Le 30 mars 2002 à 16h30, les forces militaires israéliennes prenaient le contrôle des chaînes de télévision palestiniennes, tout en occupant Ramallah en Cisjordanie. Peu de temps après avoir occupé le siège de la chaîne Al Watan, elles se mirent à balancer du porno sur les ondes. Les Palestiniens étaient indignés et stupéfaits ; pourquoi diable peut-on faire une chose pareille, se demandait une dame. La réponse est simple ; les Israéliens envoient du porno parce que c’est une arme dans l’arsenal de la guerre psychologique.
On nous répète que la liberté sexuelle va de pair avec la liberté d’expression [1], mais en fait la pornographie est une modalité de contrôle, et cela n’a rien à voir avec la liberté. C’est une arme parce que, comme le soulignait Thomas d’Aquin, la lubricité « obscurcit l’esprit », vous rend aveugle. Un opposant aveugle est facilement battu. Le porno, c’est l’instrumentalisation de la lubricité.
Le meilleur symbole de l’usage militaire de la chose, c’est l’histoire de Samson et Dalila.
Une fois que la raison de Samson eut perdu tout empire sur ses passions, il finit privé de la vue à Gaza, faisant tourner un moulin avec des esclaves.
Les Israéliens ont brandi la même arme, au même endroit, 3000 ans plus tard, parce qu’ils voulaient faire des Palestiniens des esclaves, ils ne voulaient surtout pas les libérer. Oui, le sexe rend aveugle. Saint Augustin a mis à jour l’histoire biblique de Samson dans son contexte, peu de temps après la chute de l’Empire romain, écrivant : « Il est clair que le péché est la cause primaire de la servitude ». Ce qui signifie qu’un « homme bon, même réduit en esclavage, est libre ; tandis qu’un homme vicieux, même s’il est roi, est un esclave. Car il sert, non pas un seul maître, mais, ce qui est pire, autant de maîtres qu’il a de vices » [2].
L’homme a été libre tant qu’il a été moral, c’est-à-dire aussi longtemps qu’il a agi selon ce que la raison pratique lui enjoignait. L’homme n’est pas libre en étant irrationnel. Il peut utiliser sa liberté pour s’adonner à la passion, mais alors il tombe en esclavage. La pornographie faisait partie de la culture romaine, comme on le voit clairement sur les mosaïques des bordels de Pompéi. Après la chute de Rome, la pornographie disparut parce que l’Europe chrétienne fonda sa culture sur le principe augustinien selon lequel un homme a autant de maîtres que de vices.
Brutalement, 1300 ans plus tard, le monde s’est retrouvé cul par-dessus tête. Le terme, pour ce genre de changement en politique, c’est révolution. La pornographie est revenue dans la culture occidentale en tant qu’arme au XVIIIe siècle. J’en veux pour preuve les versions illustrées du Justine du marquis de Sade, qui parurent au Palais Royal peu avant la Révolution française et devinrent autant d’outils, ouvrant la porte à la révolution politique. Je rappelle que le marquis de Sade démarra la Révolution française depuis sa cellule à la Bastille. Il écrivit que « l’état de l’homme moral est un état de tranquillité et de paix, alors que l’homme immoral est en état d’agitation perpétuelle. » Cela aurait pu être écrit par saint Augustin. Il aurait pu dire : « Si tu veux être libre, sois moral ». Mais, tournant la chose à l’envers, le marquis de Sade aurait pu dire aux tyrans qui allaient surgir au cours de la Révolution française : « Si vous voulez réduire une population en esclavage, il faut faire la promotion du vice ». Le marquis de Sade, c’est simplement saint Augustin retourné. Il avait compris que pour faire une révolution, il fallait commencer par subvertir la morale du peuple. Pour y parvenir, le marquis de Sade proposait de montrer des femmes nues dans les théâtres. Mais le problème était le suivant : dans un grand théâtre on a du mal à voir de près les filles, et dans un petit théâtre, si les filles sont bien visibles, le public est réduit.
