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Pierre-Antoine Cousteau – 14 Juillet, 1954

Ce 14 juillet 1954 est le premier, depuis dix ans, que je fête (si j’ose dire) en dehors d’une prison.
Comme le disait si justement mon bon maître Victor Hugo :

Oui, la chute de cette Bastille, c’était la chute de toutes les bastilles… c’était l’écroulement de toutes les tyrannies. C’était l’éclosion de l’homme… Le 14 juillet a marqué la fin de tous les esclavages.

Ces lignes de l’immortel pontife, c’est en prison que je les ai copiées. C’est seulement lorsqu’on est soi-même en prison qu’elles prennent toute leur saveur. À côté des géants de la pensée démocratique, quel est l’humoriste de profession qui supporte la comparaison ?

 

Cette année, pour l’anniversaire de la prise de la Bastille, je ne suis pas en prison. Ou plus exactement, on a négligé de m’y remettre. Ce qui chagrine fort MM. Lecache, Bourdet et Debû-Bridel, ces personnalistes.
Mais Bardèche, lui, est en prison. Et c’est l’essentiel. La Démocratie française a besoin, pour s’épanouir, d’un contingent d’hérétiques emprisonnés. La vertu de l’exemple : voyez ce qui vous arrivera si vous pensez mal.

J’ai cherché en vain dans toute la presse-issue que j’ai le triste devoir de lire chaque jour une seule ligne en faveur de Bardèche.
Une seule ligne d’un honnête journaliste qui conviendrait honnêtement que, tout de même, dans ce cas précis, les gens du Système vont un peu fort. Mais tous les détenteurs de rubriques se sont tus. Cette iniquité-là ne les concerne pas. Et ils n’éprouvent même pas le besoin de s’en laver les mains. Peut-être ignorent-ils eux-mêmes qu’ils ont les mains sales.

Les mains sales de M. Mauriac se sont jointes pour prier Dieu qu’on accorde une amnistie complète aux assassins de couleur.
Aux assassins des colons français.
À ceux-là seulement.
Pas à un écrivain français qui s’est permis de dire sur les monstruosités juridiques du procès de Nuremberg ce que cent juristes étrangers, neutres ou alliés, ont dit dans leurs pays respectifs sans soulever la moindre protestation. Et pas d’amnistie non plus pour les malheureux pauvres bougres à peau blanche qui demeurent dans les prisons françaises le résidu de l’épuration.
Comme il est écrit à l’entrée du pont de Kehl, pour l’édification de tous ceux qui viennent en France : « Ici commence le pays de la liberté. »

Il est symbolique que la lettre de cachet qui prive Maurice Bardèche de sa liberté ait été rendue exécutoire à la veille du 14 Juillet.
Ça me dispense de prendre les démocrates français au sérieux. Il est vrai que je n’avais jamais eu cette tentation-là.

À chacun des huit « Quatorze-Juillet » que j’ai passés en prison, je me suis permis de soumettre mes gardiens au même petit test qui a donné invariablement les mêmes résultats.

Moi. — Tiens vous avez mis des drapeaux aux fenêtres !
Le maton. — Bien sûr, voyons.
Moi. — Qu’est-ce qui se passe donc ?
Le maton. — Vous vous foutez de moi. Vous n’allez pas me faire croire que vous ignorez que nous sommes le quatorze juillet.
Moi. — Je le sais bien. Mais vous, savez-vous ce que c’est que le quatorze juillet ?
Le maton. — La fête nationale, parbleu.
Moi. — Mais encore ?
Le maton. — Euh…, la fête nationale…, enfin…, oui…, la fête nationale…
Moi. — Mais plus spécialement, que célèbre-t-on ce jour-là ?
Le maton. — Euh… la liberté… enfin… quelque chose comme ça…
Moi. — Eh bien, je vais vous le dire ce que vous célébrez aujourd’hui avec vos drapeaux. Vous fêtez l’assassinat d’un directeur de prison qui s’appelait de Launay et l’égorgement d’un certain nombre d’agents de l’administration pénitentiaire. Vous pavoisez parce qu’on a massacré vos aînés. Ça n’est pas gentil. Ça n’est pas confraternel. Je comprendrais à la rigueur que les autres Français, surtout ceux qui ont des difficultés avec la justice, manifestent quelque allégresse. Mais vous autres ! Vous n’avez pas honte ?

Et chaque fois – huit années de suite – j’ai vu dans la prunelle de mes gardiens la même lueur de désarroi. Ils n’avaient jamais réfléchi au sens très précis de cette fête nationale. Ils n’avaient jamais soupçonné qu’ils célébraient leur propre anéantissement. Et cette découverte les consternait.

