Extrait du livre Les « antisémites » de gauche de Roland Gaucher et Philippe Randa paru en 1998, et repris sur le site d’Arthur Sapaudia.
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Nous avons demandé à Pierre Guillaume un point de vue plus complet sur ses activités, aussi nous a-t-il fait parvenir la réponse ci-après que nous reproduisons intégralement.
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Messieurs,
Vous me demandez si j’accepterais de répondre à vos questions dans le cadre d’un livre que vous envisagez sur « L’antisémitisme et la gauche ». Le sujet est effectivement très important et il règne dans ce domaine une désinformation totale. Mais il serait peut-être nécessaire de s’interroger préalablement sur ce que signifient ces deux mots : « antisémitisme » et « gauche ».
Le judaïsme, en tant que religion mono-ethnique du peuple hébreu, puis « les Juifs », ont fait l’objet de critiques de tous ordres et de toutes natures, et le peuple d’Israël, dans sa longue histoire, a rencontré l’adversité sous des formes très diverses […].
Amalgamer toutes les critiques de diverses natures, et toutes les adversités qu’ont pu rencontrer les Juifs sous le vocable d’antisémitisme constitue une escroquerie intellectuelle, à laquelle se livrent allègrement non seulement les zélotes du sionisme, mais une bonne partie des Juifs de toutes tendances, au point d’avoir réussi à créer un climat intellectuel irrespirable, puisqu’il est devenu maintenant pratiquement interdit d’évoquer tel ou tel aspect du judaïsme, ou telle pratique juive, ou telle personnalité juive autrement que laudativement, sous peine d’être suspecté d’antisémitisme. La construction du mot lui-même est absurde. Il existe un ensemble de langues sémitiques comme l’hébreu, l’arabe, et diverses langues du Moyen-Orient ancien, comme l’araméen. Il n’existe pas de peuples sémites qui puissent correspondre à une entité identifiable, en dehors des peuples d’origines ethniques et historiques très diverses qui parlent des langues sémitiques.
Mais le mot a été créé en Europe au XIXe siècle pour désigner spécifiquement une attitude d’hostilité envers les Juifs, dont plus aucun, en dehors d’une très petite minorité de rabbins, ne parlait l’hébreu. De plus, dans l’ambiance des débuts de l’anthropologie au XIXe siècle, la science était « raciste », unanimement « raciste ». Ce qui ne doit pas être interprété à travers les fantasmes hystériques de l’idéologie « antiraciste » actuelle, mais signifie simplement que, confronté à l’extraordinaire diversité humaine, la science d’alors affirmait l’unité de l’espèce, et tentait de rendre compte néanmoins de la diversité, le polymorphisme humain comme on dit maintenant, par le concept de « race », dont on a cherché à préciser les contours de toutes sortes de manière, en privilégiant d’abord l’anthropologie physique.
L’ambiance scientiste, matérialiste, déterministe de l’idéologie scientifique de l’époque conduisait tout naturellement à rechercher aussi dans le substrat biologique (la race) l’explication des non moins extraordinaires diversités culturelles et de civilisation. Cette ambiance « raciste » dominait donc à l’époque où commençait à se manifester un mouvement d’hostilité d’une nature nouvelle à l’égard des Juifs. Le mot « antisémitisme » a été créé pour désigner ce mouvement-là à cette époque-là. Les causes de la montée d’une hostilité à l’égard des Juifs à ce moment-là sont de natures très diverses, et j’incline à croire que la prétendue race des Juifs n’était pas la cause opérante du conflit, mais l’explication « raciste » de cette hostilité caractérise et différencie nettement le mouvement « antisémite » qui culmine avec l’hitlérisme, des autres formes de critique du judaïsme et d’hostilité à l’égard des Juifs.
La différence essentielle tient tout simplement au fait que personne n’est responsable de sa « race », et personne ne peut en changer. Cette interprétation raciste des sources de la conflictualité débouche soit sur une politique de statut différencié, soit sur une politique d’apartheid, soit sur une politique d’expulsion, soit sur une politique d’extermination, selon l’intensité et la radicalité de l’antagonisme. Ce qui n’est nullement le cas de l’antijudaïsme chrétien, à l’intérieur duquel il faut distinguer l’antijudaïsme catholique, qui, tout au contraire, a toujours entretenu des relations extrêmement complexes avec le judaïsme, et a protégé les juifs, y compris pendant la Deuxième Guerre mondiale des persécutions que les juifs suscitaient et subissaient pour toutes sortes de causes et de raisons.
