Parfois, il est des articles étonnants, qu’on ne s’attend pas à trouver dans un journal d’une telle orientation. L’article du Monde contre – il n’y a pas d’autre mot – Marc Dorcel, son fils, son système et sa société, est dévastateur. Cela n’empêchera pas les Français et les clients internationaux de VMD (Vidéo Marc Dorcel) de consommer du X, mais cela affecte l’image d’un groupe (50 personnes et 37 millions de chiffre d’affaires) qui a tout fait jusqu’à présent pour conserver une image haut de gamme, celle d’un « porno chic » éloigné du hard plus ou moins crade (d’un point de vue technique et artistique) des « amateurs » à la Jacquie & Michel.
Le Monde, dont l’audience baisse de manière continue depuis 20 ans, injecte de plus en plus de sexe dans ses pages mais ne peut se permettre d’aller jusqu’à la pornographie, si attractive pour le consommateur mondialisé. Il le fait mais sous un habillage féministe, culturel, progressiste. Il se démarque ainsi du porno qui représente le sexe prolétaire, vulgaire et indigne, car antiféministe.
Ce journal libéral-libertaire en perdition (il suit la même pente fatale que Libé) peut refaire de l’audience avec du « bon » sexe sans tomber dans le mauvais sexe.
Hypocrisie bourgeoise, quand tu nous tiens...
- Grégory Dorcel au milieu de ses actrices (X)
Le flingage par Le Monde de Marc Dorcel, un chef d’entreprise pourtant prisé des médias puisqu’il fait les beaux jours d’un gros opérateur de téléphonie (qui fait 10M de CA avec le X) et de Canal+, une chaîne qui avait des accords de non agression avec le quotidien du soir (Lescure avait un pied dans chaque camp), ne peut se comprendre que par un revirement ou une hypocrisie bien bourgeoise du journal.
Le Monde et le sexe
Un revirement sur le progressisme d’une direction qui, depuis la prise en main par le trio BNP (Bergé, Niel, Pigasse), ne voyait pas d’un mauvais œil l’injection de fortes doses de sexe vendeur dans ses pages de moins en moins lues. Pierre Bergé, homosexuel affiché, grand jouisseur, et Xavier Niel, ex-éditeur de minitel rose, patron de sex-shops et de peep-shows, accusé de proxénétisme (et placé en détention provisoire pour ça ), plus l’amateur de punk rock Matthieu Pigasse, le banquier branché de chez Lazard, patron du bien-nommé Vice (France), tout cela a changé l’orientation d’un journal qui n’était déjà plus lui-même depuis le milieu des années 90 avec le trio Minc-Colombani-Plenel.
À ce propos, nous avons retrouvé une coupure de presse datant de 2003 quand Péan & Cohen, tous deux disparus aujourd’hui, avaient envoyé leur Face cachée du Monde en plein dans la salle des machines, la torpille finissant par avoir raison de la réputation surfaite du journal.
Il fut une époque, sinistre, où Blum était "un homme à fusiller dans le dos". La nôtre, par le biais d’un invraisemblable déferlement de haine, relayé jusqu’à plus soif, a fait feu sur Le Monde. Avec une arme : la calomnie. Imagine-t-on, par le biais d’un livre venimeux, charriant pêle-mêle le ressentiment et la dévotion déçue, déstabiliser une communauté de travail qui compte plusieurs milliers de salariés ? Non bien sûr. Aussi ma première préoccupation, dès la sortie du livre de Pierre Péan et Philippe Cohen, fut-elle d’aller d’abord à la rencontre des ouvriers, des employés, des cadres et des journalistes du Monde, puis des personnels du groupe des journaux du Midi libre, afin d’écouter, de répondre aux inquiétudes suscitées par l’agression que nous subissons, et aux questions nées d’un brûlot construit à coups d’insinuations et d’injures, de diffamations et de folles accusations.
C’est le premier paragraphe d’un À nos lecteurs complètement délirant de la part du directeur du journal de 1994 à 2007, Jean-Marie Colombani. Il accuse les auteurs de l’enquête d’avoir mis en péril le groupe et son navire amiral, mais ce sont les choix idéologiques très libéraux de Minc, Colombani et Plenel qui fragiliseront la coque.
Tirer sur l’ambulance du X
Voilà pour l’histoire. Aujourd’hui, en 2019, qu’est-ce qui fait que le brûlot libéral-libertaire Le Monde, devenu un journal de propagande à la fois vendu au Marché et déficitaire, s’attaque à la figure française de la pornographie, un entertainment pourtant très libéral-libertaire, très dans la ligne du journal ? Est-ce une manière de faire de l’enquête sur une cible molle sans risquer un retour de bâton ?
« Nous sommes un acteur global d’entertainment, un peu comme Disney ou Warner » (Grégory Dorcel)
On aurait plutôt dit Pisney ou Warder mais l’heure n’est pas aux jeux de mots. Marc Dorcel, un Hongrois né Marcel Herskovitz en 1934, est le père de Grégory, qui dirige la société VMD, Vidéo Marc Dorcel.
