La politique étrangère française est morte, estime le responsable des Jeunes de la Droite populaire (UMP) Pierre Gentillet, dans une tribune remise à l’agence Sputnik.
Disons-le d’emblée et sans détours : nous sommes bien loin du temps où la politique étrangère française inspirait le respect dans les pays arabes. Ce fut le cas jusqu’au président Chirac. Après lui ses successeurs infléchiront très largement la politique étrangère française sur une ligne pro-américaine. On imagine difficilement le président François Hollande désapprouvant l’intervention américaine en Irak en 2003 et refusant d’y prendre part tel qu’avait osé le faire le président Jacques Chirac. La France affirmait à cette époque une fois de plus non seulement sa singularité mais aussi son indépendance à la différence des pays d’Europe de l’Est qui s’étaient tous très largement alignés, ce qui fera dire au passage à Jacques Chirac « qu’ils avaient perdu une bonne occasion de se taire ».
La politique étrangère française est morte. Gangrénée par les intérêts étrangers, le hasard et surtout l’émotionnelle et compulsive politique de catéchisme des droits de l’homme. Cette idéologie politique, ayant déjà justifié tant d’interventions étrangères, trouve de plus en plus ses limites aujourd’hui tant il apparaît flagrant qu’elle n’est plus qu’un instrument au service d’une politique néo-conservatrice américaine. Rappelons qu’il y a 3 jours l’Arabie Saoudite a pris la direction, à l’Onu, du panel du Conseil des droits de l’homme. On ne saurait douter que Bernard-Henri Lévy y consacrera son prochain bloc-notes habituel au journal Le Point avec autant d’emphase qu’il en avait eu contre Bachar el-Assad et Vladimir Poutine.
Pour revenir à la France, rappelons que la politique suiviste de celle-ci vis à vis des Etats-Unis nous ôte toute crédibilité face aux pays du Moyen-Orient. Bachar el-Assad, dans une récente interview à la télévision française, énonçait très clairement que la France n’était plus un interlocuteur crédible, préférant parler directement avec les Américains. Combien d’humiliations nous faudra-t-il encore pour que la diplomatie française se relève une bonne fois pour toutes ?
Comprendre l’échec de la politique étrangère française au Moyen-Orient
Avant de comprendre quelle politique nouvelle adopter, il nous faut comprendre les causes qui font que notre politique étrangère est si faible au Moyen-Orient. La première de ces causes est évidemment, et nous l’avons déjà dit, la politique atlantiste française.
Faut-il rappeler qu’en 2013, lorsque la question s’était posée d’une éventuelle intervention en Syrie contre Bachar el-Assad, la France a souhaité attendre le vote du parlement américain pour savoir quelle attitude adopter, reléguant ainsi le pays de Richelieu et Talleyrand à celui de chambre d’enregistrement. Toujours sur la Syrie, nous soutenons, dans la lignée des américains, les mouvements dits rebelles opposés à Bachar el-Assad, dont certains se confondent la plupart du temps avec des mouvements islamistes proches du Front Islamique Al Nosra. La logique commanderait plutôt que nous soutenions Bachar el-Assad qui, lui, lutte réellement et efficacement contre l’Etat Islamique.
Par ailleurs, comment peut-on commercer avec des pays comme le Qatar, auquel nous achetons du gaz en quantité, qui finance l’Etat Islamique en Irak et en Syrie ? Pourquoi ne pas se tourner vers un pays comme la Russie, plus proche, en Europe, et lui-même grand producteur de gaz et de pétrole ? Tout simplement parce que nos alliés — pour ne pas dire nos maîtres — américains ne nous le permettraient pas.
Nous choisissons comme alliés au Moyen-Orient les alliés de nos ennemis revendiqués. Les pétromonarchies, et parmi elles en tête le Qatar, financent Daech et les mouvements terroristes islamiques. À l’inverse nous nous opposons à Bachar el-Assad, à l’Iran, au Hezbollah qui, eux, combattent nos réels ennemis. Soyons bien clairs, ces régimes ne sont en aucun cas des modèles, ni même une solution idéale. Mais en politique on ne choisit pas entre une bonne et une mauvaise solution, mais nous allons vers la moins mauvaise de toutes. En l’occurrence, Bachar el-Assad et l’Iran sont les choix les moins pires. C’est auprès de ces pays du Moyen-Orient, et non pas des pétromonarchies sunnites extrémistes, que la France doit désormais chercher le pivot de sa politique extérieure.
La politique étrangère française, jusqu’à présent sous l’influence des néo-conservateurs, ne nous a conduits nulle part.
L’échec de la vision néo-conservatrice à la française et du choc des civilisations
Il reste encore des tenants de l’alliance américaine et d’une vision religieuse des conflits au Moyen-Orient. Parmi leurs plus dignes représentants on trouve Aymeric Chauprade, adepte d’une vision, d’après nous, plus concentrée sur les effets que sur les réelles causes. Ces tenants du concept fumeux qu’est « l’islamo-fascisme » souhaitent nous faire croire que le nouvel hitlérisme est précisément au Moyen-Orient, ou bien que Mein Kampf serait une réédition du Coran.
L’inconvénient de cette vision est double.
Tout d’abord, le premier inconvénient de cette vision postmoderniste est qu’elle pousse la France et les États européens dans leur ensemble à se ranger derrière l’étendard unique de l’Alliance atlantique, où la politique américaine est clairement le poids lourd, pour ne pas dire principal. Notre politique étrangère devient en cela complètement suiviste et atlantiste.