La technologie nous a livré la solution. La pornographie est toujours une fonction de la technologie. Et la suite, ce sont 200 ans de méthodes de contrôle de plus en plus raffinées, une emprise basée sur les avancées de la technologie de pointe. Une percée décisive, ce fut le cinéma, une invention qui suscita une guerre civile culturelle de la part des deux principaux groupes religieux en Amérique, les protestants et les catholiques, pendant les années 1920. Mais Hollywood fut créé et en une décennie on s’est servi de l’industrie des images animées comme d’une arme contre le peuple des USA, qui étaient offusqués par sa promotion de l’obscénité et exigeaient que le gouvernement prenne des mesures. Lorsque les protestants, sous l’égide de Will Hays [3], échouèrent à régner sur l’obscénité, les catholiques instituèrent un boycott qui menaçait de conduire Hollywood à la faillite, on recula, et le Code de la production fut institué en 1934. Puis la pornographie servit d’arme à nouveau en Allemagne. Dans la période qui suivit la défaite de l’Allemagne en 1919, des gens comme Magnus Hirschfeld « amenèrent » Hitler au pouvoir, dans la mesure même des tentatives flagrantes pour promouvoir l’homosexualité [4], véhiculées par son Institut pour la science sexuelle.
En 1947 les USA ont déchiré le plan Morgenthau, pour affamer la population germanique conquise, et l’ont remplacé par le Plan Marshall, afin de restaurer l’Allemagne comme un rempart contre le communisme soviétique. Cela voulait dire injecter de l’argent dans l’économie et s’assurer que les Allemands aient quelque chose à acheter aux Alliés. Pour cela, ils importèrent 150 tonnes de matériel obscène en Allemagne [5].
Une fois de plus la pornographie devenait une arme, cette fois-ci afin de détruire la fibre morale chez le peuple allemand, ce qui était une façon de s’assurer qu’il n’y ait pas de résurgence du national-socialisme. L’église catholique monta une campagne contre Schmutz und Schund (le vice et la saleté), mais elle ne rencontra pas d’écho dans les revues illustrées du pays, car toutes, elles devaient obtenir une licence de la part d’un psychiatre du nom de David Mardachi Levy. Pendant 31 ans, les catholiques ont protégé le peuple américain contre la manipulation de la sexualité humaine à des fins militaires, mais en 1965, à l’aube du concile Vatican II, les catholiques ont craqué et l’on a fait voler en éclats le code avec le film porno Le Prêteur sur gages (1964). En sept ans, le porno hard – Gorge profonde (1972), L’Enfer pour Miss Jones (1973), et Derrière la porte verte (1972) – était projeté dans les salles en exclusivité. En 2004, le professeur Nathan Abrams écrivit :
L’investissement (...) dans la pornographie est le résultat d’une haine atavique contre l’autorité chrétienne ; (on) tente d’affaiblir la culture dominante en Amérique par la subversion morale... La pornographie est devenue dès lors un moyen pour profaner la culture chrétienne et, dans la mesure où elle pénètre jusqu’au cœur des publications les plus répandues de l’Amérique (et d’ailleurs ce sont les WASP eux-mêmes qui en consomment), son caractère subversif s’en trouve plus accusé [6].
Ce qui est une autre façon de dire que la pornographie est une arme qu’on a brandie afin de détruire la culture chrétienne dans les pays qui en avaient garanti le droit.
En 1978, Jimmy Carter nomma Paul Volcker directeur du système de la Réserve fédérale, comme une façon d’apaiser la classe créditrice, qui estimait que l’inflation était hors de contrôle. La « cure » de Volcker contre l’inflation consista à rehausser les taux d’intérêt à un niveau inédit. Cela éveilla un intérêt inhabituel. Vers 1980 les bons du Trésor payaient 20 % d’intérêts. Afin de prêter de l’argent à un taux comparable, les banques devaient persuader les législateurs d’abolir les lois contre l’usure. Le résultat, c’est l’effondrement de la base manufacturière de l’Amérique, les bas salaires, et la montée du capitalisme vautour. La libération sexuelle des années 1970, assortie de la dépénalisation de l’usure, a détourné les travailleurs du fait que leurs salaires stagnaient. Et l’intérêt composé qui régit les prêts usuraires a injecté de plus en plus d’argent concentré entre les mains de gens de moins en moins nombreux. Les enfants du baby boom qui applaudissaient à la libération sexuelle des années 1970 se sont retrouvés réduits en esclavage avec des dettes impossibles à rembourser (pour financer leurs études), et victimes de l’addiction au porno. Comme l’a souligné Andrew Joyce sur Unz.com, le capitalisme vautour, c’est le capitalisme apatride [7].