Pour des raisons évidentes, la propagande sioniste tire un avantage majeur d’un amalgame de toutes les formes d’antijudaïsme avec l’antisémitisme raciste. D’abord cela lui permet de développer une vision de l’histoire juive, complètement paranoïaque, où les Juifs sont les perpétuelles victimes innocentes d’un ostracisme universel qui débouche inéluctablement sur leur persécution et sur leur extermination. La constitution d’un État juif, nécessairement surpuissant pour ne pas dire tout puissant, devient la seule solution pour sauver les Juifs du génocide qui les menace. Puis dans un deuxième temps, il faudra organiser à l’échelle mondiale la chasse et l’extermination des criminels contre l’humanité, qui ne comprennent pas que l’alpha et l’oméga de la politique mondiale doit consister avant tout à protéger les Juifs… de leur propre fantasme !
C’est bien là le mensonge idéologique parfait : le mensonge qui créé par lui-même les conditions de sa propre vérification ! (Comme souvent les délires paranoïaques !)
Cela permet surtout à la propagande sioniste de stigmatiser tous ses adversaires comme de prétendus « racistes », de mobiliser sous sa direction toutes les victimes ou prétendues victimes du « racisme » ; et cela permet surtout de culpabiliser, de déboussoler et de déstabiliser ceux qui sont victimes de cette accusation. À partir des années trente, avec la fondation par Bernard Lecache de la LICA (qui deviendra la LICRA), l’antiracisme deviendra le fond de commerce de tous les activismes juifs, et du plus important d’entre eux : le sionisme. On retrouve pareillement des activistes juifs derrière la création du MRAP, de SOS racisme et derrière la mise en spectacle systématique du « racisme des Français » dans tous les médias. Il existait même à la fin des années soixante-dix, une section du Betar spécialement destinée à faire monter cette mayonnaise-là. Dans toute cette agitation « antiraciste », les Arabes et les Antillais n’ont jamais eu qu’un rôle de figurants, ou pour certains d’idiots utiles, et de goyim du Shabbat, tant cet « antiracisme » n’a rien à voir avec une lutte réelle contre des préjugés raciaux ou une discrimination réelle, mais ne sert essentiellement qu’à pourchasser des adversaires, accusés de « racisme », c’est-à-dire non pas de pratiques ou de comportements discriminatoires, mais de crime de la pensée par non-conformisme idéologique.
Il n’est d’ailleurs pas nécessaire de développer ce point puisque c’est dans cette ambiance idéologique qu’a été élevée toute la nouvelle génération, depuis une trentaine d’années : les Juifs ont été victimes du « racisme » et sont à la pointe de la lutte contre le « racisme ».
Mais à y regarder de plus près, le sionisme politique, né à la fin du XIXe siècle, comme ses ancêtres religieux messianiques, réclamait également une politique de séparation et d’apartheid. Le judaïsme, tel qu’il se dévoile dans la Torah, est fondamentalement et radicalement raciste, et fait de l’extermination des ennemis d’Israël un devoir sacré ! La fête religieuse la plus populaire parmi les Juifs, la fête de Pourim, célèbre et commémore le massacre (mythique) systématique des ennemis d’Israël, accusés (déjà) d’avoir voulu exterminer les Juifs. Comparé au racisme incandescent qui s’exprime dans la Torah, au bellicisme, au terrorisme systématique qui y sont revendiqués, et dont le seul critère moral est le triomphe et la gloire d’Israël, le Mein Kampf de Hitler apparaît bien modéré… C’est évidemment la chose qu’il ne faut pas dire… mais qu’il est aisé de vérifier par une lecture attentive de La Bible et de Mein Kampf.
