La solidarité citoyenne pallie la cruauté du libéralisme
Depuis le renoncement du socialisme à la vraie gauche en 1983, les Français sont régulièrement poussés à prouver leur solidarité envers les plus démunis. De campagnes médiatiques culpabilisantes en injonctions de responsables politiques pas gênés de taxer les Français sensibilisés par la souffrance des autres, le peuple a pris l’habitude de corriger avec les moyens du bord les dommages collatéraux du libéralisme économique. L’entreprise dégraisse, l’État se désengage, total, des centaines de milliers de petits emplois se retrouvent à la rue. Les plus fragiles tombent dans la cloche, les autres se rattrapent aux branches : solidarité familiale, économies drastiques sur la bouffe (on ne parle déjà plus de vacances), travail au noir, débrouille, petite délinquance (les mères qui volent de la bouffe au supermarché)...
On ne peut qu’applaudir ce coeur pur qui lance un appel de détresse à la place de celui qui n’a plus les moyens de le faire. Mais cela souligne le cynisme d’un système qui produit de la misère d’un côté, et de la richesse de l’autre. Banal à dire, mais à rappeler régulièrement : ce système est profondément injuste, et ses sujets sont doublement menacés. Celui qui a encore la chance d’avoir un travail tremble de le perdre, et se sent presque coupable par rapport à ceux qui n’ont plus rien : ni travail, ni famille, ni amis.
Quant aux clics à la con sur les réseaux sociaux, il peut y en avoir 35 millions, cela ne changera rien à la dureté de la situation. Sans critiquer la solidarité ponctuelle et grégaire, qui surgit toujours au moment des Fêtes, la solidarité doit d’organiser comme une machine de guerre. De manière rationnelle, et efficace. Cela exclut évidemment toute exhibition de sensibilité hollywoodienne.
Comment recycler les sans-abri en hommes dignes
Par exemple, Le relais, ces cages de fer que vous trouvez un peu partout sur les trottoirs dans les grandes villes, récupère les habits dont les gens ne veulent plus, qu’ils soient encore mettables ou troués. Un tri s’effectue dans leurs centres, entre l’utilisable et le recyclable (en moquette généralement). Comme la fourniture est gratuite, il suffit d’organiser la relève, puis le tri, et enfin la revente. Jusqu’à l’exportation. Ainsi, Le Relais crée-t-il des emplois, durables ceux-là, sans faire dans la pleurniche. Et son fondateur est très clair sur le système : dès qu’il dégage du bénéfice, il embauche un nouveau « relayeur ».
Pour ceux qui sont déjà à la rue, ou qui ont des années de rue, la remontée sera dure, ne nous leurrons pas. La faim, le froid, la saleté, l’alcool, la solitude, restent marqués dans les chairs. On ne revient pas comme ça de la jungle urbaine à la civilisation. Mais il y a des sas intermédiaires, par exemple l’Armée du Salut, qui fait travailler, à leur rythme (c’est pas la Corée du Sud), les ex-zonards dans leurs artisanats divers : réfection et revente de meubles, habits, objets divers...
Voilà de la solidarité intelligente, durable, qui ne dépend pas des clics, et qui n’a pas besoin de tire-larmes.
Vendredi, une étudiante a posté sur Facebook un selfie avec un homme sans-abri qu’elle croisait régulièrement, appelant les internautes à l’aider. Son message a été partagé près de 114 000 fois.
« Je croise ce monsieur sans-abri tous les vendredis depuis l’an dernier » : ainsi débute le message de Léa, étudiante à Lille, posté sur Facebook. Trois jours plus tard, son appel, accompagné d’un selfie avec cet homme barbu au regard doux souvent assis sur le bord de la route, a été relayé près de 114 000 fois, et a suscité une immense vague de solidarité virtuelle.
Lui s’appelle Marin, et est âgé de 61 ans, raconte La Voix du Nord, qui l’a rencontré. Incapable de travailler à cause d’un mollet très abîmé, il n’a pas voulu en dire plus aux journalistes sur son origine et son quotidien.
397 décès dans la rue depuis janvier
« J’aimerais que cette photo fasse le tour de Lille pour que ce monsieur puisse passer un bon Noël grâce à vos petites pièces, pains au chocolat ou autre. Peut-être même que grâce à cette photo il trouvera un petit travail », écrit l’étudiante dans son appel. Émus, de nombreux internautes ont promis de lui faire parvenir des dons et des colis dans les prochains jours.