Le 15 de ce mois, un autre magazine satirique de bandes dessinées français, Fluide Glacial a publié son dernier numéro. La première chose qui attire l’attention des lecteurs, c’est sa couverture, une BD pour le moins étrange.
On y voit un français typique, vêtu d’un costume et béret sur la tête, tirer un pousse-pousse dans les rues, tout comme le célèbre personnage du roman de Laoshe, Xiangzi. Assis sur le pousse-pousse, un homme à la peau jaune, portant une sorte d’uniforme et un chapeau de paille (probablement une allusion au peuple chinois), le bras passé autour d’une jeune Française blonde hilare. Dans la rue, des personnes ressemblant à des Chinois, prenant des photos avec leurs téléphones portables. Sur un côté de la rue, à côté de la porte d’un restaurant chinois surmonté de deux drapeaux nationaux, un mendiant accroupi, ressemblant à un Français, mais portant un panonceau sur lequel on peut lire « J’ai faim », écrit en chinois. Sur la gauche du dessin enfin, une dame française âgée regardant passer le pousse-pousse, l’air inquiet.
Des Français tirant un pousse-pousse, et dans les rues de Paris ? C’est en effet un peu bizarre. Mais regardez au-dessus des personnages de la couverture, et vous comprendrez mieux l’intention de l’artiste. On y voit un texte, qui dit : « Péril jaune, et si c’était trop tard ? ». De toute évidence, le dessinateur a voulu exprimer par son dessin son mécontentement de voir de plus en plus de Chinois venir faire du tourisme en France ou y faire des affaires. À ses yeux, ces Chinois à peau jaune sont semblables aux Huns et aux Mongols qui envahirent autrefois l’Europe lors de leurs multiples expéditions vers l’Occident ; ils pénètrent des pans entiers de l’économie française, ont des activités d’investissement, et « ôtent le pain de la bouche » des Français.
En effet, la Chine est aujourd’hui un pays puissant. De plus en plus de Chinois viennent faire du tourisme ou investissent en France. Mais en fait, c’est une une bonne chose. Car non seulement cela a permis d’injecter une nouvelle vitalité dans une économie française moribonde, mais également créé beaucoup d’emplois en France. Mais, en France, certaines personnes ne partagent pas ce point de vue. Ce faisant, ils confondent le vrai et le faux et s’égarent. Avec ce soi-disant « péril jaune », ils se font peur à eux-mêmes. Ils se méprisent eux-mêmes, et se présentent ainsi comme des victimes du commerce et des investissements de la Chine à l’étranger. L’écœurant « péril jaune » de ce dessinateur rappelle en fait effectivement la « théorie de la menace chinoise » inventée par l’Occident au tournant du siècle et ne vaut même pas la peine qu’on en discute.
Comme nous le savons tous, l’émergence de la Chine est pacifique et ne nuira à personne, et elle ne sera une menace pour personne. La Chine recherche une « interaction positive, des avantages mutuels et du gagnant-gagnant » avec les autres pays. Les personnes qui disent que la Chine est un « péril jaune » ne sont pas des fous, donc, ils ont des arrière-pensées.
Il faut que chacun se souvienne que, peu de temps après l’attaque terroriste brutale sur Charlie Hebdo, les forces de l’extrême droite française ont semblé s’agiter, et que la rhétorique xénophobe a connu une flambée. C’est dans ce genre de contexte que la couverture de Fluide Glacial a été mijotée. Elle se fait l’avocat des stéréotypes occidentaux, et son but est d’inciter les Français à détester les Chinois et les asiatiques. C’est dire si son rôle est négatif.
En bref, dénigrer le peuple chinois avec ce « péril jaune » témoigne d’un comportement très grossier, et nous conseillons ici au magazine Fluide Glacial de ne plus publier ce genre de caricatures offensantes et d’utiliser la bande dessinée pour diffuser une rhétorique anti-chinoise. Car faire ainsi ne démontre absolument rien, si ce n’est d’exposer la malveillance et la légèreté de ce magazine et de son dessinateur.
Pourquoi certains magazines satiriques occidentaux sont-ils ainsi toujours prêts à prendre le risque de publier ce genre de choses ? On peut supposer que c’est sans doute lié à cette fameuse « liberté de parole » si vantée. Je me souviens qu’après l’incident des caricatures danoises de 2005, l’ancien secrétaire au Foreign Office Jack Straw a dit ceci : « Nous respectons la liberté d’expression, mais en aucune façon le droit d’insulter et de provoquer ». M. Straw est un sage. Il avait bien compris une chose évidente : mépriser et insulter les autres ethnies, religions et cultures n’est en fait pas autre chose que du nombrilisme et du manque de respect envers soi-même.
Certains pourraient penser que cette bande dessinée reflète juste un sentiment de désenchantement des Français, et même qu’il n’y a pas vraiment de quoi fouetter un chat. Mais l’utilisation dans cette bande dessinée du mot « péril jaune » est déjà en elle-même une insulte. Elle reflète l’arrogance et les préjugés de certains Occidentaux. Aussi l’auteur de ces bandes dessinées serait-il bien inspiré de recourir un peu moins à ce genre de « gadgets ».
Les relations entre la Chine et la France ont une histoire déjà ancienne. Pendant la Première Guerre mondiale, les travailleurs chinois ont apporté une contribution indélébile à la défense de la France. En 1964, l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France a ouvert un nouveau chapitre des relations bilatérales. Les Chinois résidant en France et les Français d’origine chinoise apportent constamment leur contribution au développement social et économique de la France. Que l’auteur de cette bande dessinée admette cela, et son esprit sera beaucoup plus tranquille.