D’ailleurs, à l’origine du sionisme, dans le yiddishland germanico-russo-polono-ukrainien d’Europe centrale, le mouvement sioniste naissant se définit lui-même comme un mouvement « « völkisch » . Ce mot en allemand signifie « du peuple » ou « populaire » (Volk = le peuple), mais avec la connotation culturelle allemande de ce mot, différente de la connotation française. Le mot peuple est pris dans son acceptation ethnique et naturaliste. Dans Mein Kampf, Hitler définit également son mouvement comme un mouvement « völkisch ». Mais la traduction française, (financée avant-guerre par la LICRA aux Éditions Sorlot, devenues Nouvelles Éditions Latines, donc l’édition actuellement disponible) traduit völkisch par « raciste ». Mais quand il s’agit de traduire les textes des précurseurs sionistes, le mot völkisch est simplement traduit par « populaire » ou « du peuple ». On évite soigneusement d’utiliser le mot « raciste ».
Le judaïsme en général et le sionisme tout spécialement sont parvenus à dissimuler au public les conceptions profondément racistes qui les animent en profondeur, dans un effort de dénégation remarquable, et en prenant la tête de l’idéologie antiraciste. « Ce n’est pas moi qui suis raciste proclame le judaïsme, c’est Hitler qui me contraint de l’être ! » L’antiracisme judaïque débouche dès lors sur une impasse, et cette rhétorique a permis de justifier toutes sortes de pratiques profondément racistes et agressives dont la situation en Palestine actuellement est la résultante et le révélateur.
Force est de constater que, depuis 1945, cette rhétorique a parfaitement fonctionné, et le judaïsme s’est acquis une véritable juridiction morale, et même une juridiction légale, dont le procès Papon est la dernière manifestation. Le génocide-Holocauste-Shoah est le seul événement de toute l’histoire de l‘humanité qui soit dogmatiquement affirmé par la loi. Et les ligues commémoratives ont le pouvoir sans précédent d’accuser rétroactivement. Jadis on apprenait l’histoire sainte au catéchisme et l’histoire à l’école. Désormais c’est à l’école laïque que l’on apprend l’histoire sainte des Hébreux, et l’extermination des Juifs à Auschwitz a remplacé comme événement fondateur de l’ère nouvelle (postmoderne disent-ils) la mort du Christ sur la croix.
La droite en général a été d’abord la principale victime de cette instrumentalisation de l’accusation d’antisémitisme à tort et à travers. On comprend donc la réaction pour un homme de droite qui consiste à dire « C’est pas nous, c’est la gauche », ce qui, historiquement, n’est pas faux, mais cette réaction, compréhensible, a l’inconvénient de constituer l’antisémitisme en référent, à l’aune duquel chacun doit être jugé, et sans s’interroger sur la signification de ce mot. « L’antisémitisme », ce serait le mal qui relève d’une pulsion irrationnelle, injustifiée, injustifiable, voire pathologique. Or, ce mot en lui-même est un mot valise, et le contenu de la valise est piégé. Pour la raison que j’ai déjà indiquée, ce mot réalise l’amalgame de toutes les oppositions, obstacles, critiques, persécutions, injustices ou atrocités auxquelles les Juifs ont eu à faire face.
Mais le judaïsme, la religion juive, proclame que Dieu, dans une sorte de contrat synallagmatique, a promis au peuple d’Israël, en échange de sa soumission et de l’accomplissement des mitsvot, qu’il finirait, au terme de l’histoire, par exercer sa domination mondiale. L’histoire, qui voit la chute, et la destruction successive de toutes les nations et de tous les empires, dans sa dialectique, assure et réalise le triomphe final d’Israël, les temps messianiques.
Le projet messianique dont le peuple juif est porteur, disent les rabbins, est un projet explicitement politique, mondial et historique. La nation juive est la nation prêtre, la nation pédagogue, destinée à accomplir l’humanité par sa propre domination religieuse, et donc la domination d’une religion qui ne fait pas la différence entre le religieux et le politique !
Il existe certes d’autres interprétations judaïques de la Bible et de la mission historique théocratique du peuple juif, mais ce raccourci extrême et brutal correspond effectivement à l’interprétation sioniste majoritaire actuellement. Il en résulte qu’il suffit d’avoir un projet religieux ou politique ou social différent du projet judaïque pour être, un jour ou l’autre, taxé d’« antisémitisme ». Et ceux qui ne sont pas encore passés à la casserole ne perdent rien pour attendre. Jéhovah est un dieu jaloux qui ne tolère rien d’autre que lui-même et qui a passé un contrat avec Israël, grâce auquel Il existe (Il est adoré) et grâce auquel Il doit dominer la terre entière. Jéhovah a donc besoin d’Israël comme Israël a besoin de Jéhovah.