Les capitalistes vautours comme Paul Singer contrôlent désormais le Parti républicain. Le capitalisme vautour a connu un essor étroitement parallèle à celui de la pornographie. Les deux phénomènes étaient liés. L’énorme quantité d’argent qui a fini entre les mains des usuriers a servi à financer des groupes de réflexion, des firmes ne recherchant pas le profit et les ONG promouvant la sodomie et la pornographie comme un moyen pour détourner les gens qui auraient dû fonder des familles, pour leur faire oublier leur misère économique. Le meilleur exemple de cette confluence d’argent et de médias est l’Institut Cato, fondé en 1977 par Charles Koch et Murray Rothbard, et qui avait reçu ses financements à partir des fondations des frères Koch et de la fondation Bradley, ce qui a fini par la prise de contrôle du parrain néoconservateur Irving Kristol à travers son agent Michael Joyce. Le capitalisme, c’est l’usure sponsorisée par l’État. Après Paul Volker, qui est mort le 8 décembre dernier, et qui avait permis aux créanciers dont il servait les intérêts de briser toute éventuelle loi contre l’usure dans ce pays, l’Institut Cato s’est servi de l’argent qui a afflué grâce à la confiscation usuraire de l’économie afin de saper la base économique de l’ordre social, retirant le pouvoir politique des mains du peuple, et le plaçant entre les mains des oligarques.
Lorsque le pornographe John Stagliano, qui est membre aussi de l’institut Cato, a été accusé de produire du matériel obscène en 2010, la Fondation Cato s’est précipitée pour le défendre. Une série d’articles dans le Reason Magazine, également fondé par les frères Koch [8], a fait le portrait de Stagliano comme martyr de la cause de la liberté d’expression, ressortant les « principes » libertariens afin de le défendre. Dans un article qui défend Ira Isaacs, qui avait produit des vidéos de « femmes pratiquant des activités sexuelles au milieu de déchets humains et une vidéo... d’une femme forniquant avec des animaux », Reason rattachait la pornographie à la « liberté de l’Amérique » [9].
Comme le capitalisme vautour qui est sa principale source de financement, le libertarianisme est une idéologie bricolée par des gens comme Ayn Rand, Milton Friedman [non son fils David], et Murray Rothbard, qui était aussi membre de l’Institut Cato, pour défendre les intérêts oligarchiques. Les libertariens croient à la liberté d’expression, mais seulement quand elle sert leurs intérêts. À titre d’exemple, on a le cas d’Alan Dershowitz, qui s’est servi du plaidoyer pour la liberté d’expression pour défendre Gorge profonde en 1972, lorsque l’on avait pas encore achevé le détournement de la culture américaine, après quoi l’on a laissé choir la dite liberté, pour promouvoir la législation contre les « discours de haine », une fois la situation bien en main. Dans une sidérante expression d’hypocrisie, le même Dershowitz, qui défendait la pornographie en tant qu’expression de liberté en 1972, se retrouvait aux côtés de Donald Trump en décembre 2019 lorque celui-ci signa un décret interdisant sur les campus universitaires la critique d’Israël en tant qu’antisémite, sous la bannière du Titre VI.