Mais comme je suis plutôt bienveillant de nature, je me hâtais de les rassurer.
— Allons ! ne vous frappez pas. De toute façon, c’est du bidon. Le 14 juillet a été pour votre corporation un malheureux accident. Mais sans lendemain. Il n’a jamais été sérieusement question de vous ôter le pain de la bouche. La preuve, c’est que je suis ici, moi qui ai mal pensé. Et que vous êtes payé pour m’empêcher d’être libre. Croyez-moi : il y a encore de beaux jours pour la pénitentiaire dans la démocratie française. Continuez, si ça vous amuse, à faire claquer vos drapeaux, à faire partir vos pétards. Ils ne signifient rien…

Pourtant, ils signifient quelque chose.
Ils ne signifient pas la fin des lettres de cachet.
Ils ne signifient pas que les Français sont libres de vivre en dehors de l’orthodoxie.
Le sens de cette fête nationale est autre. C’est le symbole d’un choix, d’un parti pris, d’une préférence.
Ce n’est pas par hasard que le régime a décidé de se reconnaître dans cette journée-là dont toutes les circonstances sont en effet merveilleusement conformes à son style de vie.
Le 14 Juillet, c’est le triomphe officiel de l’imposture, du mensonge et de la férocité.
On nous raconte que les vainqueurs de la Bastille furent des héros. En réalité la citadelle capitula sans combat (« De Launay avait perdu la tête avant qu’on ne la lui coupât », a écrit Rivarol) et la gloire des vainqueurs est aussi factice que celle d’autres insurgés parisiens plus récents que je n’ose désigner de peur qu’on me remette en prison.
On nous raconte que la chute de la Bastille marqua la fin des détentions arbitraires. Il y avait huit prisonniers à la Bastille, dont deux fous. Et la révolution, inaugurée le 14 juillet, déclencha des massacres sans précédent et fit jeter en prison des centaines de milliers d’innocents.
On nous raconte que c’est le « peuple » de Paris qui s’est insurgé ce jour-là. Mais tous les documents historiques nous montrent que les mutins étaient la lie de la population. Ils nous montrent aussi que, dès le lendemain de la victoire, les « anciens combattants » de la Bastille étaient dix fois plus nombreux qu’ils n’avaient été sous les murs de la forteresse. Ce phénomène de multiplication des libérateurs ne vous rappelle rien ?
Enfin, si l’exploit est militairement nul, et nul aussi (ou plutôt négatif) dans ses conséquences politiques et humanitaires, il s’accompagne d’actes de sauvagerie qui donnent la nausée. On avait promis la vie sauve aux défenseurs de la Bastille.
Et tout de suite après on les massacre, on les coupe en morceaux, on promène leur viande hachée au bout des piques. C’est ce carnage bestial, cette explosion de cannibalisme que l’on célèbre tous les ans.

Un régime qui aurait quelque pudeur rougirait du 14 Juillet.
On en fait la fête nationale. Ça n’est pas la mienne.

Pierre-Antoine Cousteau, 1954

Ce que la Déséducation nationale n’enseignera jamais

 






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19 Commentaires

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  • #3393605
    Le 14 juillet à 15:58 par requinho
    Pierre-Antoine Cousteau – 14 Juillet, 1954

    Je crois que c’est toujours une des grandes forces d’E&R, depuis le début que je lis et écoute soral et e&r, quelquefois l’idée énoncé me paraissait saugrenue ou bizarre, d’autant plus quand on a grandit dans l’école répoublicaine, puis quelques minutes après j’étais toujours de leurs avis... Expliqué et comprendre la grandeur d’e&r et de notre président.

     

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  • #3393673
    Le 14 juillet à 17:54 par La charrue après les boeufs
    Pierre-Antoine Cousteau – 14 Juillet, 1954

    La France a la réputation d’être le pays de la liberté, ce qui la dispense de respecter pleinement la liberté dans toutes ses composantes.

     

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    • #3394197
      Le 15 juillet à 22:20 par Loulou
      Pierre-Antoine Cousteau – 14 Juillet, 1954

      C’est surtout le pays de la liberté recherchée.
      Contrairement aux USA(et leurs alliés protestants) qui sont les pays
      de la liberté révélée.

      Il n’y a pas de liberté divine, ou allant de soi en France.
      Si la Chartre pose les bases ,elle ne les garantit pas.

      C’est à l’homme de faire garantir sa liberté et son respect,
      il ne sont pas accordés par dieu.
      Aux USA cela se traduit par le premier et deuxième amendement.

      Nous cela cela se traduit par le fait que l’homme à non seulement le devoir
      mais aussi l’obligation de s’affranchir de toute tyrannie.
      Il n’ a jamais été question ni de port d’armes, ni de liberté totale d’expression.

      Il n’y a pas de libertés innées, il n’y a que des libertés acquises.

       
  • #3393727
    Le 14 juillet à 19:17 par Clovis
    Pierre-Antoine Cousteau – 14 Juillet, 1954

    La Révolution, la Terreur, les heures les plus sombres de notre histoire.

     

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  • #3393784
    Le 14 juillet à 22:06 par X
    Pierre-Antoine Cousteau – 14 Juillet, 1954

    Ce phénomène de multiplication des libérateurs ne vous rappelle rien ?



    Le répugnant spectacle des résistants de la dernière heure et la belle carrière politique des profiteurs de la résistance et de leurs descendants élus et réélus sans discontinuer pendant la deuxième moitié du siècle dernier.