Comme cette alliance est inscrite dans la chair et dans le sang du peuple juif de façon irrémédiable (Brith’ Milah = circoncision, et B’nai Brith = fils de l’alliance) quiconque n’est pas Juif ou n’accepte pas la juridiction d’Israël est suspect. C’est du moins ce qu’on enseigne en latin à la Sorbo, oh, oh, oh…ne !
Le Christ a évidemment tout foutu par terre en déclarant « Notre royaume n’est pas de ce monde », et saint Paul a achevé d’anéantir le fondement raciste mono-ethnique du projet théocratique rabbinique en décrétant qu’il n’était pas nécessaire d’être circoncis pour entrer au royaume de Dieu, qui était ouvert également aux gentils.
Les quelques considérations qui précèdent suffisent à montrer que l’accusation d’antisémitisme n’a aucun sens, car en pratique un antisémite est simplement quelqu’un que les Juifs n’aiment pas, pour une raison ou pour une autre, et contre lequel ils s’apprêtent à mobiliser la grosse cavalerie de l’ « antiracisme » chevauchée par la Shoah. Il existe donc autant de formes d’antisémitisme qu’il existe de manière d’être au monde qui n’entrent pas immédiatement dans le projet faisant l’objet de l’Alliance.
L’accusation d’antisémitisme fonctionne comme un mécanisme de dénégation de la parole de l’autre : « Vous dites cela parce que vous êtes antisémite ! » Cela ne sera donc ni entendu, ni considéré, ni discuté.
… Et la Vieille Taupe dans tout ça ? Elle n’est absolument pas antisémite. Elle se revendique d’un antijudaïsme radical qu’elle a toujours proclamé urbi et orbi en se revendiquant du texte fondateur de Karl Marx, La Question juive, qui se termine par la phrase : « L’émancipation sociale du Juif, c’est l’émancipation de la société du judaïsme. » La Vieille Taupe milite en faveur de l’émancipation sociale du Juif. Nous avons publié dans cet ordre d’idée – outre le texte de Marx – L’Antisémitisme, son histoire et ses causes, de Bernard Lazare, Histoire Juive – Religion Juive, le poids de trois millénaires, d’Israël Shahak, et Judaïsme et Altérité, d’Alberto d’Anzul.
Au moins trois des quatre auteurs responsables des textes programmatiques de La Vieille Taupe dans ce domaine sont juifs : Karl Marx, Bernard Lazare, Israël Shahak. C’est dire combien nous n’avons rien de commun avec la tradition antisémite. Nous n’en sommes que plus libres pour constater que beaucoup d’auteurs « antisémites » ont été exagérément calomniés, et que des excuses sont dues à certains, dont nous ne partageons pas le point de vue, mais qui ont été traités comme de véritables monstres antisémites lorsqu’ils ne faisaient qu’énoncer des vérités incontestables, sur le contenu du Talmud par exemple.
La Vieille Taupe dénonce la métaphysique de la terre (d’Israël), et du sang (les fils de l’Alliance) en quoi se résume le judaïsme, dont le socialisme-national est idéologiquement une pâle imitation (une démarcation antagonique). Mais elle reconnaît la totale légitimité de l’attachement naturel à la terre et à la parenté, et lutte contre le déracinement de tout ce qui n’est pas lui-même auquel aboutit la logique totalitaire du projet judaïque.
La Vieille Taupe fait de la restauration de la liberté d’expression en Europe l’objectif majeur et immédiat de tous ses efforts. Elle fait du respect de la libre expression de l’autre, et donc de la libre expression de ses propres ennemis, le seul critère qui entraîne l’exclusion de son sein. La Vieille Taupe est donc en opposition avec la tradition antisémite, et combat l’antisémitisme, mais avec des arguments honnêtes, c’est-à-dire véridiques ; des arguments qu’elle est toujours prête à corriger si on lui montre qu’ils sont faux. Contrairement au judaïsme religieux et à la tradition antisémite, La Vieille Taupe considère que les Juifs sont comme tout le monde, mais que le judaïsme n’est pas une religion comme les autres.
Elle déplore seulement que la plupart ne le sachent pas encore !