Le deuxième inconvénient est qu’en adoptant cette vision, nous avons une lecture exclusivement religieuse des conflits au Moyen-Orient, mettant ainsi totalement de côté les logiques d’États à États. On finit par oublier qui finance ces mouvements islamistes pour se concentrer uniquement sur le problème religieux. On oublie que, si nous cessions de commercer avec des États ne dépendant que des ressources de leurs sous-sols et finançant le terrorisme islamique, nous porterions un coup sévère aux financements du terrorisme islamique. Si l’État français récupérait la pleine maîtrise de ses frontières, il pourrait stopper bien plus facilement les terroristes venant sur son sol. Si la France avait un État, elle interdirait, comme l’a fait la Russie pour certaines ONG, les financements en provenance des pétromonarchies sunnites en direction de certaines mosquées radicales. L’argent est le nerf de la guerre, et sans ce nerf, l’État islamique, l’islamisme radical et le terrorisme islamique perdraient une très grande partie de leur force. On le voit bien, le problème originel est donc avant tout un problème géopolitique dans une logique d’État à État, plutôt qu’un problème exclusivement religieux.
Cette vision néo-conservatrice, adepte de la théorie du choc des civilisations, opposant un monde judéo-chrétien en guerre face à un monde musulman (au mépris de ses propres oppositions internes) est totalement contradictoire. Cela revient à préconiser l’alliance et le soutien au Moyen-Orient avec le pompier pyromane que sont les Américains et amalgamer tous les musulmans en potentiels terroristes. Qui plus est, l’alliance avec Israël voulue par les néo-conservateurs, dont Aymeric Chauprade en France, ne conduit à rien : elle nous éloigne de l’Iran, pays sur lequel nous devons désormais compter pour lutter contre Daech. Car que fait notre allié Israélien contre Daech ? Rien. En revanche il bombarde, en mépris du droit international, l’armée de Bachar el-Assad et soutient ses opposants islamistes. Quel est le meilleur allié de la région pour Israël ? L’Arabie Saoudite, faut-il le rappeler. Ce même pays finance lui-même l’islam radical en Europe ainsi que le mouvement islamique qu’est Al-Nosra en Syrie. Encore une fois, il faut donc poser la question de savoir qui sont nos réels alliés dans la lutte contre le terrorisme islamique.
L’ennemi de mon ennemi est mon ami
Il faut être pragmatique. Qui combat Daech, qui combat l’islamisme ? Les chiites, en premier front, et la Russie. Il faut donc d’un côté, comme je l’ai déjà rappelé maintes fois, envisager un rapprochement avec la Russie et de l’autre un rapprochement clair avec les régimes chiites. L’atlantisme effréné et irrationnel de nos dirigeants nous pousse en réalité à nous tourner davantage vers les pétromonarchies sunnites, alliées des Américains, davantage que vers les chiites qui sont nos réels alliés. La France n’a plus de vision à long terme, plus de politique étrangère. Comme le rappelait Xavier Moreau, Laurent Fabius est sans nul doute le pire ministre des Affaires étrangères français depuis au moins 200 ans. La France ne sait pas où elle va, elle joue au coup-par-coup, et lorsque le doute se pose elle rejoint l’ombre de l’Oncle Sam.
La France doit désormais se positionner aux cotés à la fois du Hezbollah, de la Syrie alaouite, de l’Irak et de l’Iran chiites. Le fameux arc chiite est le gage de stabilité dont le Moyen-Orient a besoin, et la France doit concentrer tous ses efforts pour aller dans ce sens. Ce continuum chiite aurait pour avantage de porter un coup certain à l’expansionnisme islamique sunnite des pays du golfe et surtout stabiliserait la région.
Vis-à-vis de la Russie, à présent, il s’agit d’être logique et pragmatique. Cet allié historique de la France combat le terrorisme islamique à la fois sur son sol, au Tatarstan ou en Tchétchénie, et directement au Moyen-Orient en soutenant financièrement et militairement le régime de Bachar el-Assad. La France doit non seulement rejoindre la coalition Iran-Syrie-Russie dans la lutte contre Daech, mais également cesser d’acheter son gaz au Qatar en le prenant directement auprès de la Russie qui, elle, ne finance pas le terrorisme islamique.
Le « nationalisme » c’est la paix
Ce titre volontairement provocateur reprend la fameuse phrase de François Mitterrand : « Le nationalisme c’est la guerre. »
La nation est au contraire un gage de stabilité et de paix au Moyen-Orient.
L’avantage de grandes nations arabes telles la Syrie de Bachar el-Assad, l’Égypte de Nasser, aujourd’hui du Marechal Al Sissi, la Turquie d’Atatürk ou encore l’Irak de Saddam Hussein est qu’elles ont su geler tous les conflits religieux internes aux pays et plus généralement dans toute la région. Un pouvoir fort, un État solide, des communautés religieuses fondues dans l’idéal national permettaient ainsi de promouvoir la stabilité et la paix intérieure. Les interventions occidentales en Irak ou encore les ingérences en Syrie ont gravement endommagé la stabilité de cette région et le nationalisme arabe, qui a fait place à un fanatisme religieux qui n’existait pas il y a 20 ans.
La France doit donc encourager l’émergence toute force nationale et laïque au Moyen-Orient pour contribuer à la stabilité de la région et à la sauvegarde de ses intérêts.