     

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  • #3393793
    Le 14 juillet à 22:29 par Bobgarga
    Pierre-Antoine Cousteau – 14 Juillet, 1954

    Extrait du livre "Après le déluge" que je finissais justement de relire il y a 2 jours en me demandant pourquoi E&R ne parle jamais des excellents livres de Pierre-Antoine COUSTEAU...

    Merci E&R, mon souhait s’est réalisé.

     

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  • #3393871
    Le 15 juillet à 06:36 par Titi
    Pierre-Antoine Cousteau – 14 Juillet, 1954

    Bardèche a déclaré que les réfugiés français de ,Siegmaringen étaient " impardonnables ", ce qui lui valut d être traité d ’ "ordure" par Céline dans une lettre a Paraz . Quant a Cousteau il le traité de " petit ’jaloux " dans son dernier livre : Rigodon . Céline lisait Rivarol et lui adressait de temps en temps des lettres furibardes .

     

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  • #3393893
    Le 15 juillet à 08:04 par Issa
    Pierre-Antoine Cousteau – 14 Juillet, 1954

    Plus de 17000 personnes ont été envoyées à la guillotine durant une période d’un peu plus d’un an, incroyable ! et pour beaucoup juste parce qu’elles avaient des idées différentes, qu’a t’elle fait Marie-Antoinette pour être assassinée et le Roi aussi.

    Comment déclarer les droits de l’Homme et sa liberté tout en s’acharnant avec une violence inouïe contre les Vendéens sachant que tôt ou tard ils n’ont d’autre choix que d’accepter la République, (des enfants empalés au bout des baïonnettes,..).

    Celle qui m’a touché en apprenant son histoire est Marie-Anne Charlotte de Corday D’Armont, une jeune fille de 24 ans venue de loin pour arrêter la tuerie, cette femme voulait regarder les parisiens dans les yeux en allant à la guillotine " j’ai tué un homme pour en sauver mille", apparemment Marat l’ami du peuple était un juif marrane.

    Je me demande parfois si la guerre franco-prussienne de 1870 ainsi que les guerres de 14-18 et donc de 39-45 auraient existé si le Roi était resté à sa place même en partageant le pouvoir, et que Napoléon n’est pas allé marcher sur toute l’Europe.

    1789 est un nombre premier.

     

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  • #3393908
    Le 15 juillet à 08:47 par Thémistoclès
    Pierre-Antoine Cousteau – 14 Juillet, 1954

    Parmi les plus ÉNORMES mensonges de nos "amis" républicains figure : cette école obligatoire gratuite pour tous, de Jules Ferry.

    En fait -asseyez-vous- c’est Louis XIV qui a décrété, en décembre 1698, que l’Ecole serait obligatoire.
    Il a principalement chargé pour cela les jésuites de l’enseigner gratuitement.
    Le remarquable ouvrage de Bernard Gantois "DÉMOLITION" paru en 2022 détaille ces faits, que même Wikipedia confirme.

    Ça n’a donc pas été un hasard si les Jésuites ont été interdits ensuite progressivement dans toute l’Europe. Ni si les Jansénistes ont été créés comme pare-feu.

     

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  • #3393955
    Le 15 juillet à 10:47 par Paul
    Pierre-Antoine Cousteau – 14 Juillet, 1954

    La République s’est imposée par un coup d’état, en coupant la tête du roi et en commettant le génocide vendéen (200 000 morts). Il faut lire ce que planifiaient a l’époque les politiques, ça fait froid dans le dos.
    C’est factuellement un régime de terreur.

    Que pourrait on penser d’un groupe de militants aujourd’hui qui monterait à l’elyzee, attraperait macron pour ensuite lui couper la tête en place publique, et se proclamer président ? Même si on pense qu’il est une ordure, ça ne justifie pas une telle violence.

    Ce sont les mêmes méthodes qui ont été appliquées en Russie avec le tsar Nicolas II, avec JFK, et hier avec Trump. Je crois même qu’à chaque fois c’était les mêmes gens derrière ces complots.

     

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    • #3394119
      Le 15 juillet à 18:24 par Patrie Haute
      Pierre-Antoine Cousteau – 14 Juillet, 1954

      Je crois même qu’à chaque fois c’était les mêmes gens derrière ces complots.



      Ce n’est pas une croyance mais une certitude Camarade.

       
  • #3394002
    Le 15 juillet à 12:34 par Hepschtine, j’ai froid
    Pierre-Antoine Cousteau – 14 Juillet, 1954

    à Paul, oui la révolution se devrait de traiter humainement ses prisonniers et de juger dignement leurs exactions. Rien que pour montrer qu’elle ne se vautre pas comme le régime précédent dans le satanisme.
    Bien que dans le cas de notre pays (et on peut transposer à hélas beaucoup d’autres), il sera extrêmement facile de prouver que les décisions prises par "nos" "dirigeants" ont coûté de nombreuses vies. Et donc pourquoi ne pas prendre la leur ?
    Concernant le massacre de la famille, tsariste, il n’y a qu’à voir qui en est responsable et tout est clair.

     

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