Le bleu et le rose ne sont plus ce qu’ils étaient. Un vent de « gender » venu des Amériques a balayé la vieille Europe. Que n’avons-nous un neutre comme cette Allemagne si performante pour désigner la vie ?! Le nombre aussi en prend un coup. Après les « écrivaines » et les « auteures », voici le règne de « celles et ceux ». Et nos politiques de nous infliger, à jet continu, leurs discours besogneux, avec « les Françaises et les Français ». On rêve de Belges et de Belges. Avec la parité politique, cela promet.
L’enterrement du genre grammatical
Il est temps de revenir à la raison. Certains rappels linguistiques et historiques s’imposent. Ouvrons un dictionnaire. Tant s’en faut que les noms terminés par un e soient féminins. On dit : le sexe, du fromage, une rue, un meurtre, un homme et une femme (dans le même bateau, merci mon Dieu), et vertige pour tous. Nos mots viennent du latin déformé par les indigènes colonisés par les Romains. Le « e » est la lettre la plus commune pour terminer un nom. Et il n’y a pas équivalence entre genre grammatical et genre naturel. Le mâle est masculin. Les arbres latins étaient féminins. Ronsard voyait couler le sang des nymphes sous le bras meurtrier du bûcheron ou de la bûcheronne (le féminin se trouve dans le Dictionnaire de l’Académie) Est-ce à cause de la mort du paganisme que les arbres français sont masculins ?
Tout est venu des âmes trop zélées voulant venir en aide « au sexe faible » comme on disait jadis. En 1984, le gouvernement socialiste, sous l’égide d’un « ministère des Droits de la Femme », prend une initiative en faveur « de la féminisation des titres et des fonctions et, d’une manière générale, du vocabulaire concernant les activités des femmes ». À la suite de cet acte politique, l’Académie française demande à Georges Dumézil et Claude Lévi-Strauss de rappeler le rôle des genres grammaticaux dans la langue française. Cette même année, l’Académie adopte à l’unanimité un texte qui rappelle « la contrainte interne que constitue, dans la langue française, l’existence de deux genres et la valeur non marquée, générique, du masculin pour neutraliser la différence entre les sexes ».
En octobre 1998, un rapport remis, à la demande du Premier ministre Lionel Jospin, par la « Commission générale de terminologie et de néologie », déconseille formellement « la féminisation des noms de titres, grades et fonctions par distinction avec les noms de métier dont le féminin s’impose naturellement par l’usage » et complète utilement les déclarations de l’illustre Compagnie :
« L’indifférence juridique et politique conférée par le genre masculin doit être préservée dans la réglementation, dans les statuts et pour la désignation des fonctions. Ce n’est pas, en effet, Madame X qui signe une circulaire mais le ministre qui, pour un temps, se trouve être une personne de sexe féminin. Mais la circulaire restera en vigueur alors même que Madame X ne sera plus titulaire du portefeuille. »
De cette distinction, d’une importance capitale, le pouvoir en place fait fi.
L’Académie humiliée
An 1999 : abolition d’un privilège de l’Académie. Le CNRS et l’Institut national de la langue française, dont les membres sont composés d’« ingénieures », publie, avec une préface du Premier ministre, « un catalogue de métiers, titres et fonctions » systématiquement et arbitrairement féminisés. Les médias font un large écho à cette publication, abusivement présentée comme une directive régalienne et légale. Contre cette dérive du politique (le Premier ministre ne reconnaît-il pas à chacun « le droit démocratique d’utiliser la langue comme il l’entend » ?), l’Académie française adopte, le 21 mars 2002, à l’unanimité, une déclaration rappelant qu’ « aucun texte ne donne le pouvoir de modifier de sa simple autorité le vocabulaire et la grammaire du français ». Du rapport d’octobre 1998, l’Académie française déplore que le gouvernement n’ait pas tenu compte. Pas plus que de l’analyse « scientifique » jugée « irréfutable » de Dumézil et Levi-Strauss.
Octobre 2014 : le feu est mis aux poudres. Un incident oppose, à l’Assemblée nationale le député Julien Aubert à « la présidente de séance ». S’ensuit un échange un peu vif, et une demande de réparation, à défaut de repentance, faite à l’outragée. L’attention du grand public est alertée. Le 10 octobre 2014, l’Académie française refait une mise au point : fidèle à la mission qui lui a été confiée depuis 1635 de veiller à l’intégrité de la langue, elle rappelle les règles qui s’imposent pour la formation et l’usage des mots.