La particularité de cette maison de production est d’avoir traversé les décennies en surfant à chaque fois sur la bonne vague : d’abord les cassettes vidéo, puis les films prestigieux (diffusés au Journal du Hard de Canal+), la VOD (vidéo à la demande), puis le porno en réalité virtuelle, sans oublier les sextoys et le business médiatique. Le tout arrosé d’une stratégie de marque intelligente, qui fera connaître et vendre le groupe à l’international (USA, Europe).
L’article du Monde frappe là où ça fait mal, qu’on a déjà évoqué sur E&R : les conditions de travail des filles du X et leur apparente liberté de choix. Voici le témoignage de la hardeuse Oksanna, recueilli par l’enquêteur Robin d’Angelo :
« On m’avait remis une liste de chose à faire pour se starifier, se remémore Oksana, Dorcel Girl de l’année 2007. Ce qui m’avait fait rire, c’était le “ne pas approcher les gens bas de gamme, moches ou vulgaires”. Ça, c’était le pompon ! Je n’avais pas le droit non plus d’être vue avec un sac à dos ou un sac plastique à la main. »
Et, une fois sortie des plateaux télé de Cauet ou d’Ardisson, la réalité du porno reprend ses droits, loin de l’image glamour mise en avant par Dorcel. Oksana se souvient avoir été payée 1 500 euros net par mois, un cachet englobant ses tournages mensuels et ses prestations pour la marque. « Je vivais dans un logement étudiant qui me coûtait 400 euros, poursuit l’ex-vedette du X, aujourd’hui camgirl (femme s’exposant contre rémunération par le biais d’une webcam) dans le nord de la France. Quand des journalistes voulaient m’interviewer chez moi pour connaître la vraie vie d’une actrice de porno, je devais trouver des combines pour refuser. Il y avait un petit côté “pauvresse de service”. »
VMD a réussi à surnager dans le flot de production médiocre et de gratuité actuelle (à travers les Tubes) grâce à ses partenariats avec les opérateurs (75 dans le monde) mais surtout grâce au marché de la sous-traitance du X de basse qualité, disons-le carrément : du hard crade. Sans avoir l’air d’y toucher, les Dorcel font produire du X amateur mais sous d’autres marques et engrangent les profits, car ils ont les moyens de faire usiner des petits producteurs qui ne coûtent pas cher.
Là encore, des productions au rabais, avec des budgets pouvant descendre à 4 000 euros le film de trois scènes, soit un cachet de 250 euros à 350 euros pour les actrices, sauf pour les très rares vedettes du secteur. Pour les mettre en scène, Dorcel pioche dans le même vivier de réalisateurs, d’acteurs et d’actrices que Jacquie & Michel (J & M), le spécialiste du porno low cost, désormais son concurrent sur le marché de la VOD en France.
Ensuite, la revente multiple via tous les canaux de distribution disponibles permet à VMD de valoriser, en tant qu’intermédiaire incontournable, des productions qu’il manipule avec de longues pincettes. Gainsbourg appliquait le même système à la chanson en achetant cash des mélodies à des créateurs de l’ombre, pour signer la musique et remplir ses poches des droits d’auteurs, théoriquement incessibles en France. Mais quand on a faim, on vend ce qu’on a.
Si Dorcel est le distributeur exclusif en Europe du studio américain Digital Playground, il est aussi très présent sur le marché français du « pro-am » (contraction de professionnel et amateur), qui propose des films réalisés avec très peu de moyens, jouant sur la proximité, souvent des compilations de scènes bas de gamme autour d’un thème (la mère de famille, la secrétaire…). Dorcel en achète à presque tout ce que le pays compte de petits producteurs. Sa force de frappe lui permet de leur imposer ses conditions. Un partage de revenus sur les ventes, qui laisse rarement plus de quelques milliers d’euros de chiffre d’affaires à ses fournisseurs.
Alors, tout ceci est bien beau mais ne nous dit pas pourquoi le canard boiteux de Bergé (mort de vieillesse), Niel et Pigasse (qui a revendu une partie de ses parts à l’homme de paille d’intérêts plus obscurs Daniel Kretinsky), un canard qui était devenu par faiblesse éditoriale très porno-friendly, prend soudainement des airs de ligue de vertu.
La tentative de pénétration dans le monde politique de Dorcel, qui pense avoir une image clean, est l’occasion de tailler ce blanchiment :
Une notabilité qui s’accompagne d’efforts politiques. Après avoir longtemps milité contre le piratage, en réclamant notamment aux fournisseurs Internet de couper l’accès aux sites de contrefaçon, Grégory Dorcel s’investit désormais dans la protection des mineurs. Sur son ordinateur, les copies des lettres qu’il a envoyées au ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer ou au cabinet de l’ancienne ministre de la Famille, de l’Enfance et des Droits des femmes Laurence Rossignol. « Dorcel, la pornographie responsable et éthique ! », ironise cette dernière. Le producteur-distributeur s’est également rapproché d’associations de protection de l’enfance, comme l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique. Avec succès.
Sous-entendu, maintenant les pornocrates s’occupent de protéger nos enfants !
