Morceaux choisis de l’interview accordée au journal suisse Le Matin le 6 octobre 2015 par le chanteur animateur français. Véritable couteau suisse, selon sa propre expression, le déconneur fait dans la télé, le théâtre, l’édition et la chanson. Et s’il peut être cru dans ses chansons coquines, il peut aussi être cru politiquement.
Comme ça, vous écrivez un nouveau livre ?
Oui, il sort en février. Son titre, c’est « Sexa 1 », comme sexagénaire et sexe. J’ai fait un livre sur cinquante ans de ce que je connais en sexualité. Ce n’est pas sur ma sexualité à moi. Je n’ai aucun tabou, je ne suis pas obsédé non plus, mais ça m’a toujours passionné : le sexe est un révélateur sociologique formidable. « Sexa 1 » est le premier volume. Puis je vais compiler toutes les réactions pour faire le deuxième. Moi, je suis un fou d’écriture ! J’ai une formation littéraire qui m’a permis de faire des chansons légères. Et il est beaucoup plus difficile à créer « Les sardines » qu’une pièce de théâtre. C’est un enfer de trouver le petit refrain qui va cavaler partout. Mais je ne peux pas passer une journée sans inventer quelque chose.
Et vous trouvez toujours l’énergie de le faire ?
Ecrire un album, un livre, un scénario, une pièce tout en faisant mon boulot de producteur, c’est une manière de rester en vie. (Il sourit.) J’ai 62 ans, je ne bois pas, je ne me drogue pas, je ne prends ni tranquillisants ni stimulants, je ne vois pas de psy, je fume deux paquets de cigarettes par jour et je bois du café. Et je suis en bonne santé ! J’aime bien passer de tout à tout.
Jamais schizophrène ?
Je n’ai pas le temps. J’ai la chance de faire le métier que je voulais. Mais c’est très marrant : je vends 200 000 albums, je ne suis pas considéré comme un chanteur, ni d’ailleurs comme un auteur, un écrivain ou un animateur. J’en suis à quarante ans de carrière en me montrant le plus authentique possible, avec mes défauts, donc. Il y a plein de mecs qui me prennent pour un blaireau, un beauf. Et puis il y a les gens qui me connaissent mieux. La reconnaissance, je n’en ai pas besoin. J’ai juste envie d’avoir du public. Je suis un saltimbanque ! Je sais qu’il y a certaines choses que je fais qui sont moins bien que d’autres. Mais j’ai plus d’estime pour Depardieu que pour Adjani. Gérard, il est vivant, il prend des risques. Je l’adore, parce qu’il fait Obélix comme Cyrano. Je préfère les mecs qui font beaucoup et qui se plantent que ceux qui font une chose de temps en temps et qu’on colle au plafond, parce qu’ils ont les relations qu’il faut. Moi, je n’ai aucun réseau, aucune amitié particulière.
Et Cyril Hanouna ?
C’est différent. Je suis son grand frère et je l’appelle souvent pour le remettre dans le droit chemin. Il m’adore, on se connaît depuis très longtemps et il sait que je suis de bon conseil. Là, tout arrive en même temps, le succès, l’argent, mais il faut qu’il se méfie. C’est vachement dur de gérer le succès en restant sain d’esprit. Il est de ma famille. Il a été élevé à toutes mes outrances. Il a du talent, il a toujours 14 ans dans la tête. On est des clowns et il ne faut pas qu’on se prenne pour autre chose. C’est le jour où on commence à sortir de notre rôle qu’on se casse la gueule. La seule chose qui me fait peur c’est qu’il tombe dans la dope.
Pourquoi vous ne passez pas à la radio ?
(il réfléchit) Depuis Molière, on n’a pas beaucoup évolué. Il y a encore un mépris du populaire. Ce sont des crétins et ce sont les mêmes qui vont défiler contre l’intolérance. Tu vois, j’ai fait cette petite chanson à la con, « Une pipe avant d’aller dormir ». C’est « Annie aime les sucettes », il n’y a pas un gros mot, rien. Certains ont dit qu’il aurait fallu l’interdire. Ce sont les mêmes qui ont défilé le 11 janvier. Il y a deux libertés d’expression : celle de Libé et de Télérama et puis il y a l’autre. Ça ne tient pas ! (Il ricane)
Ce ne serait pas plutôt votre personne qu’ils n’aiment pas ?
C’est parce qu’on les dérange, on les emmerde, on n’entre pas dans la norme, on ne fait pas de courbettes. Ils sont suffisants ! A l’époque, Chirac parlait de fracture sociale. Eh bien la fracture, elle est élitiste. Il y a une catégorie de gens qui se prennent pour une race supérieure et qui pensent « nos goûts à nous, c’est bien et si vous n’aimez pas ce qu’on aime vous ne valez rien ». Ce n’est pas loin des théories de Hitler ! Je me suis toujours battu contre ça parce que je viens de la province, que je vais tous les soirs dans des galas où effectivement je vois des gens qui ne sont pas toujours malins ni tirés à quatre épingles. Mais p… ! Ce sont des êtres humains. Et si je n’avais pas réussi, je serais à la même place qu’eux. Je serre dans mes bras des gens à qui les mecs d’en haut ne serraient même pas la main.