La petite analyse d’E&R
Dans ce qu’on appelle désormais l’affaire Air Cocaïne, des noms vont et viennent. Certains disparaissent, puis réapparaissent, et tout le monde fait semblant de les découvrir. Le 13 août 2015, le journal 20 Minutes publie un papier qui passe inaperçu : nous sommes un 13 août, un jeudi matin, les Français sont en vacances, la France est en pleine torpeur, les médias ronronnent, ça passe à la trappe. Deux mois plus tard, au pic de la médiatisation de l’affaire, le nom de Sarkozy sort, par l’entremise du JDD, dont voici la partie publiée ce dimanche 1er novembre 2015 :
« Selon nos informations, la juge d’instruction de Marseille Christine Saunier-Ruellan, en charge de l’affaire Air Cocaïne, a soupçonné Nicolas Sarkozy d’avoir été en prise avec le trafic de drogue de République dominicaine. Pour preuve, une copie de la procédure, que le JDD a pu consulter.
Dans le plus grand secret jusqu’à ce jour, la juge a demandé aux policiers de la brigade financière d’obtenir la géolocalisation de deux téléphones portables de l’ancien président, pour les mois de mars et avril 2013. Elle a aussi souhaité consulter un an de fadettes, de mars 2013 à mars 2014. Un travail d’enquête de la brigade financière qui a fait chou blanc.
Le 19 mars 2013, la police dominicaine interceptait sur le tarmac de l’aéroport de Punta Cana un Falcon 50 avec près de 700 kilos de cocaïne à son bord. Deux jours plus tard, l’avion avait été réservé pour un vol Paris-Bordeaux et devait ce jour-là acheminer Nicolas Sarkozy. »
Mais le nom de Sarkozy était déjà sorti. Voici maintenant le papier de 20 Minutes, qui disait déjà presque tout, et dont certains protagonistes ne font plus la une. Attention : être cité et/ou entendu dans une instruction ne veut pas dire qu’on est coupable. Mais les juges ont tiré sur une bien étrange chaîne...
20 Minute » dresse la liste des protagonistes dont les noms sont apparus dans l’affaire dite « Air Cocaïne » qui doit connaître son épilogue ce jeudi (13 août 2015)…
On dirait un roman policier. « Enfin, un mauvais roman policier… », souffle Sabine Fauret, l’épouse d’un des pilotes accusé d’avoir voulu ramener 680 kilos de cocaïne en France depuis la République dominicaine en 2013. Alors que le tribunal de Saint-Domingue doit rendre, ce jeudi, sa décision dans l’affaire « Air Cocaïne » dans laquelle quatre Français sont accusés de « trafic de stupéfiants », 20 Minutes dresse la liste des acteurs qui se croisent dans ce drôle de dossier. Pour de bonnes ou de mauvaises raisons…
Pascal Fauret et Bruno Odos, les pilotes
« Ce n’étaient que de simples chauffeurs. » Agés de 55 et 56 ans, Pascal Fauret et Bruno Odos sont aujourd’hui au centre de ce procès pour « trafic de stupéfiants ». Anciens de l’armée de l’air, ces deux pilotes reconvertis dans le voyage d’affaires, via la société SN THS, assurent qu’ils ignoraient le contenu des 26 valises qu’ils devaient ramener en France depuis Punta Cana, ce 20 mars 2013. A l’intérieur se trouvaient 680 kilos de cocaïne. « Je rappelle que les pilotes n’ont pas le droit de contrôler les bagages », rappelle Eric Le François, l’un de leurs avocats. Le parquet a requis 20 ans de prison à leur encontre.
Nicolas Pisapia, le passager
Officiellement, c’était le seul passager à devoir embarquer sur le petit Falcon. Nicolas Pisapia, 38 ans, n’avait pourtant pas le profil d’un voyageur pouvant se payer un vol transatlantique privé. Lui assure qu’il se rendait en République dominicaine afin de trouver des investisseurs capables de financer ses projets en Roumanie, où il résidait alors. « La veille, il avait quand même prévenu les pilotes qu’il aurait 500 kilos de bagages, rappelle Christophe Naudin, expert en sûreté aérienne qui a témoigné lors du procès. Depuis il nie… » Et dans une lettre envoyée à La Provence, il parle d’un « coup monté ».
Frank Colin, le jet-setteur
Rapidement interpellé en France après l’opération en République dominicaine, Franck Colin est un « ami » de Nicolas Pisapia. Mais pas seulement. Marié à une créatrice de mode très en vue à Bucarest (Roumanie), cet homme de 40 ans est un proche de Jean Roch qu’il a accompagné à Paris dans les années 1990 pour monter de célèbres boîtes de nuit parmi lesquelles le VIP Room. Selon plusieurs sources, c’est lui qui aurait commandé le vol litigieux entre Punta Cana et Saint-Tropez. Il pourrait être renvoyé devant un tribunal correctionnel en France où une instruction est en cours.
Alain Castany, le broker
Dans le jargon, on appelle cela un « porteur d’affaire ». Dans le milieu de l’aviation, Alain Castany est connu pour sa capacité à organiser des « vols discrets », selon une source proche du dossier. C’est donc lui qui aurait mis en relation Nicolas Pisapia et Franck Colin avec la société SN THS. Pilote à ses heures perdues de Falcon 10 et 20, il était lui aussi présent dans l’avion au moment de la descente de police. « À l’arrivée des policiers dominicains, il a rapidement enfilé une veste de pilote pour faire croire qu’il en était un », raconte Christophe Naudin, expert en sûreté aérienne. Etranger, selon lui, à toute cette affaire, il encourt une peine de 20 ans de prison pour « trafic de stupéfiants ».
Alain Afflelou, le propriétaire de l’avion
Stupeur en mars 2013 quand les médias informent de l’arrestation d’un avion privé appartenant à Alain Afflelou, le célèbre lunetier. Pour autant, il n’y est pour rien. Son Falcon 50 était en fait loué à un tiers via la société SN THS comme il est d’usage en matière d’aviation. Seul problème pour lui, l’avion ne lui a jamais été restitué. « Le problème, c’est que les autorités dominicaines vont devoir le remettre en état s’ils acquittent tous les protagonistes », assure Sabine Fauret, l’épouse d’un des pilotes.
Nicolas Sarkozy, l’homme qui voyage beaucoup
Victime collatérale ? Le nom de l’ancien président apparaît dans le dossier Air Cocaïne à la faveur d’une perquisition menée par des juges français dans les locaux de la société SN THS qui était chargée du vol litigieux. En fouillant dans les factures, les juges découvrent que l’ancien président a utilisé à trois reprises entre 2012 et 2013 des vols privés de cette société pour se rendre au Qatar ou aux États-Unis. Seul problème, c’est la société Lov Group dirigée par Stéphane Courbit, un ami de Nicolas Sarkozy qui s’est acquittée de la facture. Pour quelles raisons ? La justice a ouvert une enquête en parallèle.
L’interview des deux pilotes par le 20 Heures de France 2, le 27 octobre 2015 :