- Anna Polina, une des stars maison
Derrière cet effort de vertu, il y a une arrière-pensée commerciale :
« Grâce à lui, j’ai pu être mis en relation avec l’actrice Anna Polina pour tourner une vidéo de prévention afin de rappeler aux mineurs l’aspect fictionnel des images porno », se félicite son président, Thomas Rohmer. En ligne de mire pour Dorcel, la mise en place d’un système de vérification de l’âge qui pourrait passer par l’entrée d’un numéro de carte bancaire, et porterait ainsi un coup fatal aux tubes (plates-formes porno gratuites).
Le Monde a cité Laurence Rossignol, que nous avons retrouvée sur le plateau de C à vous animé par Ali Baddou. Et là, ça va parler prostitution... mais artistique. On n’est plus dans le porno plus ou moins chic, on est dans la prostitution haut de gamme. La bourgeoisie s’y retrouve et Léa Salamé s’y vautre avec un bonheur non feint.
Les passerelles entre porno et prostitution existent, certaines actrices en parlent mais à mots couverts. En général, après une carrière de « footballeur » (10 ans en moyenne), les hardeuses, qui sont considérées comme démonétisées après 30 ans, font des « shows », des « cams » ou des piges (en boîtes privées pour des clients choisis) sans être véritablement maquées, mais leur producteur ou celui qui leur trouve les plans peut être assimilé à un proxénète.
Cet esclavagisme sexuel n’empêche pas Léa Salamé d’être fascinée par la prostitution, et c’est une puce anormalement excitée qui vient piailler son texte sur le plateau d’Ali Baddou. On ne l’a jamais vue parler avec autant d’emphase et de volume. On dirait qu’une souris s’est glissée dans sa robe.
Tout ça pour dire que le porno, qui est une forme de prostitution à distance ou virtuelle, a toujours été considéré comme un univers sale par les médias mainstream car il ne se dissimule pas sous un vernis culturel. Quand Marcela Iacub raconte ses histoires de cul dans Le Monde, c’est acceptable, car ce sont des « travaux », comme l’écrit Jean Birnbaum.
Attention aux moments-clés ! L’intromission constitue une étape sensible, même après un cunnilingus/anulingus ou une pénétration digitale. Si vous connaissez mal la personne, calmez vos ardeurs. Même chose pendant les grands emballements pré-orgasmiques : n’en profitez pas pour larguer les amarres. Au contraire, maintenez votre main/gaine/cockring bien en place.
Ainsi, la dessinatrice et auteur Maïa Mazaurette dispose-t-elle d’une large couverture dans M Le Mag (le magazine hebdomadaire du Monde destiné aux annonceurs) avec sa chronique porno-graphique, mais toujours avec cette approche culturelle et, surtout, féministe. Le féminisme, ça ouvre aujourd’hui toutes les portes : on peut faire du X très poussé si on est féministe car cela devient un combat d’émancipation, une analyse forcément sociologique. Les autres, les non-féministes, ou qui n’ont pas le temps de l’être, ne sont que de pauvres prolotes à 150 balles le tournage qui cherchent à payer leur loyer.
On le voit, Le Monde, comme France Télévisions, veut bien parler de sexe et de sexe cru lorsque l’audience l’exige (les deux médias sont en chute constante) mais sort ses pinces et ses pincettes lorsqu’il s’agit de porno qui est assimilé à un besoin populaire, comprendre non bourgeois. Les bourgeois partouzent, les prolos regardent du porno et les vaches sont bien gardées.
En cognant sur Dorcel et le porno, Le Monde se refait une vertu au moment où il injecte de plus en plus de sexe et de transgression dans ses colonnes (homosexualisme, identités de genre, niches sexuelles les plus tordues, et avec la PMA puis la GPA on flirte avec l’achat d’enfants, donc la pédophilie autorisée), suivant en cela le plan mondialiste, qui possède toujours sa branche du porno qui sert à embrigader les jeunes et à détruire les relations amoureuses « gratuites ». Ces contradictions internes à l’idéologie mondialiste ne sont pas problématiques : Le Monde doit se démarquer d’un business basé sur le viol en plateau et le fantasme de viol devant son écran. Le mouvement MeToo est passé par là, on doit donc condamner moralement le sexe 1.0 :
« Dorcel, c’est aussi les intrigues autour du consentement, nuance son ancien complice Michel Barny, avec qui il a signé une vingtaine de films entre 1981 et 1998. Pour lui, il fallait toujours que la fille dise “non, non, non…” Jusqu’à ce qu’elle finisse par craquer et en redemande. Ce sont les seules fois où on s’est engueulés. Et, pour cause, on était dans une période de libération sexuelle où il n’était plus question de forcer quelque nana que ce soit. »
Jolies petites garces n’échappe pas à la règle.
La première séquence porno du film met en scène une jeune femme dans un parking, où elle est déshabillée de force par son partenaire, avant de céder à ses avances. « En ce temps-là, il n’était pas acceptable qu’une femme avec une libido forte se jette sur des mecs. Elles ne pouvaient pas dire “oh ! oui, prends-moi !” », désamorce Marie-Laurence de Rochefort, première attachée de presse de la marque, toujours au service de son patron.