais un chèque de 279 milliards d’euros à la Grèce. Pourquoi alors soulever cette question ?
Message à l’opinion grecque
D’abord, parce que c’est un message envoyé à l’opinion grecque. Les élections du 25 janvier a été une révolte contre le sentiment d’humiliation très fort qu’ont représenté les années « troïka » en Grèce. Alexis Tsipras sait que l’essentiel de sa popularité réside dans sa capacité à résister aux demandes des créanciers. Cette question des réparations entre dans la même logique : il s’agit de montrer aux Grecs que la Grèce parle d’égal à égal à l’Allemagne et peut évoquer les sujets qui fâchent. Longtemps, les gouvernements grecs ont évité le sujet, sans néanmoins obtenir de véritable respect de la part des Européens. Cette époque est terminée et le gouvernement grec souhaite montrer qu’il ose désormais mettre ces sujets sur la table. Dans l’esprit des nouveaux dirigeants grecs, à tort ou à raison, ceci répond à deux besoins. Le premier est que l’économie nationale ne se redressera que si les Grecs reprennent confiance en eux et retrouvent donc cette « fierté nationale » que les cinq dernières années leur ont largement ôtée. Le second est que, si les négociations viennent à prendre un tour négatif, le gouvernement aura besoin du soutien populaire, il doit donc ménager sa popularité.
La recherche de responsables extérieurs ?
Contrairement à ce qu’affirme Le Monde, le gouvernement grec n’a jamais cherché à établir un lien entre l’absence du paiement de réparations et la situation actuelle du pays. Si l’on lit le discours d’Alexis Tsipras sur le sujet prononcé le 10 mars devant la Vouli, le parlement grec, on cherchera en vain un tel raccourci. Du reste, l’actuelle majorité a lancé deux commissions distinctes pour établir la légitimité de la dette et du « sauvetage » de 2010. Mais ces commissions elles-mêmes ne visent-elles pas à éviter les responsabilités du pays dans l’actuelle crise ? Là encore, c’est un procès d’intention récurrent adressé aux Grecs, mais qui est peu fondé. Compte tenu de l’ampleur de la crise, l’établissement des responsabilités n’est pas un luxe superflu.
La Grèce n’est pas seule dans ce domaine : les deux chambres du parlement irlandais (Oireachtas) ont lancé également une commission d’enquête sur les causes de la crise bancaire et de la crise de 2010-2011. Ces démarches apparaissent en réalité comme des signes de responsabilité : on cherche à comprendre les causes d’une crise pour pouvoir éviter sa reproduction. Ce qui est plutôt étonnant, c’est le refus des Européens de prendre leur part de responsabilité.