Au cours des années 1980, les Américains ont été témoins de la dépénalisation de l’usure et de la pornographie. Elles vont de pair. Le résultat ultime de la dérégulation morale qui avait commencé dans les années 1970, ce fut l’endettement massif des étudiants et l’addiction massive à la pornographie, que l’Institut Cato justifiait afin de détourner les nouveaux diplômés du fait qu’ils ne solderaient jamais leurs dettes. En 1986, la Commission Meese fit des tentatives significatives pour tenter de mettre un frein à la pornographie, mais le gouvernement ne put pas maintenir la combinaison d’innovation technologique et d’idéologie libertarienne qui utilisait la défense de la liberté d’expression pour justifier la pornographie. En 1989, Rueben Struman atterrit en prison après avoir monté une série de boîtes de films porno ; mais la projection de films en boucle, dont il avait été le pionnier, devint obsolète avec l’apparition de la VCR, et les cassette VHS à leur tour devinrent obsolètes avec l’ouverture d’Internet. À ce moment, Hollywood produisit deux films de propagande pro-porno – Boogie Nights (1997) et celui de Milos Forman Larry Flynt (1996) – et le gouvernement, sous la direction de Bill Clinton, un personnage qui avait du mal à contrôler ses passions, fit passer le mal nommé Communications Decency Act, qui mit fin, en pratique, aux efforts du gouvernement pour poursuivre l’obscénité. Aux antipodes de la liberté que promettaient Larry Flint et les libertariens, le résultat de la dépénalisation de fait de la pornographie fut, comme aurait pu le prédire saint Augustin, une addiction exponentielle, ce qui est la dénomination moderne pour l’esclavage par le péché. De façon prévisible, les médias sous contrôle oligarchique dirent que l’addiction à la pornographie était un mythe. Dans un rapport basé sur « une recherche fascinante, rénovée et rigoureuse », Psychology Today annonça qu’il n’y avait pas de preuve scientifique pour valider l’idée que l’addiction au sexe est une réalité [10].
Mais si vous associez sur Google une recherche sur les termes « porno » et « addiction », vous obtenez environ 67 000 résultats, ce qui constitue un vibrant démenti.
En novembre 2019, les jeunes hommes qui étaient les principales victimes de cette campagne de guerre psychologique dissimulée annoncèrent un boycott de la pornographie et de la masturbation qui en est l’invariable accompagnement dans ce qu’ils appelèrent le No Nut November. La réaction des oligarques qui avaient mis en place la révolution sexuelle pour détourner l’attention des masses du fait qu’elles se retrouveraient enchaînées sans espoir à leurs propres passions, et à leurs dettes, ne tarda pas : le magazine Rolling Stone dénonça quiconque s’opposerait à la pornographie comme antisémite. Comme autorité en la matière, Rolling Stone citait David Ley, auteur de Le mythe de l’addiction sexuelle, psychologue clinicien et thérapeute sexuel spécialiste de la pornographie et de la santé mentale.
La loi condamna No Nut November comme une petite palette d’horreurs distillant une haine liée à l’insécurité, de l’antisémitisme, de la misogynie, et de l’homophobie tout en un [11]. Ley poursuit en disant que l’idéologie anti-masturbation a historiquement été instrumentalisée par des personnages fascistes afin d’augmenter le contrôle social [12], alors que Whilelm Reich voyait la masturbation comme un moyen de combattre le « fascisme », terme qu’il employait pour toute personnalité autoritaire, ce qui était synonyme de catholicisme et familles intactes.
Si les libertariens s’intéressent à la promotion de la liberté, pourquoi font-ils la promotion de la pornographie ? Tout le monde sait maintenant que le porno mène à l’addiction, mais nous savons aussi que plus personne ne paye pour cela, ce qui élimine la motivation économique qu’on brandissait autrefois pour la justifier en tant qu’activité rentable. Il y a dix ans, des gens comme John Stagliano pouvaient s’enrichir en produisant du porno. Désormais, le porno est gratuit, et personne ne fait de l’argent avec [13]. Selon un pornographe, « il est très difficile de faire payer les gens pour le porno. Nous nous battons littéralement pour chaque dollar. Il y a dix ans, cela n’avait pas d’importance. Si on perdait un client, il y en avait un autre pour prendre la place. Mais maintenant, chaque client compte » [14].
Le porno n’est donc pas une affaire d’argent, au final, il relève du contrôle mental. Les libertariens qui clament haut et fort leur soutien à la liberté sont en fait des promoteurs d’addiction, parce que l’addiction est une forme de contrôle qui est indispensable aux oligarques qui fondent des bureaux de réflexion comme l’Institut Cato. La morale est limpide : toute personne qui défend la pornographie est soit ce que Lénine appelait un « idiot utile », soit ce que j’appelle un Kochsucker, autrement dit, un agent « conservateur » des oligarques, comme Charlie Kirk, dont la mission est de contrôler et de détruire ceux-là mêmes qu’il prétend libérer. Le logos refait surface. Maintenant nous le savons : la libération sexuelle est une forme d’emprise sur l’esprit, et la conscience n’est pas réversible. Nous avons maintenant la preuve empirique que saint Augustin avait raison quand il soulignait qu’un homme a autant de maîtres que de vices.